A l’approche du forum APAC 2024, lepetitjournal.com est allé à la rencontre de Françoise Merit, française vivant en Australie depuis plus de 20 ans. Actuelle CFO de la compagnie Endeavour Energy, un distributeur d’électricité, Françoise est également la présidente du conseil de commerce extérieur de la France (CCEF) en Australie depuis 2020.
Pouvez-vous vous présenter ainsi que votre parcours?
En France j’ai eu un parcours très traditionnel, avec une formation en école de commerce. J'ai commencé à travailler en Australie dans le secteur de l’ingénierie, puis celui de la défense, j'ai travaillé pour une entreprise française, Thalès, pendant plus de 10 ans. J’ai ensuite travaillé pour Aurecon dans le Professional Services et j'ai beaucoup voyagé en Asie, dans le Middle East, en Afrique du Sud.
Meet Francoise Merit, Aurecon's new Global Chief Financial Officer https://t.co/J1FwH5wGq9. pic.twitter.com/VfpM2Es8JJ
— Aurecon (@Aurecon) January 25, 2019
Il y a 4 ans, je suis arrivée chez Endeavour Energy, un distributeur d’électricité. C’est, pour moi, un secteur très différent et au cœur des considérations politiques et économiques. L’expérience est très intéressante d’autant plus que la transition énergétique est devenue non seulement le corps de la politique économique, mais également le corps des décisions d’infrastructures.
"Je pense qu’aussi le sentiment du public pour aider à cette transition écologique met le poids vis-à-vis des gouvernements, que ce soit dans le New South Wales ou au niveau fédéral."
Pourquoi vous-êtes vous expatriée en Australie plutôt qu'ailleurs?
Je travaillais à Paris dans une société d'ingénierie qui réalisait un investissement en Australie. Je trouvais l’opportunité tentante et intéressante, je me suis donc proposée et j’ai décidé d’y rester.
“Je venais juste de me marier en France, mon mari m'a suivi. A l’époque c’était assez inédit qu’un homme démissionne pour suivre son épouse."
Il a réussi à trouver du travail relativement facilement. L'idée de s'expatrier n’était pas forcément quelque chose qui me tentait dès le départ. En revanche, avant notre mariage, mon mari avait travaillé en Allemagne, puis au Royaume-Uni. Le retour à Paris avait été un peu difficile pour lui, et l’aventure australienne a donc été naturelle. C’était vraiment l'aventure, le bout du monde, peut-être inconsciemment un petit challenge personnel aussi, de voir quelque chose de complètement différent.
Quelles sont les raisons pour lesquelles vous restez en Australie?
Ce qui m'a attiré le plus dans ce pays, ce sont les opportunités de carrière qui m'ont été proposées, un environnement extrêmement dynamique et commercial.
"Je pense que le rapport homme-femme mais aussi la méritocratie au sein de l’entreprise m’ont plu aussi."
Puis, de fil en aiguille, j'ai eu des enfants, et cela fait plus de 20 ans que je vis en Australie. Au départ c'était une grosse aventure qui devait durer deux ans, ensuite quatre, et puis dix, et maintenant vingt ans.
Avec quel type de visa vivez-vous en Australie ?
Je suis arrivée avec un visa de travail sponsorisé par mon premier employeur, et j'avais quand même réussi à obtenir un rattachement familial pour mon mari, donc il pouvait travailler.
"L’Australie est un pays qui attire beaucoup de monde mais les règles d'immigration sont assez strictes."
Il faut passer par beaucoup d'étapes : après le visa temporaire il faut obtenir la résidence permanente puis enfin la citoyenneté - que j’ai obtenue en 2007 - .
Vous êtes conseillère du commerce extérieur, pourquoi ce choix ?
J’ai été contactée par le CCEF (conseil de commerce extérieur de la France) australien en 2018, donc j'ai rejoint le groupe, le comité Australie. Je suis devenue la présidente en 2020. Nous sommes nommés par décret par le Premier ministre ; c'est un rôle reconnu par l'État, mais notre investissement se fait sur la base du volontariat.
"En réalité, les CCE sont très fortement présents dans ma vie. C’est devenu une véritable passion pour moi; c’est une mission!"
Parvenir à implémenter nos stratégies et remplir nos objectifs lorsque l’on aide une entreprise à s'installer, ou travailler avec les services de l'ambassade pour appuyer une mission, ou encore aider une visite ministérielle: nos efforts sont récompensés.
Concrètement, quelle est votre mission de CCE en Australie ?
Je mène la gestion du comité Australie qui m'a permis de repositionner au fur et à mesure la stratégie de notre comité sur plusieurs plans ; redonner du dynamisme à nos échanges, renforcer la diversité dans toutes ses facettes, promouvoir les secteurs et opportunités représentants les piliers de la feuille de route bilatérale, renforcer nos liens avec les acteurs de la Team France; par exemple sur le plan de l'interaction avec les services de l'ambassade aux niveaux économique et culturel.
"Sous l'impulsion du nouvel ambassadeur en Australie, Pierre-André Imbert, nous coordonnons beaucoup mieux nos forces entre la chambre internationale de commerce, les CCE, Business France, la French Tech, les services économiques de l'ambassade."
