Depuis la pandémie, l’Alliance française de Madrid observe de plus en plus d’inscriptions pour les cours enfants, qu’ils soient en présentiel, à domicile, mais aussi en ligne. Cette année, l’institution propose pour la première fois un atelier d’éveil au français pour les enfants à partir de 2 ans. Décryptage avec la Coordinatrice Pédagogique des jeunes publics, précoces, enfants et adolescents (2-17 ans).
Roxane Beauvais, 33 ans est originaire de l’Essonne. Maman d’un petit garçon de 3 ans, elle travaille à l’Alliance Française de Madrid depuis plus de 7 ans, en tant que professeure de français mais aussi d’espagnol pour les enfants.
Après une première année passée à Málaga en 2011, dans le contexte de l’échange universitaire Erasmus, Licence de Langues Étrangères Appliquées en poche, elle a tout de suite su que son futur était en Espagne. Elle y revient en 2013 pour être assistante de français dans un lycée bilingue (avec option Bachibac), à Ségovie. L’éducation, l’enseignement, à ma grande surprise, m’ont tout de suite plu. Cette expérience de trois ans lui permettent de découvrir le FLE, le DELF, le Bachibac, et la magie du monde de l’enseignement. "Depuis petite, j’ai toujours aimé la lecture, l’orthographe et les dictées ! J’aimais les règles de grammaire tordues, apprendre la liste des exceptions, des verbes irréguliers", évoque-t-elle. "Ce qui me semble le plus intéressant, ce sont les échanges que l’on peut souvent avoir avec les étudiants, notamment la confrontation ou la comparaison entre les différentes langues. Qu’il s’agisse d’expressions idiomatiques, de syntaxe, d’expressions faciales... Plus qu’une langue, on apprend une manière de communiquer, on adopte une attitude, on prend une voix différente..."
Qu’est ce qui vous a amené à travailler dans le domaine de l’enseignement ?
J’ai commencé à travailler à l’Alliance Française de Madrid en 2016, principalement avec des adultes. Ce qui fut un grand changement pour moi car je n’avais travaillé qu’avec des adolescents jusque-là. Les missions qui m’ont été confiées étaient très variées, c’est ce qui m’a tout de suite plu à l’AFM. Tantôt je donnais des cours particuliers à des enfants à domicile, tantôt à des adultes dans des entreprises, ou à des adolescents dans des camps de vacances. La richesse des projets pédagogiques proposés et des formations offertes ont fait de moi une passionnée de l’enseignement du FLE, monde dans lequel on doit constamment se renouveler, se réinventer, relever de nouveaux défis. C’est très stimulant et on ne s’ennuie jamais !
L’Alliance française de Madrid propose des cours destinés aux jeunes publics. Quelles sont les tendances, quelle est l'évolution de la demande, comment vous adaptez-vous aux évolutions du marché ?
Bien que la pandémie ait dans un premier temps freiné la demande des cours pour les jeunes publics, depuis fin 2021, on assiste à une véritable "remontada", notamment en ce qui concerne les cours enfants. Les parents veulent que l’apprentissage des langues pour leurs enfants aille au-delà de l’anglais, qui n’est plus suffisant. Nous sommes un pays voisin et quelque part il y a une prise de conscience que le français est l’une des langues les plus parlées au monde, présente sur tous les continents et offrant un répertoire riche d’oppotunités culturelles et professionnelles, qu’il s’agisse de voyager, d’étudier, ou de travailler dans un pays francophone.
En 2020, le monde s’est paralysé pendant plusieurs mois, mais il est notamment resté actif grâce aux nouvelles technologies. Les gens ont peut-être compris que, bien qu’enfermés, sans pouvoir bouger ou sortir de chez eux, ils peuvent agir et avancer même depuis un ordinateur, communiquer avec l’extérieur, d’où le rôle crucial des langues étrangères.
Cette prise de conscience touche des publics de plus en plus jeunes, ce qui nous a conduit à proposer, dès la rentrée 2023, un nouveau format de cours, un atelier d’éveil au français, pour les enfants à partir de 2 ans. Nous avons vraiment très hâte de nous lancer dans cette aventure !
