L’ouvrage collectif La mission préfectorale, publié aux Éditions Panthéon-Assas, réunit plusieurs contributions sur l’évolution et les transformations du rôle des préfets. Parmi les auteurs, Daniel Mockle apporte un éclairage précieux en retraçant l’histoire des préfets au Québec et en établissant une comparaison avec les modèles français et européens.


L'ouvrage propose un panorama historique et comparatif de l’institution préfectorale. Il explore comment une fonction, née sous le Premier Empire comme « la manifestation et le symbole d’un État fort et présent sur l’ensemble du territoire », se réinvente sous les effets de la décentralisation, de la déconcentration et de la réforme de 2021.
Parmi les auteurs, on remarque la présence du professeur canadien Daniel Mockle, dont la contribution, intitulée « La fonction préfectorale et la territorialisation en perspective comparée France / Québec », se distingue par une immersion dans le modèle québécois.

En mobilisant sa longue expertise en droit public, Mockle articule le rôle des préfets avec le mouvement plus large de territorialisation des collectivités locales, apportant une dimension transnationale à l’analyse de cette institution française.
Un regard comparatif sur le rôle des préfets
Dans sa contribution, Daniel Mockle met en lumière les origines et l’évolution du rôle des préfets au Québec, un système hérité des traditions britanniques et adapté aux réalités locales. Il rappelle que cette fonction a connu plusieurs transformations majeures au fil du temps, passant d’un statut de simple représentant du pouvoir colonial à celui d’administrateur régional.
« Dès la création du Canada-Uni en 1840, les préfets ont été intégrés au système municipal, mais leur mission a évolué parallèlement aux réformes de l’administration territoriale », souligne Mockle. Cette approche comparative permet d’observer que, contrairement à la France où les préfets incarnent encore aujourd’hui le pouvoir central, ceux du Québec ont progressivement acquis une autonomie accrue.
Une transformation liée aux réformes institutionnelles
Mockle analyse les grandes réformes qui ont marqué l’histoire préfectorale québécoise, notamment celle de 1979, qui a vu l’émergence des municipalités régionales de comté (MRC). Cette réforme a renforcé la décentralisation et modifié en profondeur la mission des préfets. Aujourd’hui, certains sont élus au suffrage universel, mais dans plusieurs MRC, ils sont encore choisis et désignés par leurs pairs, c’est-à-dire les maires des municipalités membres.
Une MRC, ou municipalité régionale de comté, est une structure administrative propre au Québec qui regroupe généralement une dizaine de municipalités d'un même territoire. Elle coordonne des services régionaux tels que l’aménagement du territoire, la gestion des matières résiduelles ou encore le développement économique. Le Québec compte 104 MRC.
« Ce changement a fait basculer la fonction préfectorale vers un rôle de coordination locale, au service des municipalités et du développement régional », explique-t-il. Le préfet québécois n’a donc plus de pouvoir de tutelle, contrairement à son homologue français, mais devient un acteur clé dans les enjeux d’aménagement du territoire, de fiscalité et d’environnement.
Une ambiguïté sémantique révélatrice d’une évolution
L’auteur s’attarde également sur un point intéressant : la persistance du terme préfet au Québec malgré l’évolution du rôle. « La terminologie a traversé le temps, créant une certaine ambiguïté », note-t-il. En effet, si la fonction a changé, le titre est resté, entretenant une confusion avec le modèle français.
L’analyse de Mockle met en lumière un paradoxe : alors que les préfets québécois ont acquis une autonomie considérable, leur dénomination continue d’évoquer un passé marqué par une forte centralisation. Il souligne également que la traduction anglaise du terme demeure warden, un choix sémantique qui reflète encore aujourd’hui les racines historiques de cette fonction.
Une réflexion sur l’avenir de la mission préfectorale
L’étude de Daniel Mockle ouvre ainsi la porte à une réflexion plus large sur l’évolution de la gouvernance locale au Québec. À l’heure où les enjeux de développement durable et d’aménagement du territoire prennent une place croissante, le rôle des préfets pourrait-il encore évoluer ? L’autonomie des MRC doit-elle être renforcée ?
En posant ces questions, Mockle invite à penser l’avenir de la mission préfectorale dans un contexte où la régionalisation et la coopération municipale deviennent des enjeux stratégiques. Une réflexion essentielle pour mieux comprendre les défis administratifs du Québec contemporain.
Cet ouvrage propose des repères clairs pour comparer la France et le Québec, tant sur le rôle des préfets que sur la question, centrale ici, de la territorialisation et des collectivités locales. Il peut utilement nourrir la réflexion des administrations et des chercheurs sur l’organisation territoriale et les modes de gouvernance.
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