YVES DELMAS - "Le transport et la livraison express s'avèrent être d’excellents baromètres de l'activité économique de l'Espagne"

Nommé en 2012 président du groupe Seur, filiale espagnole du Français Geopost, Yves Delmas jouit depuis 10 ans d'un poste d'observation privilégié au sein des instances directives d'une entreprise leader sur le marché domestique, pour décrypter les évolutions de l'économie ibère. Un marché, le transport de colis, qui se comporte en véritable baromètre de l'activité économique du pays, comme l'entreprise entend d'ailleurs le démontrer avec le développement récent d'un outil de prévision du PIB espagnol, indexé sur sa propre activité, dont les premières estimations seront rendues publiques en mars prochain. Mais c'est également au titre de Président des conseillers du commerce extérieur de la France en Espagne, que cet Albigeois de 51 ans porte un regard averti sur la sortie de crise espagnole.

Lepetitjournal.com : Votre secteur d'activité connaît un fort regain de croissance en 2013. Qu'en est-il pour Geopost et le groupe Seur ?
Yves Delmas (Photo DR) : Nous avons connu en 2013 un taux de croissance à deux chiffres, largement au-delà de nos espérances en ce qui concerne notamment les livraisons aux particuliers, boostées par la période des fêtes de fin d'année, traditionnellement génératrice d'activité avec Noël, "Reyes" et les soldes de début janvier. Cette forte croissance est largement tirée par le commerce online, qui s'est avéré un puissant moteur d'activité tout au long de ces derniers mois. Notre position de leader sur le marché B2C, avec 1 envoi sur 3 transporté et délivré par nos soins, mais aussi notre bonne couverture sectorielle, avec notamment une implantation de qualité dans la téléphonie, l'e-commerce, le high-tech, le textile ou le loisir, nous a ainsi permis de tirer profit de la hausse de la consommation espagnole. En parallèle, nous avons pu percevoir une bien meilleure santé de nos clients dans le B2B, où là aussi nous jouissons d'une forte pénétration dans les secteurs clés. Notre service de transport à l'international nous permet en outre de mesurer à quel point les entreprises espagnoles se sont mises à exporter, avec succès. De manière générale, le marché espagnol de la livraison de colis, qui avait vu connu depuis 2007 une baisse importante des volumes et des poids transportés, connaît depuis cette année un regain évident d'activité. Si la situation reste néanmoins difficile, compte-tenu notamment du très grand nombre d'opérateurs et de l'aspect très compétitif de ce marché, il est indéniable que nous vivons une reprise, une lente sortie macro-économique de crise, dont GeoPost, qui à travers Seur détient plus de  20% de parts de marché sur le territoire, bénéficie clairement.

Dans quelle mesure les évolutions de votre activité reflètent-elles celles de l'ensemble du pays ?
Le transport et la livraison de colis constituent un reflet presque parfait de la consommation d'un pays. S'il existe une importante corrélation entre consommation et PIB, alors il existe aussi une corrélation certaine entre le PIB et notre activité, qui s´avère être un excellent baromètre de la santé des différents secteurs de l'économie, surtout sur les marchés mûrs. C'est d'autant plus vrai dans notre cas que nous sommes leaders en Espagne et implantés sur tous les secteurs de l´économie, en B2B, B2C et C2C. Nous développons d'ailleurs "en chambre" depuis quelques temps un outil de mesure du PIB du pays, basé sur la masse et la typologie des colis (volumes, poids et prix moyens, corrigés des variations atypiques potentiellement dues à des clients spécifiques), que nous transportons chaque mois. En croisant les résultats obtenus par cet outil et ceux annoncés par les institutions nationales, nous avons mesuré un écart de 0,1% seulement, sur le cumul des 4 derniers trimestres. Tandis que la Banque centrale ou l'Institut National de Statistiques (INE) publient leurs estimations le 20 du mois suivant la fin du trimestre, nous avons l'ambition de rendre nos mesures publiques dès la dernière semaine du trimestre en cours, avec un mois d'avance sur les autres. Nous comptons ainsi faire une première annonce de l'évolution du PIB espagnol sur le premier trimestre 2014, entre le 20 et le 25 mars prochain.

Vous êtes Président des conseillers du commerce extérieur de la France en Espagne. En quoi consistent à cet égard vos responsabilités ?
La mission des CCEF est une mission de patriotisme économique. Bénévoles, nous acceptons de consacrer de notre temps et de nos compétences pour la Nation. Nous ne sommes donc pas là pour parler business entre nous ou pour faire vivre un club d'affaires. Choisis sur cooptation et nommés par décret du premier ministre, nous nous chargeons de conseiller les pouvoirs publics sous la tutelle de l'ambassade, mais aussi de parrainer, en collaboration avec Ubifrance, les PME françaises désireuses d'exporter en Espagne. Nous sommes enfin chargés d'assurer la formation, via par exemple l'animation du prix "jeune entrepreneur". Ce prix, organisé en collaboration avec 4 écoles de commerce, récompense des initiatives ayant une composante française et espagnole. L'an dernier, pour la première édition, trois jeunes de Barcelone souhaitant lancer une boisson relaxante dotée d'un emballage écologique ont ainsi reçu 1.500? - montant symboliquement destiné à l´apport en capital initial pour la création de leur société - pour la qualité de leur projet, en plus des conseils et de l'expertise des CCEF. Il est important par ailleurs d'évoquer notre engagement dans la promotion des VIE, une mission au croisement entre la formation et l'aide à l'implantation sur le territoire, qui constitue en outre une priorité dans le Péninsule, notamment dans la perspective de l'objectif de retour à l'équilibre de notre balance commerciale avec l'Espagne, d'ici 2017.

Il y a actuellement 60 CCEF en Espagne, tous numéro 1 d'entreprises françaises installées sur le territoire. La section a toujours essayé de maintenir un équilibre sectoriel et géographique pour choisir ses membres, issus de start-ups, de petites et moyennes entreprises ou de très grands groupes. Nous suivons tous ensemble les évolutions de l'économie espagnole, avec un intérêt particulier pour les secteurs stratégiques, afin de remonter ces informations aux services économiques de l'ambassade. C'est une belle mission.

Propos recueillis par Vincent GARNIER (www.lepetitjournal.com - Espagne) Lundi 13 janvier 2014
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