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Julien Vaillancourt Laliberté : « Le Quartier latin est en pleine métamorphose »

À l’intersection de la mémoire francophone, de la vitalité étudiante et des aspirations citoyennes, le Quartier latin cherche à redevenir un cœur battant de Montréal. Aux côtés de l’UQAM et de la BAnQ, la SDC Quartier Latin joue un rôle central dans cette relance concertée, fondée sur une redéfinition du territoire, de ses usages et de son identité. Entretien avec Julien Vaillancourt Laliberté, directeur général de la SDC Quartier Latin, acteur discret mais déterminant d’un renouveau attendu.

Julien Vaillancourt LalibertéJulien Vaillancourt Laliberté
Julien Vaillancourt Laliberté, Directeur général de la SDC Quartier Latin - Photo LPJ 18 juin 2025
Écrit par Bertrand de Petigny
Publié le 22 juillet 2025, mis à jour le 23 juillet 2025

 

 

Pour beaucoup, le Quartier latin évoque encore la vie intellectuelle, la jeunesse engagée et l’effervescence culturelle. Mais ces dernières décennies, cette image s’est brouillée. « On a parfois du mal à tracer les contours du Quartier latin, même pour les Montréalais. La première étape, c’est de redonner de la clarté à ce territoire, à la fois dans son périmètre et dans sa personnalité », explique Julien Vaillancourt Laliberté. Délimité par Sherbrooke au nord, St-Antoine au sud, Sanguinet à l'Ouest et Berri à l'est, le territoire de la SDC Quartier Latin regroupe aujourd’hui environ 250 commerces, allant de la restauration aux services professionnels.

Mais au-delà des chiffres, c’est l’âme du quartier qui est en jeu. « Il y a ici une densité unique d’institutions francophones, d’espaces culturels, d’acteurs éducatifs et d’initiatives locales. Il faut les reconnecter. » nous explique le directeur général de la SDC Quartier Latin.

 

Qu'est-ce qu'une SDC

 

 

Redonner sens au territoire : un défi de fond

Loin d’une revitalisation cosmétique, la SDC Quartier Latin défend une approche structurelle. « On ne revitalise pas un quartier avec une bannière ou un festival. C’est un travail de fond : sur l’éclairage, la propreté, la signalétique, l’aménagement », insiste M Vaillancourt Laliberté. Un nouveau mobilier urbain plus sobre, plus proche de l’échelle humaine a été déployé, rompant avec les anciens modules massifs conçus antérieurement.

 

« Le Quartier latin n’a pas besoin de mobilier spectaculaire. L’originalité s’y exprime dans la culture, pas dans les bancs de rue. »

 

Cette approche vise à renforcer le sentiment d’appartenance et la qualité de vie, non seulement pour les commerçants, mais aussi pour les résidents, les usagers, les étudiants. « On travaille à hauteur de quartier. » nous explique M Vaillancourt Laliberté.

 

 

Une gouvernance clarifiée, un rôle de courroie de transmission

Jusqu’à récemment, la gouvernance du quartier était diffuse, parfois même confuse. La Stratégie centre-ville de la Ville de Montréal, dotée de moyens budgétaires et d’une vision structurée, a permis une avancée majeure. Un comité dédié au Quartier latin a été formé au sein du Partenariat du Quartier des spectacles (PQDS), à qui la Ville a confié la coordination du pilier Quartier latin. « Nous, en tant que SDC, avons un rôle pivot. Nous sommes en contact quotidien avec les commerçants, les institutions, les usagers. Nous faisons le lien, nous lubrifions les rouages. » assure Julien Vaillancourt Laliberté.

 

Consulter la Stratégie centre-ville 2022 - 2030 de la Ville de Montréal

 

Le DG revendique une approche de terrain. « On est là pour permettre aux gens d’agir, pas pour leur imposer des solutions. On facilite, on relie, on soutient. »

 

 

Une logique d’accumulation, pas d’éclat ponctuel

L’un des tournants majeurs de la relance actuelle réside dans le refus des actions isolées et sans suite. « Il faut arrêter de penser que, parce qu’on organise un festival ou qu’on installe une bannière, on revitalise un quartier », affirme Julien Vaillancourt Laliberté. Pour lui, chaque intervention doit désormais s’inscrire dans un tout cohérent, nourri par la concertation et la continuité.

La mise en place d’une stratégie centre-ville structurée, assortie d’un budget dédié et de mécanismes de reddition de comptes confiés à un comité mandaté par la Ville, a permis de sortir de l’improvisation.

