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Père Rodrigo (St Louis des Français): "L'engagement de nos paroissiens est admirable"

Si Rodrigo Alfaro Uriarte, Père Rodrigo pour ses ouailles, 49 ans, ex élève du Lycée français de Madrid, toute une vie ou presque en expatriation -à Rome, préparation au sacerdoce oblige, aux Etats-Unis et... en France, 15 ans durant- constitue un acteur clé de la communauté française d'Espagne, il n'en reste pas moins une figure discrète, peu connue en dehors de son cercle le plus proche.

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Écrit par Vincent GARNIER
Publié le 20 octobre 2025, mis à jour le 21 novembre 2025

Son histoire avec le collectif français remonte néanmoins de longue date, et la constance de l'engagement dont il a fait preuve depuis sa prise de fonctions est aussi à l'origine d'une certaine renaissance de la paroisse. 

 

Saint-Louis des Français, la plus vieille institution française d'Espagne

Après 26 ans de vadrouille de par le monde, dédiés hors Espagne à porter la parole de l'Evangile, le curé de Saint Louis des Français est revenu dans sa ville natale "entre deux vagues de Covid", venant combler les attentes d'une communauté paroissiale qui, depuis 2018, "priait pour avoir un pasteur" : le dernier curé avait été forcé à revenir en France pour des raisons personnelles et de santé à peine un mois après son arrivée, et le père Modeste accompagnait généreusement la communauté dans la mesure où bien d’autres engagements le lui permettaient. Sous la houlette du réseaux des Communautés Catholiques Francophones dans le Monde, les CCFM, Père Rodrigo œuvre donc depuis 5 ans désormais au sein de l'institution française la plus vieille d'Espagne -l'Œuvre Saint-Louis des Français, fondée en 1613. Au cours de ce lustre, le prêtre aura eu à loisir de prendre la mesure de sa cure. De fait, en provenance de Sanary-sur-Mer, il aura certainement expérimenté, au cours des premiers temps, un contratse fort -un passage d’une "paroisse très attachante et dynamique", mais plus dominée par le Troisième Âge, à une paroisse plus Erasmus et poussette. 

L'expatriation s'est largement démocratisée

"L'expatriation s'est largement démocratisée depuis mes années lycée", observe ainsi Père Rodrigo, "et on accueille ici un public très divers, mais aussi pro-actif et très impliqué dans l'Œuvre, même si c'est parfois pour des durées de 3-4 ans". Louant les mérites de sa communauté de paroissiens, et son investissement dans la structure, le prêtre se prête à quelques comparaisons : "Si on utilise comme unité de mesure la messe du dimanche, alors avec 4 offices et quelque 300 personnes par messe, la paroisse de Sanary-sur-Mer représentait une communauté de 2000 personnes environ, largement plus importante que celle de Saint-Louis des Français, où nous accueillons entre 150 et 200 fidèles sur chacune des deux messes que nous tenons le jour du Seigneur". Et d'expliquer : "C'est cependant compréhensible, puisqu'un grand nombre de nos paroissiens ont souvent une autre église de référence, une église de quartier à laquelle ils se rendent plus couramment. Il n'empêche qu'on arrive à recevoir jusqu'à 500 personnes pour les messes les plus importantes". 

En pleine adolescence, j'ai commencé à me poser beaucoup de questions existentielles et à trouver les réponses dans la foi chrétienne


