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Remise en liberté de la Manada : nouvelle vague d’indignation 

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Archives CC CANVALCA https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Cabecera_de_la_manifestaci%C3%B3n_en_calle_Larios,_M%C3%A1laga-1.jpg
Écrit par Alexandra Pichard
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 24 juin 2018

Le cri "Ce n’est pas un abus, c’est un viol" a ressurgi dans les rues espagnoles. Pour cause, la remise en liberté provisionnelle des cinq condamnés de la "Manada", qui sont jugés pour avoir agressé sexuellement en groupe une jeune fille de 18 ans lors des fêtes de Saint-Fermin il y a 2 ans. 

 

Déjà lors du procès, la condamnation à neuf ans de prison en première instance pour "abus sexuel" et non pour viol des jeunes Sévillans avait provoqué une vague d’indignation dans toute l’Espagne et des manifestations partout sur la Péninsule. Suite au recours en appel présenté par les cinq condamnés, la dernière décision du Tribunal de Navarre, qui autorise leur mise en liberté sous contrôle judiciaire, après presque deux ans de prison provisionnelle, s’ils réunissent 6.000 euros de caution chacun, a réanimé le mouvement social et la mobilisation féministe. Avec en tête de front la ville de Pamplune, qui se prépare déjà pour les nouvelles fêtes de Saint Fermin, et celle de Barcelone, qui ont été les premières à réagir à la décision annoncée jeudi 21 juin dernier. Toutes les grandes villes ont suivi le mouvement vendredi 22 juin, notamment Séville, où résident les cinq jeunes hommes de la "Meute", et où l’on pouvait entendre crier "Nous ne voulons pas de violeurs comme voisins".  

 

Une justice patriarcale qui ne croit pas et ne protège pas les femmes

 

Cette décision choque d’autant plus car elle est légale, mais inhabituelle. En effet, pour une sentence grave, comme celle qu’ont reçue les accusés, le procédé le plus courant est de maintenir ceux-ci en prison jusqu’à une révision de la peine ou jusqu’au temps maximum légal, qui était encore de deux ans et demi dans ce cas précis. Les juges ont estimé qu’il y avait peu de chance que les accusés fuguent, en raison de leurs faibles moyens économiques, et surtout ils jugent "improbable" qu’ils recommencent. De plus, ceux-ci vivent à 500 km de la victime, et ont l’interdiction d’entrer dans la Communauté de Madrid où elle réside. Une argumentation un peu légère pour les militantes qui estiment que "rien n’a changé" et que leur remise en liberté représente un danger pour la victime comme pour le reste des femmes. 

Mais au-delà de la possibilité de récidive, c’est surtout une décision fortement symbolique, qui renforce l’impression qu’ont les femmes espagnoles de ne pas être protégées par la justice de leur pays. "Cette Justice est une merde" a été le cri le plus répété lors de manifestations, qui pointent du doigt la "justice patriarcale qui ne croit pas et ne protège pas les femmes" selon le Mouvement Féministe de Madrid. "Ils doivent payer 6.000 euros pour sortir de prison, et mon Master me coûte 6.500 euros", s’indigne une étudiante, "je vis dans un pays où cela coûte moins cher de violer que d’étudier". 

 

Réactions politiques

 

Malgré la volonté du nouveau Gouvernement de ne pas intervenir dans les décisions judiciaires, la ministre de la Justice, Dolores Delgado, a reconnu que cette même décision "démontre qu’un changement de mentalité est nécessaire". Tous les autres partis politiques ont critiqué la remise en liberté, notamment Albert Rivera de Ciudadanos qui a déclaré qu’il est "préoccupant que des condamnés pour abus sexuel puissent être dans les rues avant une sentence définitive", ou encore Irene Montero, de Podemos, qui qualifie la liberté des Sévillans comme "une insulte aux femmes et à la démocratie". 

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