 

« On est enfin dans une logique d’accumulation : les énergies convergent, les partenaires se parlent, les projets se répondent. »

Marie Grégoire, Priscilla Ananian et Julien Vaillancourt Laliberté sur le parvis de la BAnQ où se trouvent l'installation - Photos Nathalie St-Pierre
Marie Grégoire (BAnQ), Priscilla Ananian (UQAM) et Julien Vaillancourt Laliberté (SDC QL) sur le parvis de la BAnQ où se trouvent la deuxième installation du projet Arborescences - Photos Nathalie St-Pierre

 

Arborescences : une métaphore vivante du Quartier latin apprenant

Porté par l’UQAM, la BAnQ et la SDC, le projet Arborescences incarne la nouvelle dynamique du Quartier latin. Pensé comme un parcours culturel à ciel ouvert, il mêle design, participation citoyenne et ancrage territorial. « Par son intégration à la piétonisation estivale, Arborescences traduit notre volonté de bâtir un environnement d’affaires sain, attrayant et durable », explique Julien Vaillancourt Laliberté. Installés dans la cour intérieure du pavillon Hubert-Aquin de l’UQAM et sur le parvis de la Grande Bibliothèque, ces dispositifs sont à la fois œuvre, mobilier urbain et lieu de rencontres, illustrant concrètement la posture « apprenante » que défendent les partenaires du quartier.

 

Inauguration du projet Arborescences

 

 

L’UQAM, la BAnQ, le CHUM… mais aussi les habitants

La concertation inclut de nombreux partenaires structurants : l’Université du Québec à Montréal (UQAM), la Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ), le CHUM, mais aussi des promoteurs immobiliers et des organismes communautaires. Mais c’est sans doute l’UQAM qui, dans les deux dernières années, a donné le signal le plus fort. En nommant une vice-rectrice à la relance du Quartier latin, l’université a pris acte de sa responsabilité territoriale. « Cette nomination est un geste politique, au bon sens du terme, estime Julien Vaillancourt Laliberté. Cela montre que l’UQAM ne se contente plus d’occuper le quartier : elle s’engage à en être un acteur moteur. »

 

Priscilla Ananian, vice-rectrice associée à la relance du Quartier Latin de l’UQAM

 

La posture adoptée est celle de l’apprentissage collectif, dans l’esprit des villes apprenantes de l’UNESCO. « Il ne s’agit pas de plaquer une expertise descendante, mais de travailler avec les citoyens, les commerçants, les institutions. De faire émerger des solutions dans une logique collaborative. » L’UQAM multiplie ainsi les projets conjoints, académiques comme opérationnels, qui contribuent à une meilleure connaissance du quartier et à sa transformation concrète. « Pour moi, dès les premières rencontres, j’ai senti qu’il y avait là une volonté sincère de co-construction. C’est précieux. »

Reste la question des résidents, souvent peu représentés dans les instances décisionnelles. « C’est un enjeu, reconnaît M Vaillancourt Laliberté. Le quartier se densifie, des milliers de nouvelles unités résidentielles sont en construction. Il faudra que les habitants aient leur mot à dire dans cette métamorphose. »

 

 

Une posture apprenante, locale et internationale

Le renouveau du Quartier latin s’appuie aussi sur une posture apprenante portée notamment par l’UQAM, en écho aux principes de l’UNESCO sur les villes apprenantes. Ici, concertation, expérimentation et transmission de savoirs guident l’action. « Nous ne sommes pas dans une dictature éclairée, mais dans une vraie concertation », rappelle Julien Vaillancourt Laliberté.

 

En savoir plus sur le Quartier apprenant

 

Cette démarche confère au quartier une dimension internationale : en adoptant les codes des villes apprenantes, Montréal inscrit le Quartier latin dans un réseau mondial de territoires qui misent sur la formation continue, l’inclusion citoyenne et l’innovation sociale comme leviers de transformation urbaine.

 

Pour aller plus loin dans la compréhension
 

 

Une vision en construction, mais déjà incarnée

Julien Vaillancourt Laliberté n’élude pas les difficultés. « Il y a eu beaucoup d’annonces dans le passé, beaucoup de plans. La lassitude est réelle. Mais cette fois-ci, nous avons des moyens, une feuille de route, et surtout un engagement partagé. » Le mot qui revient souvent dans sa bouche est celui de « métamorphose ». Un mot qui dit à la fois la profondeur du changement, sa lenteur, mais aussi sa promesse.

 

« Ce quartier est à un moment charnière. Il peut redevenir un lieu de fierté collective, à condition de respecter ce qu’il est : un espace francophone, intellectuel, habité, vivant. »

 

Un quartier en transition, une ambition collective

Le Quartier latin de Montréal n’a pas vocation à imiter son cousin parisien, ni à rivaliser avec le Quartier des spectacles. Il avance à son rythme, dans la complexité urbaine qui est la sienne. Mais il avance. Reste à savoir si la métamorphose actuelle saura s’inscrire dans la durée, réconcilier les mémoires, les usages et les futurs, et surtout, tisser des liens durables entre les individus, les institutions et les lieux qui composent ce territoire unique. Et si, dans quelques années, les Montréalais diront à nouveau avec fierté : « On se retrouve au Quartier latin. »

 

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