Édition internationale

MICHEL NEYRET – La chute d'un superflic

Le directeur adjoint de la police judiciaire de Lyon, Michel Neyret a été mis en examen et placé en détention provisoire lundi dans une affaire de corruption présumée. En quelques jours, il est passé de superflic à ripoux présumé

Cataclysme dans la police nationale. Michel Neyret (Photo AFP) a passé sa première nuit en prison. Placé en détention provisoire après avoir été mis en examen pour "trafic de stupéfiants, trafic d'influence, corruption, association de malfaiteurs, violation du secret professionnel et détournements de biens", le numéro 2 de la police judiciaire de Lyon est soupçonné d'avoir des liens trop privilégiés avec ses indics. Il risque une peine de 10 ans de prison et 150.000 euros d'amende. Dès lors, toutes les hypothèses vont être vérifiées par les juges d'instruction Patrick Gachon et Hervé Robert, en charge de cette vaste affaire, qui mêle policiers et truands.

Claude Guéant sous le choc
Le ministre de l'Intérieur, Claude Guéant, a annoncé lundi qu'il allait "suspendre" Michel Neyret, de son poste de commissaire. "C'est un véritable traumatisme pour la police nationale. M. Neyret était considéré comme un très grand flic, très efficace. La police nationale souffre, mais cela étant, elle est extrêmement exigeante en matière de déontologie, et toutes les fautes sont sanctionnées avec rigueur parce qu'elle a une mission, c'est de faire appliquer la loi", a-t-il déclaré. "Cette triste affaire est l'occasion d'un rappel, pour l'ensemble des services, à la rigueur de la déontologie policière", a ajouté M. Guéant.

Payer les indics avec du cannabis
Il y a un an, Michel Neyret était soupçonné d'avoir aidé des trafiquants de drogue à échapper à une arrestation à Neuilly-sur-Seine (Seine-Saint-Denis). C'est grâce à des écoutes téléphoniques que le commissaire va faire l'objet d'une enquête de la police des polices. Placé en garde à vue jeudi dernier, les interrogatoires ont confirmé l'existence d'un "système de drogue détournée afin de rémunérer les indicateurs", selon une source proche de l'enquête. Sur l'une des écoutes, il se serait également engagé à fournir 10kg de cannabis à l'un de ses "indics". De son propre aveu, il a reconnu avoir été "imprudent". "Il a expliqué qu'à la question "Est-ce que j'ai donné des informations que seul un policier pouvait avoir ?", la réponse est "oui", indiquait dimanche une source proche du dossier, cité par le Parisien.

Des amis gênants
L'inspection générale des services reproche également à Michel Neyret une amitié trop prononcée avec deux malfaiteurs : "Gilles Bénichou, considéré comme escroc par les policiers", et "Michel Zaragoza, ancien braqueur reconverti dans le négoce automobile, tous deux mis en examen dans l'affaire", explique le Progrès sur son site internet. Une amitié qui lui a profité sous la forme de deux voyages au Maroc, frais payés. Le commissaire aurait également reçu, dans des conditions toujours inconnues, une montre Cartier d'une valeur de 28.000 euros.

Prêt à se défendre
"M. Neyret est affecté de partir en maison d'arrêt. Il ne renie pas pour autant son rôle dans la police nationale, il n'a pas voulu déshonorer la police", a expliqué lundi son avocat Me Gabriel Versini-Bullara. "Il a la volonté réelle de démontrer qu'il n'est pas cet homme corrompu que d'aucuns ont voulu dépeindre, que certains délinquants de haut rang ont voulu stigmatiser", a-t-il ajouté. Reste que le commissaire "ne peut pas nier tout en bloc. Certaines choses sont inéluctables, il les reconnaît", a ajouté son défenseur, assurant que son client "n'était pas allé jusqu'à la connivence". "Il y a beaucoup d'emballement, il faut que ce dossier soit traité à sa juste valeur" confie Aurélie Sauvayre, jeune avocate lyonnaise aux côtés de Me Versini-Bullara, scandalisé par sa mise en détention : "C'est un grand serviteur de la République qui part en maison d'arrêt. Nous ferons appel sur les 12 chefs de mise en examen, il peut n'en rester que très peu : des rumeurs génèrent des tumeurs. Il a peut-être pêché par excès de sympathie mais beaucoup de faits sont relatifs au traitement des sources ". Il "retrouvera son honneur et à sa dignité", a conclu Me Versini-Bullara.

Une légende dans la police
Michel Neyret a passé près de vingt ans à Lyon. En 1995, premier coup d'éclat : il participe au démentèlement d'un réseau islamiste dans la banlieue lyonnaise. En 2003, il est récompensé par la Légion d'Honneur, après avoir interpellé les évadés de la prison de Luynes, dans la Drôme. Cet homme d'action a également permis d'élucider des dizaines d'attaques à main armée et de démanteler plusieurs trafics de stupéfiants, notamment ces transports à bord de grosses cylindrées, les "go fast". De 2004 à 2007, il est obligé de s'exiler temporairement de la région lyonnaise, pour s'installer à la direction de l'antenne de police judiciaire (PJ) de Nice. A son retour à Lyon, en 2007, Michel Neyret est promu adjoint du directeur interrégional de la police judiciaire. C'est d'ailleurs lui qui est à l'origine de la découverte de la cache de Toni Musulin, le convoyeur de fonds parti en 2009 avec les 11,6 millions d'euros contenus dans son fourgon.

Parmi les cinq autres policiers qui avaient été placés en garde à vue après l'interpellation de Neyret, jeudi 29 septembre, quatre ont été déférés au parquet de Paris, mardi 4 octobre et un remis en liberté. L'affaire ne fait que commencer.

J.B (ww.lepetitjournal.com) mardi 4 octobre 2011

Voir aussi :

Le Progrès - Justice. Le commissaire Michel Neyret a passé sa première nuit en prison
Lyon Capitale - Michel Neyret, ce qu'on lui reproche, ce qu'il encourt
Le Monde - Le ministre de l'intérieur va suspendre Michel Neyret

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