"La foi chrétienne ne se vivait pas dans les années 90 de la même manière qu'elle se vit aujourd'hui", évoque Père Rodrigo. Sa foi, si elle fut nourrie par la tradition familiale, aura pris une dimension particulièrement transcendentale à l'approche du Bac. "Mes parents étaient francophones et francophiles", se rappelle-t-il, "j'ai grandi au son des chansons de Brel et d'Aznavour". Surtout, aussi paradoxal que cela puisse paraître, c'est au sein d'un établissement laïc, qu'ils décident de scolariser leur progéniture -9 enfants, pas moins- convaincus des valeurs de l'enseignement à la française, "respectueux de la foi de tout un chacun". "Je suis le curé de la paroisse qui m'a donné la catéchèse et où j'ai reçu le sacrement de la confirmation", sourit encore Père Rodrigo, qui remémore son prédecesseur de l'époque, le Père Michel, non sans nostalgie. "En pleine adolescence, j'ai commencé à me poser beaucoup de questions existentielles et curieusement, à trouver les réponses dans la foi chrétienne", déroule-t-il. Et d'ajouter : "J'ai développé des liens entre la foi et la raison, entre la foi et la science, et trouvé que, contrairement à ce que l'on a tendance à croire, la foi ne s'oppose pas du tout à la raison -simplement, elle nous porte plus loin et nous demande de faire un pas de plus, un pas de confiance". Il n'empêche, à l'époque les familles chrétiennes "ne s'affichaient pas". Par opposition, "aujourd'hui beaucoup de jeunes vivent leur foi sans complexes". Les questions existentielles, elles, "à une virgule près", sont restées les mêmes. "On change peut être simplement la façon de les aborder", estime le prêtre.
 

Aujourd'hui beaucoup de jeunes vivent leur foi sans complexes


"On a tous besoin d'un groupe où atterrir, se voir, se saluer, où prendre du temps pour faire les choses ensemble", évoque l'homme de foi. D'un lieu aussi. Après un quart de siècle loin de sa ville natale, revenir à Madrid, c'était aussi se rapprocher de sa famille, de ses origines et de ces fameuses "années Lycée". "Je retiens du LFM une expérience très positive", tranche Père Rodrigo, "une formation poussée, qui m'a appris à réfléchir, a provoqué ma curiosté du monde et m'a encouragé à chercher la vérité". Aujourd'hui, s'il n'est "pas là pour passer [s]on message personnel" mais bien en charge de transmettre l'Evangile, il n'empêche que, condition humaine oblige, une dose de subjectivité reste dans la démarche, inévitablement. "Je crois que pour moi, l'amour inconditionnel et gratuit de Dieu pour chaque être humain constitue le point de départ", analyse-t-il. "Mais aussi le fait que chacun est amené à grandir, porter ses combats, vaincre le pêché, dans la confiance et l'amour de Dieu. Ce qui compte alors, c'est aussi la joie de se mettre en chemin". Enfin, "tout ceci doit nous amener à nous tourner vers l'Autre", résume-t-il.

La joie de se mettre en chemin

Pour le Père Rodrigo, "la communauté de Saint Louis des Français s'est énormément investie" au bon fonctionnement de la paroisse. "Tout ce qui se passe au sein de la communauté, c'est grâce à l'investissement généreux de nos paroissiens, tout simplement admirable", juge-t-il. Au cours de ces 5 années, et après la période de transition qu'aura supposé le départ du Père Royannais, en 2018, et son arrivée, en 2020, le Père Rodrigo a donc impulsé un mouvement visant à redynamiser les ressorts internes de la communauté -et notamment l'accompagnement des plus jeunes. Plusieurs actions structurantes découlent de cette dynamique, avec le temps dédié à "la formation dans la foi" au centre de l'engagement des paroissiens.

Engagement d'une communauté de fidèles


C'est encore un groupe de fidèles qui est impliqué dans un autre projet particulièrement lourd, qui devrait conditionner une bonne partie des mois à venir : la remodélation de toutes les installations paroissiales. "L'objectif est d'optimiser les espaces par rapport aux différents besoins", explique le prêtre. Il s'agit aussi d'intégrer les bâtiments -et notamment l'église- dans une démarche de "durabilité" : les travaux devraient permettre notamment de refaire l'isolation et la climatisation des lieux. La question de la sécurité et de la mise aux normes sera aussi abordée. Enfin, une passerelle connectant la maison de retraite à l'église, facilitera la venue des résidents. Mais c'est peut être  la réfection du plafond de l'église qui réjouit le plus son recteur. Au dessus de l’allée centrale et jusqu’à l’autel, une huile sur toile marouflée retraçant l'histoire du salut sera réalisée par l'artiste Bruno Desroche, dont les derniers croquis sont encore à l'étude. Evoquant la rédemption de l’humanité et le salut des hommes par le Christ, Père Rodrigo conclut : "L'Evangile se répand par la voie de l'amour pour l'autre et le Chrétien se doit d'être constructeur de paix".

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