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Le raid sur les Big 4 à Madrid rouvre le débat sur les horaires de travail en Espagne

Les 4 tours du quartier des affaires de MadridLes 4 tours du quartier des affaires de Madrid
CC
Écrit par Armelle Pape Van Dyck
Publié le 25 janvier 2023, mis à jour le 25 janvier 2023

En Espagne, plus de 13 millions d'heures travaillées par mois ne sont pas payées par les entreprises, une fraude que le gouvernement espagnol serait bien décidé à combattre.

 

 

Il y a quelques jours, on apprenait que le ministère du Travail espagnol avait procédé en novembre dernier à une macro-inspection coordonnée dans les bureaux de quatre grandes sociétés d'audit et de conseil de Madrid, les Big Four (Deloitte, PwC, KPMG et EY), dans le but de trouver des irrégularités dans les horaires de travail et des heures supplémentaires non rémunérées effectuées par les employés de ces sociétés.

Jusqu'à 80 heures par semaine

La dynamique de travail dans ce type d'entreprises n'a jamais été un secret, avec des horaires de travail interminables, qui peuvent atteindre des pointes de 80 heures par semaine. Mais sans en arriver là, d'autres grandes entreprises espagnoles ont une culture du travail similaire qui passe aussi par le présentéisme, des horaires démesurés et une déconnexion digitale mal vue.

Pas que les Big Four!

Ainsi, les grands cabinets d'avocats ou les banques sont également connus pour soumettre nombre de leurs employés à des horaires de travail interminables. Et suite à cette macro-inspection, de nombreuses boîtes ont commencé à avoir des sueurs froides, se rappelant soudain du vieux dicton "Si l'on rosse ton voisin, tu peux préparer tes reins"!

Un gros manque à gagner pour l'État

D'ailleurs, la ministre du travail Yolanda Diaz a affirmé, suite à cette opération de grande envergure qu'"aucune entreprise, quelle que soit sa taille, ne va rester en dehors de la loi". Il faut dire qu'il y a beaucoup en jeu. Comme l'a confirmé le ministère du Travail, le principal objectif de cette enquête est de vérifier l'existence éventuelle d'heures supplémentaires non rémunérées et non compensées par du repos, avec les conséquences que cela peut entraîner non seulement en terme d'emploi, mais aussi et surtout en terme de Sécurité sociale, par le biais des cotisations que les entreprises ne paient pas.

Un nouvel algorithme informatique permet de croiser les données avec le fisc pour analyser les données de facturation et de recrutement du personnel

Il convient de rappeler que 49% des heures ne sont pas rémunérées. En d'autres termes, au total, jusqu'à 13 millions d'heures travaillées par mois en Espagne ne sont pas payées par les entreprises, ce qui constitue l'une des plus grandes fraudes au travail du pays.

Big Brother à la rescousse

Pour lutter contre ce phénomène, le ministère du Travail et de la sécurité sociale a lancé l'année dernière un algorithme informatique permettant de quantifier le temps de travail des employés. On a peu d'informations sur ce système mais ce qui est sûr, c'est qu'il permet d'obtenir des indications en fonction de différentes variables telles que le nombre d'employés ou le volume d'activité. En d'autres termes, il est en mesure de croiser les données avec le fisc pour analyser les données de facturation et de recrutement du personnel. Une indication claire peut être le fait qu'un même local facture beaucoup plus que l'année précédente, avec le même personnel.

La déconnexion numérique, un droit du travail des salariés, n'existe pas pour plus des deux tiers des travailleurs en Espagne

D'autres variables susceptibles de fournir des informations importantes pourraient être analysées, telles que la documentation relative à la consommation d'électricité, les comparaisons avec des entreprises similaires dans la zone, les ratios de paiement par carte et en espèces, etc. Tous ces éléments permettraient à l'algorithme de vérifier les indices d'une éventuelle fraude. Bref, Big Brother au service de l'État et, in fine, des employés.

Du présentéisme au zéro déconnexion digitale

En Espagne, contrairement à la vision qu’on peut en avoir à l’extérieur, les journées de travail sont souvent bien plus longues qu’elles ne le devraient et l’une des principales raison est le "présentéisme", le fait d’être à son poste de travail, mais sans pour autant être productif. Ce phénomène, qu’on appelle plus communément en espagnol "calentar la silla" (réchauffer la chaise) est une pratique très répandue en Espagne, qui conduit à un véritable cercle vicieux dans lequel les employés ont des journées de travail de plus en plus longues alors qu’ils sont de moins en moins motivés et productifs.

 

Et le télétravail n'a rien fait pour arranger la situation. Alors que la déconnexion numérique est un droit du travail des salariés, elle n'existe pas pour plus des deux tiers des travailleurs en Espagne. D’après une étude d’ARHOE -la Commission Nationale pour la Rationalisation des Horaires Espagnols-, le présentéisme continue de sévir dans près de la moitié des entreprises espagnoles.

 

 

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