C'est le 10 août 1613 qu'un certain Henry de Saulreux signait l'acte de fondation de l'oeuvre chrétienne de Saint-Louis, à Madrid. Ce moine picard exilé en Espagne suite aux remous des guerres de religion, confronté à la misère de ses concitoyens au sein du prospère royaume ibère et désolé de n'y trouver aucun lieu de culte francophone, eut lors de son séjour dans la capitale la vision d'un hospice et d'un lieu de charité, placé sous le patronage de Saint-Louis. Voilà désormais quatre siècles que l'institution perdure. Le comité de l'?uvre et une équipe de bénévoles, autour de Patrick Royannais, recteur Administrateur, ont organisé sur les mois à venir un programme d'événements qui marqueront les 400 ans d'existence d'une des plus vieilles institutions françaises en Espagne.
Au 12 de la calle Tres Cruces, à proximité du métro Gran Vía, une plaque commémorative signale l'emplacement : c'est ici que tout a commencé, il y a 400 ans. En plein c?ur d'un Madrid encore embryonnaire, dans le quartier des immigrés. Accueili par le Roi d'Espagne, alors défenseur de la cause catholique en Europe, Henry de Saulreux arrive dans le royaume après maintes péripéties. Il a combattu les Protestants dans le Nord de la France, a été fait prisonnier, n'aura certainement pas vu du meilleur ?il l'arrivée d'Henri IV sur le trône. Il s'est évadé et a transité via les Pays-Bas avant de débarquer à Cadiz, en exil, la foi intacte.
Très vite Saulreux entreprend les démarches pour mettre sur pied une infirmerie de 6 lits et une petite chapelle, dans l'idée d'en faire un lieu de culte pour les Français de Madrid. Attirés par l'opulence du royaume d'Espagne qui jouit alors des richesses issues des conquêtes en Amérique, ils sont nombreux à être venus du Languedoc, de la Provence ou d'Ardèche, fuyant la pauvreté des campagnes, à la recherche d'une vie meilleure. On imagine que leur arrivée dans la froide Castille ne fut pas des plus faciles. Saulreux fut surement choqué de voir les conditions dans lesquelles survivaient ses compatriotes. C'est sous le patronage de Saint Louis que l'?uvre visant à les accueillir est fondée.
Un authentique disciple du Christ
"On connaît surtout Saint Louis comme le Roi rendant la justice sous son arbre", explique Patrick Royannais, recteur actuel de la paroisse et administrateur de l'?uvre, "mais c'est aussi au XVIIe siècle un véritable symbole de la France à l'étranger". Louis IX, puisque c'est bien lui, est de fait à l'origine d'un agrandissement du royaume de France. "Surtout, Saint Louis était un authentique disciple du Christ", estime Patrick Royannais. "Conseillé par les moines cisterciens et les ordres mendiants, on ne peut nier qu'il a voulu être un chrétien authentique, limitant les fastes du royaume, menant lui même à son retour de croisades, une vie austère et pieuse".
Une petite leçon d'histoire qui ne relève en aucun cas de l'anecdote. Pour Patrick Royannais, il est primordial de garder à l'esprit les missions qui sont à l'origine de l'?uvre de Saint Louis des Français : "Il s'agit d'une ?uvre de charité", rappelle-t-il. "C'est notre devoir moral aujourd'hui de revenir à l'essence de l'?uvre et de nous dédier à notre mission de solidarité". Pour ses 400 ans, Saint Louis des Français a notamment prévu l'attribution de deux dons exceptionnels à des associations de charité -l'une française, l'autre espagnole.
Un budget de 8 millions d'euros, réparti sur 3 antennes Le budget de l'?uvre de Saint Louis est équilibré depuis plusieurs années. Sur les quelques 8 millions d'euros nécessaires au fonctionnement de l'institution, 6 millions sont dédiés au collège, 2 millions au Foyer résidence et 50.000 euros à la paroisse. "Nous dégageons un certain excédent qui nous permet de payer des compléments de pension aux personnes âgées de la Résidence et des bourses pour certains élèves et qui nous permet en outre de pratiquer la charité en dehors de l'?uvre elle-même pour un total de 240.000 euros par an. Dans le cadre de l'anniversaire, deux dons exceptionnels seront versés à des associations de bienfaisance". |
Remettre la charité au centre de l'activité de l'?uvre
Si bon an mal an l'?uvre de Saint-Louis a traversé les siècles en dépit des diverses adversités, l'institution a aussi bien évolué, on s'en doute. "La problématique de l'?uvre a toujours été de trouver les financements pour faire tourner l'hôpital", commente le recteur. En 1856 était donc créée une école, dont les droits de scolarité devaient permettre d'apporter les ressources nécessaires à l'hospice, qui déménage en 1880 dans la calle Claudio Coello. Aujourd'hui, rue Lagasca se trouve la paroisse, adossée au Foyer Résidence Saint Louis, une maison de retraite qui a pris lieu et place de l'hôpital dans les années 70. L'école devenue depuis le collège Saint-Louis a été transférée à la même époque à Pozuelo, sur des terrains adaptés à son développement. Un collège, une maison de retraite et une paroisse : avec un budget annuel de 8 millions d'euros (voir encadré), l'?uvre de Saint Louis des Français est désormais protéiforme. Elle est également régie par des statuts peu ordinaires, qui impliquent le gouvernement français via l'Ambassade, depuis la fin du XIXe siècle.
