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Guillaume Tremblay, la voix des villes au Québec

Alors que le Québec s’apprête à élire ou reconduire plus de 1100 maires le 2 novembre, l’Union des municipalités du Québec (UMQ) rassemble près de 450 villes et MRC autour de leurs enjeux communs. Son nouveau président, Guillaume Tremblay, maire de Mascouche, incarne une nouvelle génération d’élus. Il plaide pour plus d’autonomie locale, la mutualisation des services, une réforme fiscale en profondeur et une ouverture accrue vers la francophonie.

Guillaume Tremblay MascoucheGuillaume Tremblay Mascouche
Guillaume Tremblay, président de l'UMQ, maire de Mascouche - Photo Courtoisie
Écrit par Bertrand de Petigny
Publié le 29 octobre 2025

« Notre rôle, c’est de trouver des points de convergence, que ce soit des enjeux politiques ou des services partagés » - Guillaume Tremblay.

 

L’Union des municipalités du Québec fédère près de 450 membres, parmi lesquels de grandes villes, mais aussi des municipalités régionales de comté (MRC).

Concrètement, l’UMQ centralise des appels d’offres pour des biens et services indispensables à toutes les municipalités : produits de déglaçage, lampadaires, équipements urbains. Grâce à cet effet de volume, elle obtient de meilleurs prix et allège la gestion locale.

Mais l’action de l’UMQ dépasse les économies d’échelle : elle offre une plateforme où les municipalités peuvent mutualiser leur expertise, échanger des solutions et affirmer une solidarité territoriale. « Seul, un maire est isolé. Ensemble, nous devenons une force de proposition », insiste le président de l’UMQ. Ce rôle collectif prend tout son sens dans la relation avec Québec : l’Union se fait la voix des villes pour négocier la fiscalité, défendre l’autonomie municipale et rappeler que les réalités locales exigent des réponses sur mesure.

 

 

Une MRC, ou municipalité régionale de comté, est une structure administrative propre au Québec qui regroupe généralement une dizaine de municipalités d'un même territoire. Elle coordonne des services régionaux tels que l’aménagement du territoire, la gestion des matières résiduelles ou encore le développement économique. Le Québec compte 104 MRC.

 

 

Fusions, mutualisation et autonomie

Le débat sur les fusions municipales n’est jamais bien loin au Québec. Imposées au début des années 2000 par le gouvernement du Parti québécois, puis en partie annulées sous les libéraux, ces fusions ont laissé un souvenir contrasté, parfois douloureux. Aujourd’hui, Guillaume Tremblay préfère employer le terme de « mutualisation », jugé moins conflictuel et plus adapté aux réalités locales. Il s’agit de partager des ressources — un directeur général à temps plein pour plusieurs petites municipalités, un service d’incendie commun, ou encore des infrastructures culturelles ou sportives — afin de protéger les finances locales sans imposer de regroupements forcés.

 

« Nous croyons à l’autonomie municipale. Chaque ville est assez grande pour prendre les meilleures décisions pour son territoire »

 

Cette approche, soutenue par Québec à travers des incitatifs financiers, vise à préserver l’identité et la proximité des petites villes tout en leur permettant de tenir le cap face à des défis budgétaires croissants. La mutualisation devient ainsi une voie médiane entre la solitude des petites municipalités et la lourdeur des grandes fusions.

 

 

Fusions municipales au Québec : rationalisation ou perte d’âme collective ?

 

Fiscalité : sortir du cul-de-sac

Pour Guillaume Tremblay, le financement des municipalités est devenu une impasse. Le système actuel repose presque exclusivement sur la taxe foncière, un outil hérité d’une autre époque, pensé pour financer les services de proximité mais incapable de répondre aux nouvelles responsabilités confiées aux villes. « Logement, itinérance, transport : les responsabilités explosent sans que les revenus suivent. On est complètement dans un cul-de-sac », alerte-t-il.

Ce déséquilibre est criant : les municipalités sont appelées à construire du logement social, à investir dans les infrastructures de transport collectif, à gérer la crise de l’itinérance ou encore à protéger l’environnement, mais elles doivent le faire avec une marge de manœuvre financière de plus en plus réduite. Tremblay martèle que « la taxe foncière ne peut plus être l’alpha et l’oméga du monde municipal ».

Face à cette situation, son chantier phare prend des allures de révolution : une vaste réflexion sur la fiscalité municipale, menée avec deux anciens ministres des Finances, Monique Jérôme-Forget (libérale) et Nicolas Marceau (péquiste), ainsi que des chercheurs de l’Université de Sherbrooke. Objectif : bâtir une proposition transpartisane, solide et crédible, qui sera soumise aux partis lors de la prochaine campagne provinciale. « Nous allons demander aux formations politiques de se positionner, pour que les villes disposent enfin d’un modèle de financement adapté au XXIᵉ siècle », explique le nouveau président de l’UMQ.


 

De Mascouche à l’UMQ, un parcours atypique

Guillaume Tremblay a fait ses premiers pas en politique municipale à seulement 21 ans, lorsqu’il a été élu conseiller à Mascouche. Son énergie et sa proximité avec les citoyens le font rapidement remarquer. En 2009, il quitte l’hôtel de ville pour siéger à l’Assemblée nationale, où il découvre les rouages du pouvoir provincial. Mais trois ans plus tard, il choisit de ne pas se représenter : « J’avais envie de revenir là où les décisions se voient, où les projets prennent forme », confie-t-il.

