L'île de Clipperton, baptisée aussi Ile de la Passion, est le plus petit territoire que possède la France aux confins du Pacifique. Il se situe à 1 280 kilomètres de la première côte continentale, c'est-à-dire du littoral mexicain. Le Mexique a d'ailleurs longtemps revendiqué et disputé à la France ce petit bout de territoire qui a connu une histoire jalonnée de drames.
Depuis 1982, l'îlot confère à la France une ZEE (zone économique exclusive) autour de l'île de Clipperton de 435.612 km2. (wikipedia Creative commons)
L'atoll de Clipperton est une minuscule île d'origine volcanique perdue au milieu du Pacifique. Elle possède un diamètre de 2,4 à 3,9 km et sa superficie des terres émergées n'est que de 1,7 km2. L'îlot possède peu de végétation et aucun habitant n'y réside à l'année si ce n'est les millions de crabes et les milliers d'oiseaux marins qui y ont trouvé refuge. Ce petit territoire du bout du monde est aujourd'hui administré par le haut commissaire de la Polynésie française. Il appartient donc à l'Etat français et est réservé aux militaires et surtout aux scientifiques. Plusieurs expéditions ont été organisées depuis les années 60 à commencer par les "Missions Bougainville" de la marine française qui réalisèrent des études très détaillées du lagon et de la faune. En 1980, l'équipe du commandant Cousteau plonge dans le lagon et en 2003, c'est l'explorateur polaire Jean-Louis Étienne quiréalise plusieurs études sur l'écosystème de l'atoll. En novembre 1997, une expédition scientifique franco-mexicaine, Surpaclip s'y rend pour un état des lieux. Ce fut la première fois que les Mexicains y retournèrent officiellement depuis le drame des années 1914-1917 (lire plus bas).
Considérée comme mystérieuse voire maudite, l'île de Clipperton a une histoire jalonnée de drames, de meurtres et de longues périodes d'oublis. Courant 18e siècle, l'îlot a été visité par les contrebandiers, les pêcheurs et les chercheurs de trésors. La légende veut que le corsaire britannique John Clipperton y aurait posé le pied la première fois en 1705 pour y cacher un trésor. Mais officiellement, ce sont les Français Mathieu Martin de Chassiron et Michel Dubocage, commandant respectivement les frégates La Princesse et La Découverte qui ont découvert l'île, le 3 avril 1711, un Vendredi Saint d'où le nom de baptême Ile de la Passion.
La flore est très rare sur Clipperton consistant essentiellement en quelques bouquets de cocotiers.(Shannon Rankin)
La prise de possession officielle de l'île par la France est décrété en 1858 sous Napoléon III mais sera contestée par la suite par le Mexique qui y voit un prolongement de son territoire sur sa partie occidentale. Les Mexicains s'y installeront même à partir de 1897 notamment pour exploiter le guano, cet engrais produit par les déjections des oiseaux marins et commercialisé au prix fort. Le Mexique y restera de fait jusqu'en 1917 lorsque les 11 survivants de la dernière garnison appelés "Les oubliés de Clipperton" (lire encadré) furent sauvés par l'équipage du navire américain Yorktown.
Le 28 janvier 1931, l'arbitrage de la Cour internationale et du roi Victor-Emmanuel III d'Italie rend son jugement et accorde à la France la souveraineté sur cette petite île du Pacifique. C'est seulement en 1959 que le Mexique reconnaît définitivement la souveraineté française sur l'îlot de Clipperton.
Les Oubliés de Clipperton En 1906, une base mexicaine est créée sur l'île de Clipperton suite à l'acquisition des droits d'exploitation du guano par la Pacific Island Company. Un phare est même édifié sur le point culminant de l'île. Mais à partir de 1910, la révolution mexicaine fait rage sur le continent et les bateaux chargés d'approvisionner l'île tous les deux mois depuis Acapulco se font moins régulier.Lorsque que le navire américain Yorktown accoste sur l'île en 1917, l'équipage découvrira seulement 11 rescapés mexicains.(Wikimedia Commons)
Cependant une garnison est toujours présente en 1914 mais peu à peu oubliée. Dirigée par le capitaine Arnaud, militaire mexicain d'origine française, elle est composée d'une centaine de personnes. Lorsque l'USS Lexington accoste sur l'île fin 1915, la plupart des habitants sont morts, principalement du scorbut. Les rescapés veulent évacuer l'île, mais le gouverneur mexicain s'y oppose et abandonne à leur sort les quelques soldats avec femmes et enfants sur ce morceau de terre presque désertique. Les mois passent, et les hommes désespérant de voir un autre navire les secourir, décident de sortir de l'atoll sur une embarcation de fortune. Mais cette dernière se renverse sur la barrière de corail et les naufragés sont dévorés par les requins sous les yeux de leurs proches. Le 18 juillet 1917, le navire américain Yorktown, recherchant une base de sous-marins allemands, accoste sur l'île. A sa grande surprise, l'équipage découvre les derniers survivants : trois femmes, une adolescente et sept enfants. Le dernier homme Victoriano Álvarez, le gardien du phare, est mort la veille, assassiné par les femmes dont il avait abusé pendant plus de deux ans. Jugées pour leur crime en Californie, les survivantes seront acquittées et rentreront au Mexique. |
Pour aller plus loin :
Radio émission Au Coeur de l'Histoire sur Europe 1 : Ecouter le récit de Frank Ferrand et les commentaires de Bruno Fuligni, écrivain et historien.
Clipperton : Présentation du ministère français de l'Outre-Mer
Jean-Marie Legaud (www.lepetitjournal.com/mexico) Jeudi 7 août 2014