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80% des Espagnols se déclarent heureux en 2024 : miroir d’une société en mutation

Le Centre de recherches sociologiques (CIS) a réalisé sa première enquête dédiée au bonheur et aux “valeurs partagées par la population”, révélant que 80,4% des Espagnols se déclarent heureux. Cette majorité cache néanmoins des réalités plus complexes, marquées par des préoccupations liées à la santé, à l'économie et aux relations sociales.

visage de femme avec une pasteque en forme de sourirevisage de femme avec une pasteque en forme de sourire
Selon une enquête dédiée au bonheur et aux “valeurs partagées par la population”, 80,4% des Espagnols se déclarent heureux. / Caju Gomes, Unsplash
Écrit par Paul Pierroux-Taranto
Publié le 10 octobre 2024, mis à jour le 12 octobre 2024

 

“Le bonheur est une chose qui se vit et se sent, et non qui se raisonne et se définit.” Cette phrase de Miguel de Unamuno prend tout son sens à la lumière des résultats de l’enquête sur le bonheur des Espagnols, menée par le CIS. Si 80,4% des citoyens se disent heureux, les raisons de leur félicité, comme l’écrivait le philosophe, ne se quantifient pas si facilement. Derrière les chiffres et les pourcentages, ce sont des réalités vécues qui façonnent ce sentiment. L’étude a interrogé près de 3.000 Espagnols fin juillet, et dresse un portrait où les aspirations individuelles se mêlent aux préoccupations collectives. Décryptage. 

 

L’insaisissable bonheur des Espagnols

C’est une chose entendue : la majorité des Espagnols se déclarent heureux. Pourtant, 11,4% d’entre eux sont à la peine. Pour ces derniers, la joie de vivre a pris congé ou ne s’est jamais présentée. Et puis, il y a les autres… les indécis. Ils sont 7,7% pour qui le bonheur est une météo capricieuse, sujettes aux fluctuations atmosphériques. 

Au total, si l’on fait les comptes, il y aurait quand même 19,1% d’Espagnols qui ne sentent pas plus épanouis que ça. Les raisons de ce vague à l’âme sont nombreuses et, disons-le, bien concrètes. En tête de liste des préoccupations : la santé (21,8%), l'économie (21,4%), mais aussi les relations sociales et familiales (16,6%). Pour se sentir bien dans ses baskets et danser la vie, il suffirait donc d'avoir la forme, de l’argent de côté, et des relations qui ne virent pas au mélodrame ? Nuançons cette assertion.

Une jeune femme assise seule dans un espace aux tons roses vifs, la tête baissée, ses bras entourant ses jambes
19,1% d’Espagnols qui ne sentent pas plus épanouis que ça. / Verne Ho, Unsplash

 

Car même les "ravis de la crèche" — ceux qui, à première vue, semblent baigner dans le bonheur — ne se satisfont pas toujours de leur quotidien. Ils rêvent d’un petit plus, d’un je ne sais quoi qui viendrait pimenter un peu leur vie. Concrètement, ils sont plus de 25% à penser que cet ingrédient qui fait défaut est l’argent (le leur ou celui des proches). D’autres, plus pragmatiques, à 19,5%, misent sur une meilleure situation professionnelle

Mais l’argent et le travail ne sont pas tout. Pour 83% des Espagnols, le bonheur ne peut véritablement éclore que si les autres, autour d’eux, se sentent heureux aussi. Une perspective plus humaniste, qui montre que la joie, pour beaucoup, est une aventure à partager, bien loin de l’égoïsme ou de la seule réussite personnelle.

 

95,9% des sondés sont formels : chacun devrait pouvoir choisir librement ce qu’il veut être et comment il entend vivre.

 

Liberté, égalité… et planète à protéger

Autre point important de l'enquête. Les Espagnols seraient plutôt du genre à avoir des principes chevillés au corps. Et dans la ribambelle de valeurs, deux se détachent clairement : le respect et la liberté. À ce sujet, 95,9% des sondés sont formels : chacun devrait pouvoir choisir librement ce qu’il veut être et comment il entend vivre. Le sacro-saint principe de tolérance, façon Voltaire - “Je ne suis pas d'accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu'à la mort pour que vous ayez le droit de le dire”-, semble faire des émules. 92,1% des Espagnols estiment que respecter les opinions d’autrui, même si elles diffèrent, est essentiel.

Quant à l'égalité, là encore, pas de fausse note. Ils sont 91,4% à l’appeler de leurs vœux entre les hommes et les femmes, et dans tous les domaines. Tout le monde doit trouver sa place, que ce soit autour de la table familiale ou dans les réunions au sommet. Enfin, la crise environnementale, elle aussi, suscite l'unanimité. Pas moins de 83,9% des sondés estiment qu'elle représente une vraie menace pour l'humanité et notre planète.

Un homme tient une petite planète Terre entre ses mains
Pas moins de 83,9% des sondés estiment que la crise environnementale représente une vraie menace pour l'humanité et notre planète. / Freepik

 

L’Espagne, gardienne de la démocratie

Et quand il s'agit de démocratie, les Espagnols n'y vont pas non plus par quatre chemins. L'enquête montre un attachement indéfectible à ce système de gouvernement. Pour 81,2% d’entre eux, elle reste "la meilleure option, quelles que soient les circonstances". Bien sûr, il existe une minorité de 15,2% qui exprime son désaccord, peut-être un brin nostalgique ou sceptique. Mais pour la grande majorité des Espagnols, en tout cas de l’échantillon, la démocratie, c’est sacré. Et si ce système a parfois ses ratés, il reste, à leurs yeux, le meilleur rempart contre les dérives autoritaires ou les gouvernements aux méthodes douteuses.

Deux personnes, un adulte et un enfant, déposent une enveloppe dans une urne lors d'un vote
Pour la grande majorité des Espagnols, en tout cas de l’échantillon, la démocratie, c’est sacré. / Arnaud Jaegers, Unsplash

 

L’optimisme, malgré tout

Enfin, sur une échelle de 1 à 10, les Espagnols s’attribuent une note de 7,18 pour leur capacité à mener la meilleure existence possible. En d’autres termes, ils ont tendance à voir le verre à moitié plein, même si la vie n’est pas toujours un long fleuve tranquille. D’ailleurs, ils sont 52,3% à trouver les galères du quotidien "faciles voire très faciles" à surmonter, contre 41,3% qui jugent ces anicroches plutôt délicates à gérer.

L’enquête met aussi en lumière l'évolution des normes sociales. Ainsi, quand il s’agit des relations de couple, les Espagnols ne sont pas conservateurs : 87,6% d’entre eux pensent qu’il y a d’autres façons d’envisager la vie à deux qu’en passant une bague au doigt. En revanche, ils semblent plus divisés sur l’importance de l’éducation : 54,9% affirment que les écoles et les lycées jouent un rôle de plus en plus limité dans la formation des jeunes. 

Dans une Espagne en pleine mutation, le bonheur se réinvente au fil des jours ; et chacun cherche son chemin pour y parvenir. Mais il y a un aspect que l’étude ne traite pas : celui des expatriés, de plus en plus nombreux à s’installer dans le pays. Quel est le moral de ces anciens ou nouveaux arrivants ? S’adaptent-ils aux normes sociales de leur société d'accueil ou bien apportent-ils avec eux d’autres visions du bonheur ? Autant de questions qui mériteraient d’être explorées dans un article. Suite au prochain épisode, donc.

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