Nous essayons vraiment de nous conjuguer nos talents et forces , de coordonner nos actions, de s'allier et d'avoir un impact bien supérieur. Ça se traduit par des relations qui sont créées à différents niveaux.
Selon quels critères recrute le CCE australien ?
Le comité Australie - comme beaucoup de comités dans le monde - était un peu vieillissant, un petit peu dominé par les hommes. Il n'y a pas de négativité là-dessus, juste un constat.
"Dans son processus de recrutement, le comité australien s'assure d'une plus grande diversité, tant sur le plan de la parité homme-femme que sur le plan géographique."
Nous essayons de développer les villes de Brisbane, Perth et Adelaide. Le pays est tellement grand, nous ne pouvons pas juste nous concentrer sur Sydney.
La diversité sectorielle est également importante : le CCE australien s'assure d’avoir une bonne représentation de tous les services et de tous les secteurs d'activité et de production, qui pourraient aider bien sûr la mission des CCE. Parce qu’il ne s’agit pas juste de se réunir tous les mois, discuter de l'environnement économique de l’Australie. Nous voulons favoriser les relations commerciales entre la France et l'Australie. Il faut s’assurer que les sociétés françaises sont bien positionnées, soient au courant des opportunités, soient aussi aguerries, bien sûr, aux environnements législatifs, aux environnements juridiques, sociaux, puisque, en fait, chaque pays a ses petites spécificités.
Avez-vous des conseils pour entreprendre en Australie pour nos lecteurs lepetitjournal.com ?
L’Australie est un pays qui est très compliqué sur le plan juridique. Il n'est pas simple de créer une société, ni d’employer. Il faut être bien au fait des lois du travail. Notre rôle est vraiment de favoriser cet échange commercial entre la France et l'Australie. Nous pouvons aussi favoriser une entreprise australienne à investir en France, une entreprise australienne à ouvrir une antenne en France, et pas au Royaume-Uni ou en Allemagne.
"Une des premières missions des CCE - et presque finalement l'essentielle - est de favoriser cette relation privilégiée entre la France et l'Australie."
Il y en a bien sûr d'autres, telles qu’accompagner les VIE, les entreprises, soutenir l'ambassade et les services économiques, Business France, dans leurs actions.
Dans le cas des entreprises françaises qui veulent venir en Australie, notre rôle est de pouvoir les aider de façon très concrète. Les CCE sont plutôt des acteurs de terrain qui fournissent des informations très tangibles, donnés par des entrepreneurs, des cadres dirigeants qui vivent dans le pays depuis plusieurs années, ou des expatriés, et qui peuvent avoir un regard avec une autre dimension. Les CCE sont vraiment très complémentaires de l'ensemble des acteurs de ce que l’on appelle la Team France.
Est-il facile d’entreprendre en Australie pour un Français ?
Je pense qu’il faut bien connaître le pays, bien sûr, et naviguer le système social, juridique, législatif.
"C'est là que les acteurs de la Team France peuvent aider, conseiller et fournir des informations très concrètes et échanger sur des expériences."
Les entrepreneurs CCE qui ont monté leurs propres entreprises il y a plus de 20 ans - pour certains et certaines en Australie - peuvent échanger et d'une façon très naturelle et presque organique, expliquer leur cas de figure et donner des informations et des détails qui ne sont pas forcément disponibles, en tout cas dans des brochures plus officielles.
Participez-vous au forum APAC en Inde du 27 au 29 novembre 2024 ? Pourquoi un tel évènement est essentiel pour la France selon vous ?
J’ai assisté au dernier forum APAC organisé au Vietnam en 2023. D'ailleurs, Michel Barnier y était invité et avait fait un très beau discours sur les négociations du Brexit puisqu'il avait mené. Il était brillant!
"Ce rendez- vous Forum CCE APAC est un moment fort qui permet à un grand nombre de CCE à travers le monde, notamment la zone Asie Pacifique, de se retrouver et d’échanger. Je pense que cet événement est essentiel."
Cette année, je ne vais malheureusement pas pouvoir participer au forum 2024. C’est un petit peu décevant, mais je n’ai pas pu me libérer de contraintes professionelles.
Le forum en Inde va permettre à la nouvelle présidente, Sophie Sidos, de rencontrer les membres de la zone Asie-Pacifique. Les thèmes abordés, bien sûr, restent critiques en ce moment : la transition écologique- Technologies et Innovations en Asie, Ville du futur, Enjeux Défense et Intérêts Français et puis tous les enjeux stratégiques, géopolitiques et économiques de l’Inde. Il est essentiel que ce forum ait lieu en Inde car le pays est un continent de 1,4 milliard d'habitants qui offre des opportunités de développement énormes.
Traditionnellement, la France se tourne vers l'Europe, ou les États-Unis, ou l'Asie, ou la Chine. Je ne pense pas que l'Inde ait encore été considérée comme un acteur majeur de ce développement économique, et pourtant, c’est une puissance internationale majeure pour les prochaines années.