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Ramasser un coquillage en Espagne peut coûter jusqu’à 60 000 euros

Chaque été, des millions de vacanciers se ruent sur les plages espagnoles, prêts à plonger, bronzer ou flâner au rythme des vagues. Mais attention aux souvenirs ramassés sur le sable : coquillages, sable ou mollusques, si jolis soient-ils, peuvent vous valoir une amende salée.

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Écrit par Paul Pierroux-Taranto
Publié le 1 juillet 2025, mis à jour le 3 juillet 2025

C’est un petit plaisir d’enfant, un réflexe de vacancier, un geste tendre et minéral : ramasser un coquillage sur le sable encore tiède. Une habitude aussi vieille que les premiers étés en Méditerranée. Sauf qu’en Espagne, ce grattage de bord de mer peut vous coûter très cher.

 

Loi du littoral en Espagne : ce que vous risquez en ramassant du sable ou des coquillages

Depuis 2017, la Loi du littoral 22/1988 (Ley de Costas), adoptée en 1988 mais renforcée ces dernières années, interdit de prélever quoi que ce soit du domaine public maritime-terrestre. Comprendre : le sable, les cailloux, les coquilles, et même les mollusques qui dorment à marée basse.

 

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Photo : Ramasser un coquillage sur le sable peut entraîner une amende pouvant atteindre les 60.000 euros, en fonction de la gravité du dommage causé.

 

But de la manœuvre ? Protéger l’écosystème côtier, ce monde fragile et discret, et prévenir l’érosion. Car oui, les coquillages ne sont pas de simples souvenirs de vacances : ils abritent, nourrissent, fixent, filtrent et forment.

Selon les experts juridiques de Légalitas, contrevenir à cette règle peut entraîner une amende pouvant atteindre les 60.000 euros, en fonction de la gravité du dommage causé. Dans les cas les plus simples, l’ardoise tourne tout de même autour de 500 à 3.000 euros. Pour un coquillage, ça fait cher le collier !

 

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Sous le sable, les coquilles : les dégâts cachés d’un geste trop répété

Mais ramasser un coquillage, ce n’est pas seulement risquer une amende salée. C’est aussi, sans le savoir, mettre un coup de pied dans l’équilibre d’un écosystème aussi délicat qu’un château de sable.

Car sous leur air de bibelots échoués, les coquilles vides ont la vie pleine : elles servent de refuge à de nombreux organismes, participent à la formation du sable, et contribuent au cycle du calcium, crucial pour la faune marine. Leur absence peut favoriser l’érosion du littoral et entraîner la disparition de certaines espèces.

Quand on les prélève par milliers – geste anodin mais généralisé –, on affame, on déloge, on fragilise. Une étude sérieuse publiée dans PLOS ONE, menée à la Platja Llarga de Tarragone, montre que les plages les plus instagrammées sont aussi les plus dépeuplées de coquilles. À force de grappiller ces fragments de mer, on appauvrit les sédiments, on laisse les petits animaux sans abri, et on perturbe jusqu’à la chimie marine (baisse du taux de carbonate de calcium nécessaire à la vie)…

 

Outre la loi nationale, de nombreuses municipalités espagnoles imposent leurs propres règlements. À Benicàssim, par exemple, il est interdit d’utiliser des contenants en verre, de cuisiner ou d’allumer un feu sur la plage – sauf durant la nuit de la Saint-Jean. À Motril, les enceintes, radios et instruments de musique sont proscrits. Et dans certaines zones protégées des Baléares, toute activité récréative non autorisée peut coûter jusqu’à 300.000 euros ! Autre interdiction méconnue : réserver un emplacement sur la plage en y posant serviettes ou parasols très tôt le matin. Une pratique passible d'une amende allant jusqu'à 3.000 euros.

 

Nul n’est censé ignorer le coquillage

Pas la peine de plaider la poésie ou l’innocence estivale : la loi, elle, ne connaît ni l’odeur de la crème solaire ni la nostalgie des vacances. Comme le rappelle Légalitas, le Code civil est formel : « nul n’est censé ignorer la loi ». Et même les gestes les plus naïfs — une main dans le sable, un coquillage dans le sac — peuvent entraîner des suites juridiques bien moins légères que votre serviette de plage.

Certes, des exceptions existent : les scientifiques en quête de données ou les écoles en sortie éducative peuvent, sous certaines conditions, obtenir une autorisation. Mais pour les autres, le message est clair : on regarde, on admire, mais on ne rapporte rien avec soi.

Ces règles ne sont pas là pour gâcher la fête, mais pour éviter que la plage ne disparaisse avec les souvenirs. Alors cet été, laissez les coquillages à leur place — c’est mieux pour la planète, et surtout pour votre compte en banque.

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