Les intérêts de la France
Saulreux avait mis dès l'origine l'?uvre de Saint-Louis sous la protection du Roi d'Espagne. Puis il obtint un peu plus tard la protection du Roi de France. Via un système d'administration et de comité de surveillance, le fondateur de l'?uvre avait veillé à préserver l'équilibre entre intérêts de la France et de l'Espagne au sein de l'institution.
Dans la pratique, une dérive des faits entraîne à la fin du XIXe siècle un certain Ferdinand de Lesseps, alors n° 2 de l'Ambassade, à mettre son nez dans les statuts de l'établissement. S'en suit la signature d'une convention entre le Roi d'Espagne et le gouvernement français, en 1876. "C'est le moment où le gouvernement français 'prend le pouvoir' sur l'?uvre", estime Patrick Royannais. "Et c'est cette convention qui vaut toujours aujourd'hui". "Or, depuis 1905, les statuts de notre institution constituent une véritable singularité dans le cadre de la séparation de l'Eglise et de l'Etat".
(Patrick Royannais, recteur Administrateur, et Jean-François Favard, Secrétaire Général, entourés des pensionnaires du foyer résidence / Photo lepetitjournal.com)
Travailler en bonne intelligence
"Que la France trouve son compte dans l'existence de l'?uvre de Saint Louis, tant mieux", juge l'administrateur. "Les autorités françaises reconnaissent cependant qu'il y a une partie de notre travail pour laquelle elles ne sont pas compétentes. A Saint Louis, nous ?uvrons aujourd'hui dans un esprit de laïcité et en même temps au service de l'annonce de l'évangile". Homme de consensus, Patrick Royannais aura cependant largement contribué au rapprochement de l'institution avec l'Ambassade, resserrant des liens qui s'étaient notablement distendus au fil des ans. "Nous devons reconnaître pour notre part que nous ne pouvons faire notre travail sans l'aval de l'Etat", mesure-t-il.
Ainsi, l'anniversaire des 400 ans (voir ci-dessous) devrait-il se faire en bonne intelligence avec les autorités. Un programme riche en conférences a été établi. On s'interrogera notamment sur le rôle de la laïcité dans l'Etat. "Nos conférences s'inscrivent dans un état d'esprit de dialogue", souligne Patrick Royannais. "Pour notre part, nous sommes amenés à pratiquer la laïcité au quotidien, en articulant les responsabilités de l'Etat aux missions de l'Eglise".
Vincent GARNIER (www.lepetitjournal.com - Espagne) Lundi 16 septembre 2013
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VOUS - Partick Royannais : "L'?uvre de Saint-Louis doit rester un instrument au service de la mission"
Le programme des 400 ans :
17 octobre à 19h30 - Ouverture à la Résidence de l'Ambassadeur 350 pers Présidée par la Ministre chargée de français de l'étranger.
17-21 octobre- Journées pastorales de l'AGFE.
20 octobre à 11h30 - Messe d'ouverture présidée par l'évêque de Soissons.
24 octobre - Repas festif pour les résidents du Foyer Hogar San Luis.
25 octobre - Repas pour le personnel du Foyer Hogar San Luis.
12 décembre à 20h - Conférence sur l'origine de l'OSL Institut Cervantes ? Carlos Infantes, étudiant en histoire 5 janvier Pèlerinage à Rome pour les prêtres francophones de Madrid.
23 janvier à 20h30 - Concert Baroque et contemporain église saint Louis Musiciens baroques de Limoges et saxophoniste de Reus .
6 février à 20h - Conférence avec la Caritas de Madrid Salle Blanche de C. Par le président de Caritas Madrid.
20 mars à 20h - Conférence sur l'?uvre religieuse du Greco Institut Français Avec David Ruiz, historien de l'art.
27 avril à 11h30 - Messe de clôture, présidée par le président de la CEF.