En Espagne, le changement climatique n’est plus une perspective abstraite. C’est une réalité brutale, qui coûte des vies et des milliards. En 2025, les vagues de chaleur, les sécheresses et les inondations ont déjà entraîné 12,2 milliards d’euros de pertes économiques, selon une étude menée par l’Université de Mannheim et le Banco Central Europeo (BCE). D’ici 2029, la facture devrait grimper à 34,8 milliards d’euros. Aucun pays de l’Union européenne ne paie un prix aussi élevé.


Depuis trente ans, l’Espagne figure régulièrement parmi les États les plus exposés aux catastrophes climatiques. Le Global Climate Risk Index, présenté à la COP30 à Brasilia, est sans appel : 27.000 personnes y ont perdu la vie depuis 1995 à cause d’événements météorologiques extrêmes. L’Espagne se classe aujourd’hui parmi les vingt pays les plus touchés.
La géographie du pays l’expose particulièrement. Le bassin méditerranéen est l’une des régions qui se réchauffent le plus vite sur la planète, avec des vagues de chaleur plus longues, plus fréquentes et plus intenses. Dans le sud, la combinaison chaleur-sécheresse est désormais chronique. Dans le nord, ce sont les inondations soudaines qui se multiplient.
Comment l’Espagne lutte contre les fortes chaleurs ?
Quand le climat ruine l’Espagne
Sur le plan économique, le constat est tout aussi préoccupant. Les services techniques de la Commission européenne estiment que les événements climatiques ont déjà coûté 97 milliards d’euros à l’Espagne entre 1980 et 2023, soit près de 6 % du PIB du pays.
Surtout, les dégâts s’accélèrent. Les pertes annuelles moyennes, qui oscillaient autour de 8,5 milliards dans les années 1980, atteignent 44,5 milliards entre 2020 et 2023. Et cette tendance ne montre aucun signe de ralentissement.
En 2025, les pertes estimées — 12,2 milliards d’euros — représentent près de 30 % de l’ensemble des pertes liées aux événements climatiques extrêmes en Europe. L’Italie et la France suivent, mais avec des coûts légèrement inférieurs.
À moyen terme, les projections donnent une idée de l’ampleur du défi : d’ici quatre ans, la facture espagnole s’élèverait à 34,8 milliards d’euros, une augmentation de plus de 22 milliards par rapport à 2025.
Andalousie et Castille-et-León, épicentres de la crise climatique
Certaines régions paient un prix plus lourd encore.
Andalousie : le cœur agricole en détresse
L’Andalousie, pilier agricole et touristique du pays, encaisse de plein fouet la nouvelle donne climatique. Dans la région, les températures ont pris près de deux degrés et la sécheresse n’est plus une exception : elle s’installe, saison après saison. Dès avril 2025, toutes les provinces affichaient déjà un déficit hydrique alarmant, avant de basculer, en plein été, dans des niveaux extrêmes.
Le choc économique est à la hauteur de la crise : 2,2 milliards d’euros de pertes en 2025, et plus du double attendu à l’horizon 2029, où la facture grimperait à 5,7 milliards, soit presque 3 % du VAB régional. Face à cela, le IVe Décret de Sécheresse, adopté en 2024 et doté de 217,6 millions d’euros, apparaît comme un pansement sur une plaie béante.
Castille-et-León : des incendies historiques
En Castille-et-León, l’année 2025 s’est jouée sous un ciel de cendres. Près de 150.000 hectares y ont brûlé, emportés par des incendies d’une ampleur rarement vue. À l’échelle du pays, le bilan est encore plus vertigineux : 400.000 hectares partis en fumée, l’une des pires saisons depuis que l’on compte les hectares noirs.
Sur le plan économique, la région encaisse le choc : 782 millions d’euros de pertes en 2025, qui pourraient dépasser les 2 milliards en 2029. À l’échelle individuelle, cela se traduit par une perte de revenu pouvant atteindre 831 euros par habitant. Une facture qui, elle aussi, continue de grimper.
Les vagues de chaleur, un tueur silencieux
Si tempêtes, inondations et incendies frappent les paysages et les infrastructures, ce sont les vagues de chaleur qui fauchent le plus de vies. Elles concentrent 95 % des décès liés aux phénomènes météorologiques extrêmes en Espagne, rappelle la Commission européenne. L’épisode de la DANA en 2024 — qualifié de “pire catastrophe naturelle de l’histoire récente” — en a donné une illustration brutale : plus de 9,5 milliards d’euros de pertes et un tribut humain qui dépasse les chiffres. Dans ce contexte, les experts ne tournent plus autour du pot : ne rien faire coûtera infiniment plus cher que s’adapter.
Canicule en Espagne : près de 400 morts liées à la chaleur à Madrid et Barcelone
La Commission européenne estime que pour faire face à la hausse des risques climatiques, l’Espagne devra tripler ses investissements annuels, passant de 21 milliards à 56 milliards d’euros par an d’ici 2050. Un effort colossal, mais rentable. Si le pays parvient à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 : les pertes évitées représenteraient 0,8 % du PIB, les recettes fiscales préservées, 0,3 %, et la dette publique pourrait être réduite de 10,8 points par rapport à un scénario sans action climatique.
L’Espagne arrive à un tournant. Déjà parmi les pays les plus frappés par la crise climatique, elle sait que le pire l’attend sans un sursaut ambitieux. Vagues de chaleur records, sécheresses chroniques, incendies géants, inondations meurtrières… Le pays se transforme à vue d’œil, et son économie avec lui. La décennie qui s’ouvre sera décisive.
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