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MARIAGE POUR TOUS – "Le 'matrimonio statale' finira par être adopté en Italie"

Alors que le mariage pour tous a été voté par l'Assemblée nationale en France, l'Italie est-t-elle prête à accorder un tel droit aux homosexuels ? Lepetitjournal.com de Rome a rencontré des homosexuels et des hétérosexuels qui laissent entendre que la Péninsule a encore du chemin à faire.

Homo et alors ?

Président de l'association Mario Mieli Circolo di Cultura Omosessuale, Andrea Maccarrone (photo) est un trentenaire engagé. "J'ai été surpris par les réactions en France", avoue-il rapidement à propos du débat sur le mariage pour tous, "Je ne pensais pas votre pays aussi conservateur". Gribouillant sans cesse sur une feuille comme pour pallier un stress naturel, il aborde ensuite la question de la Péninsule et dénonce les discriminations subies par les homosexuels italiens. "Elles sont beaucoup plus fortes dans les campagnes que dans les grandes villes, toutes régions confondues", dépeint-il.

Valerio, un jeune Romain homosexuel, confirme cette fracture géographique : "Je rencontre souvent des jeunes de Calabre et de Sicile qui vivent très mal leur homosexualité dans leur village. Le Sud semble moins tolérant que le Nord. En s'exilant dans la capitale, ils sont sûrs d'être adoptés et de trouver un peu de paix".

Pour lutter contre l'homophobie, de nombreuses associations dont celle d'Andrea, conçoivent la Gay-Pride comme un rendez-vous où chacun peut exprimer fièrement son orientation sexuelle. "Nous avons même déjà défilé avec les associations LGBT de Marseille" souligne-t-il, pour montrer l'ampleur européenne d'un tel événement. Pourtant, tous ne se retrouvent pas dans cette manifestation, jugée trop communautariste. Valerio s'agace : "Ces plumes et ces déguisements entretiennent les stéréotypes. J'affectionne davantage le Gay-Village chaque été dans le quartier de l'EUR. Tout le monde s'y amuse : les gays, les hétérosexuels, les familles, les enfants".

Coincés entre une Eglise conservatrice...

Assis dans un café de San Lorenzo, Dario et Giampiero, deux jeunes hétérosexuels originaires des Pouilles, se prélassent devant Sportmediaset. "Le mariage gay, je suis pour" s'exclame le premier. Giampiero acquiesce : "Le plus important, c'est de s'aimer, non ?" Quand nous leur demandons pourquoi l'Italie est réticente, ils rejettent la faute sur le Vatican. "Dans la Bible, on ne parle pas que d'amour mais aussi de procréation." enchaîne Dario. "Or, entre deux personnes du même sexe, c'est compliqué" plaisante-t-il. Giampiero confirme les dires de son ami : "L'Eglise est trop conservatrice et ralentit tout chez nous."

Le discours change de ton sur l'adoption. Giampiero est radical : "Deux homos ne peuvent pas adopter un enfant car il a besoin de repères." Dario se lance alors dans un récit dur, fantaisiste, sans réel fondement : "Enfant, j'avais un copain abandonné par son père. Elevé uniquement par des femmes, il est devenu efféminé et est aujourd'hui homosexuel. Si son père avait été présent, il en aurait été autrement". Pour Giovanna, 72 ans, ni l'adoption ni le mariage gay ne sont envisageables : "Mais quelle horreur ! La société est créée de l'union d'un homme et d'une femme. J'attends du nouveau Pape autant de fermeté que le précédent."

Le jeune romain Valerio, catholique pratiquant, l'admet : "L'Eglise est une institution très puissante et aucun parti politique, ni même la communauté gay, n'ont intérêt à se la mettre à dos". Andrea Maccarrone reconnaît également que politique et religion sont trop liés en Italie. "Le Vatican s'appuie sur les petits partis minoritaires qui sont la clé des coalitions. Les gouvernements bloquent les progrès sociétaux car ils ont peur d'être contestés par ces conservateurs religieux". Avant d'ajouter : "Prenez l'Udc, parti chrétien mené par Casini", soulignant d'ailleurs avec ironie que ce dernier est divorcé.

...et une Gauche gênée

Défendre l'égalité des droits est donc un combat permanent de l'association Mario Mieli il Circolo di Cultura Omosessuale, qui travaille parfois avec Di Gay Project, ArciLesbica, Arcigay, Agedo ou encore Andos. Pourtant, la plupart refuse un compromis juridique. "Nous ne voulons pas une union civile qui 'ghettoïse'. C'est pour ça que nous sommes aussi pour l'adoption des couples gays et la PMA. La proposition de Bersani, proche de la formule allemande ou britannique, ne nous suffit pas. Le centre-gauche est encore trop embarrassé par la cause LGBT", regrette Andrea.

Si la droite semble opposée à tout projet, Valerio déplore également la frilosité du Pd : "En Italie, la gauche est une pâle copie de la droite. Partout en Europe, elle milite pour les droits homosexuels. Ici, elle n'en a pas le courage." L'étudiant en Sciences Politiques se veut revendicatif : "Pour décider du mariage gay, il faudrait mettre en place un référendum. Dans une démocratie, le peuple est souverain de ses droits, n'est-ce pas ? Alors pour une fois en Italie, laissons-le décider lui-même. Et puis ne caricaturons pas. Certains jeunes hétérosexuels italiens, même s'ils sont rares, sont avec nous."

Pugnace, Andrea est convaincu que la législation va rapidement évoluer. "Nous avons des soutiens politiques, comme Nichi Vendola [Président de la région des Pouilles, ouvertement homosexuel, ndlr] Antonio Ingroia mais aussi Beppe Grillo. Nous sommes confiants, l'Italie va dans la bonne direction". Même les deux Apuliens en sont convaincus. "Le 'matrimonio statale' finira par être adopté", commente Dario. L'institution du mariage gay en Italie ne serait donc qu'une question de temps. "Vu que notre pays s'est toujours un peu inspiré de sa cousine transalpine, je pense que nous l'aurons bientôt, 'notre' mariage", conclut Valerio, se donnant dix ans avant de pouvoir dire "oui" à son compagnon, qui acquiesce fièrement à ses propos.

Martin CANGELOSI et Sophie LEI (www.lepetitjournal.com/rome) - Lundi 4 mars 2013

Crédit photo: Martin Cangelosi

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