En 2013, il est élu maire de Mascouche à 29 ans, devenant alors l’un des plus jeunes du Québec. Ce retour aux sources marque aussi une conviction durable : c’est à l’échelle locale que l’action politique est la plus tangible.

 

 

« Au municipal, on voit concrètement les projets avancer. Quand on décide de construire une piscine, elle sort de terre. C’est ça que j’aime »

 

Issu du milieu des affaires, Guillaume Tremblay a tenu trois magasins d’électroménagers avant de fonder, avec sa conjointe, une petite chaîne de commerces spécialisés dans les produits pour bébés. Cette expérience d’entrepreneur, il l’a transposée dans sa manière de diriger sa ville : rigueur budgétaire, gestion de proximité et souci du service à la population. « Je compare souvent la gestion d’une ville à celle d’une entreprise… avec une nuance essentielle : ce n’est pas ta business, c’est collectif », souligne-t-il.

Derrière l’élu se trouve aussi l’homme de famille. Père de plusieurs enfants, il revendique un fort attachement à son territoire et à sa communauté. Ses décisions politiques, il les pense comme on prépare l’avenir de ses proches : protéger les terres agricoles, préserver les espaces verts et bâtir un cadre de vie durable pour les générations futures. À 41 ans, Tremblay incarne encore cette jeunesse en politique qu’il a contribué à ouvrir, et qui continue de renouveler le visage du monde municipal québécois.

 

 

Une génération de maires en marche

Mascouche, ville en plein essor, illustre la transition urbaine québécoise : croissance démographique soutenue, pression sur l’approvisionnement en eau, nécessité de protéger les terres agricoles. Guillaume Tremblay connaît bien ces enjeux, lui qui a fait très jeune ses premiers pas en politique municipale. « Aujourd’hui, d’autres jeunes maires suivent, et c’est une bonne nouvelle », souligne-t-il.

Mais entrer en politique municipale n’est pas sans défis. Beaucoup d’élus novices découvrent, une fois en poste, la complexité des règlements, la lourdeur administrative et les limites des pouvoirs municipaux. Consciente de cette réalité, l’UMQ s’est donnée pour mission d’accompagner ses membres par des formations adaptées, des ateliers pratiques et un partage d’expertise entre pairs. Objectif : éviter que la bonne volonté se heurte trop vite au mur des contraintes légales et budgétaires, et offrir aux nouveaux élus des outils concrets pour transformer leurs idées en projets viables.

Cette volonté de professionnaliser la fonction élective participe aussi du changement de génération que représente Tremblay : faire entrer la politique municipale dans une nouvelle ère, où l’enthousiasme des jeunes élus se conjugue à un meilleur encadrement pour répondre aux attentes grandissantes des citoyens.

 

La francophonie, un laboratoire d’innovations municipales

L’Union des municipalités du Québec s’inscrit aussi dans une dynamique internationale en étant membre de l’Association internationale des maires francophones (AIMF), aux côtés de plusieurs villes québécoises. Pour Guillaume Tremblay, cette appartenance est bien plus qu’un simple sceau symbolique : « C’est important de garder des liens forts avec la communauté francophone à travers le monde. On apprend des expériences des autres et on ramène des idées concrètes chez nous », insiste-t-il.

 

 

L’AIMF, une Francophonie en action portée par ses maires

 

Ces échanges dépassent la convivialité : ils constituent un véritable laboratoire d’innovations municipales. Les maires québécois s’inspirent des pratiques européennes en matière de protection du patrimoine, de revitalisation urbaine ou encore de transport collectif. En retour, ils partagent leur expertise nord-américaine, notamment sur la gestion des grands espaces, la lutte contre l’étalement urbain ou la planification de services publics dans des territoires diversifiés. « Quand je rencontre mes collègues de France, je découvre des solutions à des problèmes que nous affrontons aussi, mais qu’ils ont abordés différemment », souligne Tremblay.

L’AIMF est également un espace de dialogue avec des réalités plus lointaines, mais non moins pertinentes : Afrique, Asie, Cambodge, Vietnam… Autant de terrains où l’on aborde l’immigration francophone, la pluri-culturalité, la cohésion sociale ou la sécurité urbaine. Les jumelages entre villes en sont une illustration concrète : Mascouche, par exemple, a développé des échanges avec la ville française de Talant, permettant d’adapter des dispositifs innovants de médiation sociale et de sécurité.

Dans un contexte mondial marqué par la montée des tensions, l’AIMF agit comme un trait d’union. Pour Tremblay, elle rappelle aussi l’importance de la langue française comme vecteur de solidarité et d’action publique.

 

 

« Nous vivons dans une société nord-américaine largement anglophone. Ces liens francophones nous permettent de ne jamais oublier d’où nous venons, mais surtout de réfléchir ensemble à où nous allons. »

 

La francophonie comme horizon des maires québécois

En s’appuyant sur l’AIMF et sur les liens tissés avec d’autres villes francophones à travers le monde, l’UMQ ouvre aussi une fenêtre internationale aux municipalités du Québec. Dans un contexte marqué par la pression migratoire et la nécessité de mieux intégrer les populations francophones venues d’ailleurs, ces échanges offrent des pistes concrètes : partager des pratiques, comparer des politiques, inventer de nouvelles solidarités. Reste à savoir si les maires québécois sauront pleinement tirer parti de cette francophonie municipale pour enrichir leur action locale et anticiper les défis de demain.



 

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