

"Je refuse que mon grand-père soit utilisé pour célébrer la patrie selon Nicolas Sarkozy, qui joue de la peur de "l'Autre"".C'est sans ambigüité que Suzette Bloch, journaliste, exprime son point de vue dans Le Monde. Il y a quelques jours, à la Chapelle en Vercors, haut lieu de la résistance, Nicolas Sarkozy a qualifié de "noble" et de "nécessaire" le débat sur l'identité nationale. Reprenant une phrase de Marc Bloch, "le plus grand historien peut-être du XXe siècle", il s'est livré à un plaidoyer de la France, qui "accepte de vibrer avec le souvenir du Sacre de Reims et d'être émue par le récit de la fête de la Fédération".
Pour Suzette Bloch, cette phrase peut avoir de multiples lectures dans son contexte : "Comme d'habitude, le président sort des mots et des icônes de leurs contextes et de leurs engagements pour les peindre aux couleurs du jour, les plus nationales en l'occurrence, oubliant l'époque qui les a produits, empêchant toute compréhension des enjeux du temps."
Un personnage d'exception
Marc Bloch est né en 1886 à Lyon, issu d'une famille juive. Brillant élève, normalien, agrégé d'histoire et de géographie, il participe avec les honneurs à la Première guerre mondiale. Professeur à la faculté de Strasbourg, spécialiste du Moyen Age, il innove dans son approche de l'histoire par une interdisciplinarité peu courante à cette époque (il introduit l'anthropologie, la botanique, l'économie ou encore la démographie, dans ses travaux). Fondateur de l'Ecole des Annales, il est au sommet de sa carrière quand éclate la 2e guerre mondiale. Il insiste pour participer aux combats et analysera le naufrage de la France dans L'étrange défaite, un livre posthume d'une clairvoyance remarquable compte tenu du manque de recul dont il dispose. Il rejoint la clandestinité en 1942 et devient l'un des chefs de la résistance dans la région lyonnaise. Arrêté par la Gestapo, il sera fusillé le 16 juin 1944.
Marc Bloch au Panthéon?
Des intellectuels ont lancé un appel au président de la République pour que les cendres de Marc Bloch soient transférées au Panthéon. Ils justifient leur démarche dans un appel relayé par le Figaro le 12 juin 2006 : "Nul n'a été plus conscient que lui [Marc Bloch, ndlr] du danger d'entrer, par réaction, dans la logique diviseuse de l'intolérance communautaire. En refusant de s'exclure d'une nation perçue à la fois comme sensible et rationnelle, particulière et universelle, en participant à la direction du mouvement franc-tireur, et en offrant sa vie à l'idéal républicain, il a voulu, expressément, donner à la postérité l'exemple de la résistance à la pétainisation des esprits."
Suzette Bloch estime donc que son grand-père n'aurait pas approuvé "l'idéologie nationaliste malsaine"de Nicolas Sarkozy et condamne "son hymne à la France repliée, chrétienne et éternelle".
Un camouflet embarrassant pour le chef de l'Etat français.
MPP (www.lepetitjournal.com) mardi 1er décembre 2009
Lire aussi :
LeMonde.fr : Laissez Marc Bloch tranquille, Monsieur Sarkozy par Suzette Bloch et Nicolas Offenstadt
Discours de Nicolas Sarkozy dans la Drôme le 12 novembre
Le Figaro.fr : Marc Bloch au Panthéon






































