Après la Tunisienne Faouzia Farida Charfi l'an dernier, c'est la Colombienne Alejandra Miller Restrepo qui a reçu le 8 mars dernier, à l'occasion de la Journée internationale de la femme, le second Prix Mujeres Avenir, des mains de Lucía del Carmen Cerón Hernández, directrice de l'Institut de la Femme et pour l'Egalité des Chances, du Gouvernement espagnol. Le Prix récompense ainsi un engagement de 17 ans pour les droits de la femme et en faveur du processus de paix.
En présence de nombreux représentants français et espagnols, issus de l'univers diplomatique et des instances gouvernementales dédiées à promouvoir la parité, Mujeres Avenir a organisé à Madrid un événement en deux mouvements : une conférence intitulée "Comment orchestrer la diversité ?" puis la remise du Prix annuel de l'association d'amitié hispano-français. L'événement était organisé en collaboration avec l'Ambassade de France en Espagne et avec l'appui du secrétariat d'Etat espagnol à l'Egalité et de l'Institut de la Femme et pour l'Egalité des Chances. Maria Luisa de Contes, Présidente de Mujeres Avenir, a introduit les débats en contextualisant cette Journée de la Femme dans les actions et les objectifs définis par l'ONU et l'Union européenne. La parité hommes-femmes s'affiche donc comme une priorité estatale, la législation et la situation évoluent de fait à différents égards dans ce sens -lentement cependant, puisque cela fait désormais 40 ans que les Nations Unies ont, en reconnaissant la journée du 8 mars, officiellement intégré cette lutte à leur programme et que bien du chemin reste encore à parcourir.
Ainsi, les brillantes interventions de la Française Claire Gibault et de l'Espagnole Silvia Sanz, ont dans un premier temps permis de dévoiler les dessous d'une profession, celle de chef d'orchestre, encore fortement marquée par les stéréotypes de genre et par un machisme latent. A l'instar de deux symboles phalliques, mis non sans humour en évidence par la première femme à avoir dirigé la Scala de Milan ou l'Orchestre philharmonique de Berlin : la baguette et la queue de pie. Au-delà de l'anecdote, ce sont les difficultés à accéder à ce rôle de commandement par excellence, dans un milieu extrêmement hiérarchisé, sur lesquelles les deux conférencières ont insisté. "On ne supporte pas d'une femme ce qui est accepté de la part d'un homme", a notamment relevé Claire Gibault. "Ainsi, une certaine colère tyrannique assez propre au chef d'orchestre est rapidement perçue comme une forme d'hystérie venant d'une femme". Elle a décrit une démarche que l'on pourrait qualifier de plus "féminine", amalgame de patience et de bienveillance, qui lui a au fil des ans permis de se faire respecter dans sa fonction.
Les deux intervenantes ont rebondi sur l'aspect particulièrement physique de leur profession, à l'origine selon la Française, d'une relation avec les musiciens "sensible, sensuelle et charnelle". Elles ont souligné leur engagement pour la diversité, au-delà de la simple question de la parité hommes-femmes, pourtant encore cruciale dans la profession. Silvia Sanz a évoqué la nécessité d'intégrer les visions transgénérationnelles et transculturelles de ses musiciens, aux œuvres musicales qu'elle est amenée à diriger. "Il y a quelques décennies, les musiciens étaient presque exclusivement des hommes. Il existait -et il existe encore- des rôles bien déterminés au sein de l'orchestre. Tout cela a peu changé. Ce qui a changé, c'est la manière d'envisager les répétitions et les concerts, mais aussi la façon de travailler avec les musiciens. Il ne s'agit plus seulement de faire de la bonne musique, il s'agit en outre de développer et valoriser une série de valeurs propres à la pratique", a-t-elle estimé. Une approche qu'avec son Paris Mozart Orchestra, Claire Gibault devrait souscrire : outre la parité hommes-femmes aux postes à responsabilité, ou encore le remboursement du babby-sitting sur les horaires tardifs de répétition, c'est la cohésion, le respect dans la diversité et la prise de décision collégiale qui distingue cette formation originale, qui œuvre, dans une véritable démarche citoyenne, de façon avant-gardiste et dans un univers plutôt classique.
Le deuxième mouvement de la soirée a été protagonisé par la lauréate du Prix Mujeres Avenir 2017. Dans le cadre de l'année France-Colombie, et dans le souci d'étendre le rayonnement de l'association aux univers de la francophonie et de l'hispanité, au-delà de l'armature franco-espagnole, c'est l'activiste colombienne Alejandra Miller Restrepo qui a été récompensée. La leader de la Ruta Pacífica de Mujeres Colombianas est connue pour sa longue implication dans le Movimiento Social de Mujeres et sa lutte pour les droits de la femme dans son pays. Elle a pris une part active, à La Havane, aux négociations de paix qui se sont déroulées entre le Gouvernement de Santos et la guerilla des FARC. Au cours de son allocution, Alejandra Miller Restrepo a rappelé que les femmes sont toujours les premières victimes des conflits armés. Elle a à cet égard rapporté certains témoignages particulièrement durs et insisté sur la nécessité de donner la voix aux victimes. Si les femmes de la Ruta Pacífica de Mujeres Colombianas ont pendant près de 20 ans clamé leur refus de mettre au monde des enfants destinés à mourir au combat, la fin de ces derniers n'est pour autant pas synonyme de libération. "Nous ne voulons pas d'une guerre qui nous tue, ni d'une paix qui nous opprime", a résumé la lauréate. Elle doit désormais œuvrer non seulement pour la reconnaissance et la réparation des crimes commis contre les femmes, mais aussi à la prise en compte et à l'implication de ces dernières, dans la construction de la paix et de la Colombie de demain.
VG (www.lepetitjournal.com - Espagne) Lundi 13 mars 2017
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