À l’invitation de la Relance du Quartier Latin, les candidats Robert Beaudry (équipe sortante) et Claude Pinard (équipe Soraya) ont confronté leurs idées sur les enjeux d’un quartier emblématique de Montréal. Un débat où le diagnostic fait consensus, mais où les solutions peinent encore à s’imposer.


Le 28 octobre, la salle JE-1150 du pavillon Judith-Jasmin Annexe de l’UQAM, au 1564 de la rue Saint-Denis, affichait pratiquement complet. Dans cet édifice récemment rénové, où s’est installée l’équipe de la Relance du Quartier Latin, les électeurs du district de Saint-Jacques étaient venus entendre Robert Beaudry (Projet Montréal - équipe sortante) et Claude Pinard (Ensemble Montréal - équipe Soraya”).
La soirée, animée par Rachel Chagnon, doyenne de la Faculté de science politique et de droit, s’est ouverte sur les mots de Priscilla Ananian, vice-rectrice associée à la Relance :
« Le Quartier Latin est un laboratoire vivant de la vie urbaine montréalaise. C’est ici que s’expérimentent les solutions qui inspireront la ville de demain. »
Dans la salle, un mélange d’étudiants, de commerçants, de professeurs et de curieux. Tous conscients que l’avenir de ce quartier, à la fois symbole et blessure de Montréal, dépasse les frontières de Saint-Denis.
Entre promesses et bilans : la mobilité comme terrain d’affrontement
Premier thème abordé : la mobilité. Florence Junca-Adenot, professeure associée en urbanisme, a lancé la discussion sur l’état du quartier, les chantiers incessants et la propreté des rues.
Claude Pinard, candidat d’Ensemble Montréal, a frappé là où le bât blesse : « On ne peut pas rouvrir la même rue trois fois en cinq ans », a-t-il dénoncé, promettant moins de chantiers, plus de coordination et une présence accrue de travailleurs sociaux dans les transports en commun.
Robert Beaudry, candidat sortant de Projet Montréal, a défendu son bilan avec calme : « Ces chantiers sont le prix de la revitalisation », a-t-il insisté, évoquant les brigades de réinsertion pour la propreté et le soutien aux commerçants affectés. Il a également rappelé que « le Quartier Latin concentre un grand nombre de ressources pour les personnes en situation d’itinérance », ce qui accentue leur présence dans le secteur. Ambiguïté immédiatement relevée par son adversaire. Dans la salle, on sentait l’agacement des uns et le réalisme des autres : l’équilibre entre relance et exaspération reste à trouver.
Cohabitation sociale : le visage humain du débat
Quand Michel Parazelli, professeur à l’École de travail social, a abordé la question de l’itinérance, le ton s’est fait plus grave. Dans ce quartier où se croisent étudiants, touristes et personnes sans abri, la cohabitation devient un défi quotidien.
Robert Beaudry a rappelé les actions entreprises par la Ville : une résolution reconnaissant les personnes itinérantes comme citoyens à part entière, un commissaire dédié au suivi du rapport de l’OCPM, et le déploiement possible d’habitations modulaires.
Le rapport de juillet 2025 de l'Office de consultation publique de Montréal (OCPM) sur l'itinérance recommande des changements majeurs pour aborder la crise actuelle, notamment la construction de logements, l'arrêt du démantèlement des campements tant que le manque de logements persiste, et un financement durable pour les organismes communautaires. Il souligne les problèmes de fragmentation des responsabilités entre les paliers de gouvernement et le besoin de mieux informer les citoyens pour favoriser l'acceptation des ressources dans les quartiers. Le rapport est disponible et vise à améliorer la cohabitation sociale en considérant l'itinérance comme un problème de liens plutôt qu'un simple irritant urbain.
Claude Pinard, lui, a plaidé pour une réponse plus humaine : « Il faut cesser de traiter les personnes sans-abri comme des demi-citoyens », a-t-il lancé, prônant un financement accru des organismes communautaires et la construction de 2000 logements avec accompagnement.
Derrière les chiffres, la même inquiétude : comment préserver l’esprit du Quartier Latin sans renvoyer sa fragilité hors champ ?
Gouvernance : la politique vue du trottoir
Troisième volet : la gouvernance de Ville-Marie, soulevée par Caroline Patsias, professeure de science politique. Claude Pinard a plaidé pour une simplification de l’appareil municipal et la fin de la « paperasse inutile », tout en refusant de chambouler l’équilibre actuel dès un premier mandat.
Robert Beaudry, plus introspectif, a rappelé que les blocages actuels étaient nés d’une « guerre d’ego » entre anciens dirigeants, et s’est dit ouvert à l’élection directe des conseillers, sous réserve d’un changement législatif à Québec.
La salle écoutait attentivement, sans passion excessive mais avec ce sérieux qu’inspirent les débats où la proximité remplace la rhétorique.
Une conclusion tournée vers la culture et la collaboration
En clôture, Marie Grégoire, présidente-directrice générale de Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ), a livré une synthèse lucide :
« Le Quartier Latin, c’est un écosystème de savoirs, de mémoire et de culture. Il faut le penser collectivement. »
Ses mots ont résonné comme une mise en garde : la relance du quartier ne se résume ni à la pierre ni au bitume, mais à un effort commun pour y maintenir la vie, la diversité et le sentiment d’appartenance.

Un quartier à réinventer, ensemble
Au terme de la rencontre, les désaccords demeurent, mais le ton est resté respectueux. Aucun slogan, peu de posture : deux visions, deux rythmes, un même constat.
La Relance du Quartier Latin, portée sans relâche par l’UQAM, la BAnQ et la SDC, continue d’offrir un espace de réflexion collective où chercheurs, citoyens et élus confrontent leurs réalités. Grâce à eux, le Quartier Latin redevient ce qu’il a longtemps été : un miroir de Montréal — vibrant, contrasté, fragile, mais obstinément vivant.