Depuis fin 2021, on assiste à une véritable "remontada", notamment en ce qui concerne les cours enfants
Que représentent les cours jeunes publics sur la masse des heures d'enseignement dispensées par l'AFM ? Quelles sont les spécificités de cet enseignement ?
Les cours jeunes publics que nous proposons en présentiel à l’AFM représentent près du quart de la totalité de nos étudiants, un chiffre qui se multiplie facilement par deux, si l’on tient compte de tous les formats proposés : grand public enfants/ados/FLAM, cours individuels à domicile, dans nos locaux ou à distance (en ligne).
Cette demande croissante nous incite à agrandir notre équipe de professeurs et à la rafraîchir à la fois. En effet, nous attachons une importance particulière au profil et aux passions de nos collègues, au-delà de leur formation et expérience dans le FLE. Par exemple, nous avons parmi nous des personnes passionnées d’art, de cuisine, de théâtre, de littérature, de danse...Tout cela apporte une plus-value à l’AFM dans la mesure où nous ne nous limitons à proposer de simples cours de français, au contraire, il est important pour nous de sortir de l’ordinaire en proposant des cours imbibeés de ces différentes passions.
Nous tenons aussi compte de l’offre culturelle de Madrid et organisons chaque année des sorties au musée et mettons en place des projets pédagogiques à partir de ces événements. L’an passé, nous avons travaillé autour du surréalisme à partir de l’exposition sur René Magritte, au musée Thyssen. C’était fascinant d’assister aux découvertes des enfants, ils sont en général très ouverts et développent eux-mêmes une créativité exceptionnelle.
Évivemment, nos programmes s’appuient sur les descripteurs du CECRL. Nous offrons une progression cohérente tout en sortant du modèle "taille unique". En effet, nous nous adaptons à la demande et aux profils de nos élèves, et nos cours sont très souvent conçus "sur mesure". Pour y parvenir, les professeurs avons parfois à sortir de notre zone de confort. Cela peut être stressant au début mais le résultat est toujours très gratifiant. De plus, nous avons conscience que nos étudiants paient le prix fort pour apprendre le français, il est donc important pour nous que ce que nous leur proposions s’adapte parfaitement à leurs besoins et situations personnelles ou professionnelles.
Quels conseils donnez-vous aux parents souhaitant transmettre la langue française à leurs enfants, dans un contexte hispanophone ?
Je leur dirais de ne pas hésiter à offir cette opportunité à leurs enfants. À travers des cours de français, et s’ils le peuvent, des voyages, des échanges, des expériences. Apprendre une langue vivante, comme son nom l’indique, c’est avant tout la vivre. Et s’ils ont l’occasion de se lancer eux aussi dans l’aventure, et de créer un projet commun, cela ne fera que favoriser l’apprentissage de leurs enfants. C’est la raison pour laquelle cette année nous proposons un « pack familial » à nos clients. Les parents bénéficieront de cours de conversation pendant que leurs enfants seront en cours. Une motivation garantie pour tous les membres de la famille !
Le domaine du FLE, bien qu’en pleine digitalisation, est avant tout un monde humain et humanisant
Qu’est ce qui fait le charme de votre métier ?
La transversalité et le travestissement de notre profession, les différentes casquettes que nous avons, notre garde-robe en éternelle construction. Il n’y a rien de figé dans le monde du FLE, tout bouge et nous prenons continuellement de nouveaux caps, relevant de nouveaux défis. La pandémie et l’essor du monde numérique nous l’ont parfaitement démontré !
Mais le plus époustoufflant, ce sont les rencontres que l’on peut faire, les personnes, les collègues que l’on croise tout au long de notre carrière. Les personnes avec qui l’on grandit, dont on s’inspire, qui stimulent notre créativité et notre motivation.
Que ce soit avec les étudiants ou les collègues, on a toujours quelque chose à apprendre de l’autre. Le domaine du FLE, bien qu’en pleine digitalisation, est avant tout un monde humain et humanisant.