Édition internationale

CADO : quand la mémoire francophone retrouve sa voix

À la tête du Cercle des Anciens et Amis de l’OIF, Danièle Toulemont redonne souffle à une association longtemps en sommeil. Forte de son expérience au cœur de la Francophonie institutionnelle, elle relance le CADO autour de trois chantiers majeurs — mémoire, expertise et partenariats — et défend une conviction simple : sans la société civile et les nombreuses associations défendant ses valeurs et le partage de cette langue, élément essentiel pour communiquer et se comprendre, la Francophonie ne peut pleinement exister.

Le site web de CADOLe site web de CADO
Le site web du Cercle des Anciens et Amis de l’OIF (CADO)
Écrit par Bertrand de Petigny
Publié le 30 novembre 2025

 

 

Longtemps discret, presque assoupi, le Cercle des Anciens et Amis de l’OIF (CADO) retrouve aujourd’hui un souffle nouveau. Sous la présidence de Danièle Toulemont, ancienne haute responsable de l’Organisation internationale de la Francophonie, l’association entend réaffirmer le rôle incontournable de la société civile dans un système dominé par les institutions. Pour madame Toulemont, ex-présidente de la Conférence des OING et ONG de la Francophonie, la dynamique francophone ne peut se perpétuer  sans la participation active des citoyens : « Sans La société civile., la Francophonie risque de n’être plus qu’une succession de réunions ministérielles », confie-t-elle.

Loin des enjeux protocolaires, le CADO veut construire un espace où se rencontrent anciens cadres de la Francophonie, experts, bénévoles et nouveaux acteurs. Une structure au service, non pas du passé, mais d’un nouveau maillage francophone, plus vivant, plus horizontal, plus proche des réalités.

 

 

Danièle Toulemont lors de sa décoration
Danièle Toulemont a été promue Chevalier dans l’Ordre national du Mérite, le 15 mai 2025. Elle est ici à gauche du ministre délégué chargé de la Francophonie et des partenariats internationaux, M Thani Mohamed-Soilihi. 


 

Danièle Toulemont : une vie au cœur de la Francophonie

Derrière cette relance se trouve une femme dont le parcours force l’écoute. Danièle Toulemont n’est pas née diplomate : ancienne cheffe d’établissement, elle entre presque par hasard au ministère français des Affaires étrangères avant de travailler avec plusieurs ministres, puis de rejoindre l’Organisation internationale de la Francophonie. Elle y sera tour à tour directrice de la culture et de l’aménagement linguistique, fondatrice de la direction de la communication, conseillère spéciale puis présidente durant deux ans de la Conférence des Organisations internationales non gouvernementales de la Francophonie (COING), elle est une figure centrale du dispositif francophone pendant près de trois décennies.

Son récit témoigne d’une expérience rare : celle de quelqu’un qui a vu de l’intérieur les mutations politiques d’une institution passée des enjeux culturels aux arbitrages géostratégiques. « Je fais partie des personnes qui ont vu cette évolution tant de l’intérieur que de l’extérieur », affirme-t-elle, lucide sur les forces mais aussi les limites actuelles de la gouvernance francophone.

 

 

Mémoire, expertise, partenariats : les trois chantiers fondateurs du CADO

Pour redonner une colonne vertébrale à l’histoire francophone, Danièle Toulemont veut engager un travail inédit sur les archives et les mémoires de la Francophonie. Beaucoup des témoins des années fondatrices – années 60, 70 et 80 – sont encore vivants, mais leurs récits dispersés. « On s’est aperçu qu’il n’existait aucune mise en perspective historique globale. C’est maintenant qu’il faut agir : beaucoup de témoins sont encore là », souligne-t-elle  « l’objectif est de rassembler, numériser, contextualiser et raconter ce qui a forgé la Francophonie moderne... Et l’Intelligence artificielle nous y aidera ».

Deuxième axe : une plateforme d’expertise francophone réunissant des spécialistes capables d’intervenir dans des projets de développement, d’éducation ou d’organisation d’événements d’envergure internationale. Certains adhérents sont d’anciens organisateurs de Sommets de la Francophonie, d’autres des experts du cinéma, de la coopération ou de la gouvernance. « Nous voulons devenir un centre de ressources, pas une structure qui fait à la place des autres », insiste Toulemont.

Enfin, le CADO veut répondre à une demande croissante : aider associations, institutions et États à naviguer dans l’écosystème francophone, à identifier des partenaires, à concevoir des projets, à trouver des relais. « Durant les deux ans de ma présidence de la COING, j’ai travaillé étroitement avec 130 associations de la francophonie,et rencontré un certain nombre d’associations dans tous les domaines, et de nombreux acteurs de la Francophonie ces dernières 30 années  .Mes collègues ont aussi de leur côté de nombreux contacts , nous pouvons aider à  trouver chaque fois les bons interlocuteurs », résume-t-elle.

 

Entre institutions et initiatives citoyennes : inventer un pont francophone

La force du projet CADO tient dans sa capacité à relier deux mondes qui s’ignorent souvent : celui de l’institutionnel, structuré mais rigide, et celui de la société civile, dynamique mais dispersée. Danièle Toulemont rappelle que trop de réseaux francophones fonctionnent en silos : réseaux universitaires, maisons de la francophonie, centres culturels, associations régionales… « Le puzzle est là, mais il manque les liens », dit-elle.

Le CADO veut être l’un de ces liens. En France comme à l’international, l’association multiplie les ponts, encourage les convergences et soutient les initiatives existantes plutôt que d’en créer de nouvelles. Cette vision résonne avec des besoins exprimés de Dakar à Ottawa, de Phnom Penh à Paris : celui d’une Francophonie plus connectée, plus lisible, plus inclusive.

 

Une présidente qui cultive l’écoute et trace un horizon international

Au fil des échanges, Danièle Toulemont apparaît comme une femme d’action autant que de transmission. Elle connaît les tensions internes, les jeux politiques, les fragilités financières. Elle n’en reste pas moins optimiste et déterminée. « J’ai envie de faire des choses qui me plaisent avec des gens qui me plaisent », dit-elle simplement.

Déjà sollicitée pour aider des États, des régions ou des associations, elle voit le CADO comme une plateforme capable d’appuyer des projets majeurs : formation en français, coopération municipale, projets culturels, accompagnement institutionnel ou encore préparation de grands événements internationaux.

Et lorsque le Cambodge s’apprête à accueillir le XXe Sommet de la Francophonie, elle rappelle :

 

« Il faut que les pays hôtes prennent conscience qu’il s’agit de leur de leur évènement , et qu’iis en mesurent l’impact autant international que national».

 

Un horizon à écrire ensemble

En ressuscitant le CADO, Danièle Toulemont ne ravive pas seulement une association : elle réactive une idée puissante, celle d’une Francophonie portée par ses citoyens autant que par ses États. Une Francophonie qui se souvient, qui partage et qui innove. Une Francophonie qui, peut-être, n’attend plus la bénédiction des institutions pour avancer.
Reste désormais à voir comment cette vision se diffusera, et quels nouveaux acteurs saisiront la main tendue pour écrire la prochaine page de cette histoire collective.

 

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