C'est en tous cas ce qu'indiquent les données diffusées par ONU femmes, qui chiffre en 2021 à quelque 45.000 le nombre de femmes et de filles dans le monde ayant été tuées par leur partenaire intime ou d’autres membres de leur famille. "Pendant l'heure que nous allons passer ensemble, 5 nouvelles victimes viendront gonfler ces statistiques" a évoqué Rebeca Avila, Présidente de l'association d'amitié hispano-française, en ouverture de la conférence organisée comme chaque année, dans le cadre de la Journée internationale de l'élimination des violences à l'encontre des femmes.


C'est un rendez-vous traditionnel de l'association, qui revient tous les ans sur un fléau à propos duquel la pédagogie reste, malheureusement, nécessaire. Au 23 novembre 2023 en Espagne, 52 femmes ont déjà péri des mains de leur conjoint ou ex-conjoint. Elles étaient 49 sur l'ensemble de l'année 2022 à avoir subi le même sort. Sur la même période, on recense 118 féminicides en France, soit plus du souble, mais aussi, attention aux chiffres, 244.000 victimes de violences conjugales -la majorité d'ordre physique- selon les données enregistrées par les forces de sécurité. Les autorités de nos deux pays se mobilisent contre cette violence, participant notamment à sa visibilisation, à la hausse des dépôts de plainte et à établir une radiographie au plus proche de la réalité d'un phénomène encore trop souvent passé sous silence. Une année encore, les intervenantes appelés à la tribune par Mujeres Avenir, toutes femmes diplomates en fonction à Madrid, ont évoqué les mesures mises en place dans leurs pays respectifs pour lutter contre les agressions et accompagner les victimes. Et une fois de plus, a été évoqué l'avant-gardisme de l'Espagne en la matière et son rôle inspirateur, notamment en France, pour la mise en place de ces mesures.

C'est Maria José Garrido, commandante de la Guardia civil et experte en violence de genre, membre du conseil d'administration de Mujeres Avenir, qui a eu à charge de modérer les débats. La commandante n'en est pas à sa première participation au sein des débats animés par l'association et son expérience de terrain constitue toujours un éclairage de grande valeur. "La violence de genre est un délit qu'il faut aborder sans perdre de vue l'aspect émotionnel qui l'accompagne", a-t-elle ainsi rappelé en guise d'introduction. Cet aspect émotionnel on le retrouve tant chez l'agresseur, avec par exemple son incapacité dramatique à gérer les émotions liées à la séparation et au deuil d'une relation, que chez les femmes victimes, dont les liens affectifs envers leur agresseur, parfois père de leurs enfants, empêchent dans bien des cas l'engagement dans un processus pénal. Ainsi, "on estime que 80% de la violence de genre est invisible", parce que non dénoncée. "Mais pour avoir une perception complète de la violence domestique, il faut aussi inclure la cyber-violence et les violences inconscientes, comme les vulnérations du droit à l'intimité, l'espionnage ou la supplantation d'identité, particulièrement développés avec l'usage des téléphones mobiles", a insisté la modératrice.
Anamaria Almansan, Marie-Christine Lang, Nadia Miri et Vera Cintia Alvarez, respectivement Consules Générales à Madrid de Roumanie, de France, de Tunisie et du Brésil, ont participé à dresser un constat clair : la violence de genre est un phénomène global, qui n'est pas limité à une zone géographique, une culture, une catégorie socio-professionnelle ou une tranche d'âge. Physique, morale ou psychologique, la violence est aussi intimement liée à la dépendance économique des femmes vis à vis de leurs conjoints. La protection des victimes, leur prise en charge, la pénalisation et la prévention sont des piliers essentiels pour instaurer des politiques efficaces. Depuis leurs consulats généraux à Madrid, les consules ont aussi été amenées à couvrir des cas de violence domestique de concitoyens établis en Espagne. Certains consulats ont mis en place des cellules et des protocoles pour suivre au plus près ces situations, à l'instar du Consulat général de France ou de celui de Roumanie. L'information concernant le dispositif mis à disposition des victimes par l'administration espagnole constitue l'une des premières actuations dans le cadre de cet accompagnement. Pourtant, en dépit de l'existence de ce dispositif, "les freins culturels restent forts et les femmes éprouvent une honte persistante à dénoncer", a déploré la Consule générale de Tunisie. "Une certaine fatalité issue de la foi orthodoxe les amène à accepter ce fléau comme tant d'autres", a pour sa part admis la Consule générale de Roumanie.
De fait, l'aspect culturel est un facteur clé pour aborder la violence contra les femmes. "Elle influe sur les normes sociales, la tolérance envers la violence, la discrimination de genre, la stigmatisation, l'éducation et la conscience publique, mais aussi sur les comportements et les attitudes", comme le défend l'association. A cet égard, la proximité, la présence sur le terrain et la connaissance des réalités des collectifs les plus vulnérables sont primordiaux pour mieux comprendre les mécanismes de la violence de genre et pour aider les femmes victimes, comme l'a conclu la modératrice Maria José Garrido.
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