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Relocalisation, déglobalisation... "Rien ne sera plus jamais pareil"

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Écrit par Armelle Pape Van Dyck
Publié le 5 avril 2020, mis à jour le 5 avril 2020

Lors de sa première réunion virtuelle, avec plus de 500 participants, le think tank Real Instituto Elcano a réuni quelques-uns de ses experts pour effectuer une analyse de la situation et débattre de l’impact du Covid-19 pour tous.


 
La pandémie du virus Covid-19 constitue un phénomène aux conséquences extraordinaires à tous les niveaux et qui montre la pertinence d’une bonne gestion de la crise. Le problème est que personne ne connait la durée de cette situation inédite dans l’histoire : "Nous ne savons pas comment se comporte le virus, ni la véritable efficacité des mesures de quarantaine", explique l’un des experts de l’institut Elcano. "C'est un peu comme traverser le brouillard sans savoir où se trouve la sortie, c'est ce que les économistes appellent l'incertitude radicale". 


L’économie dans le congélateur

Dans ce contexte, l’objectif se résume actuellement à "mettre l'économie dans le congélateur aussi longtemps que cela durera pour la ressortir ensuite sans dégâts, ce qui semble difficile". Il existe d’ailleurs deux scénarios possibles quant à la chute de l’économie dans la zone euro : La première, une baisse de 4% et la seconde plus probable, atteindrait les 8%, même si l'Espagne devrait chuter un peu moins car son PIB progressait plus que la moyenne de la zone euro. 

Ce qui est sûr, c’est que cette situation entraînera un déficit "stratosphérique" et une augmentation de la dette, du fait que les États vont devoir aider leurs entreprises à résister à cette hibernation. Il est d’ailleurs question que l’UE émette conjointement un instrument d'emprunt. La Commission Européenne travaille actuellement à la mise en place d’un mécanisme de solidarité entre les Etats de la zone euro pour les aider à financer (ou à créer) leur dispositif national de chômage partiel dans les pays les plus touchés par le Coronavirus. 


Sortie de quarantaine échelonnée  

Il faut également supposer que "rien ne sera plus jamais pareil", ou du moins tant que le vaccin ne sera pas obtenu, pour la population. Les quarantaines seront intermittentes afin que le système sanitaire ne s'effondre pas et, probablement, les personnes de plus de 60 ans seront confinées beaucoup plus longtemps, l’idée étant de générer une immunité de groupe. Le port du masque pourrait même devenir obligatoire comme dans certains pays européens. En France, le Premier Ministre a d’ailleurs annoncé qu’il n’y aura pas de "déconfinement" général, en une fois et pour tout le monde. Cela se fera progressivement, par région, tranches d’âge ou en fonction de campagnes de tests.

 
Produire localement 

Toute cette situation conduira le monde à une période de "déglobalisation", avec des restrictions et contrôles plus importants sur les voyages, mais aussi sur le commerce international. Cette "déglobalisation" ne touchera pas tous les secteurs de la même façon. Ainsi, dans le secteur industriel, il y aura un retour aux industries stratégiques (nouvelles technologies, pharmaceutiques, énergies renouvelables, etc.). Par ailleurs, il se produira une relocalisation des activités productives qui avaient été délocalisées dans le passé. La Chine restera un partenaire nécessaire mais il est devenu indispensable de retrouver une indépendance dans les chaînes de production. Quant au secteur des services, et grâce aux nouvelles technologies, il y aura au contraire une forte expansion. En revanche, et jusqu'à ce qu'il y ait un vaccin, le secteur du tourisme va souffrir énormément, ce qui est loin d'être une bonne nouvelle pour un pays comme l’Espagne.


Europe : nous naviguons tous dans le même bateau

En ce qui concerne l’Union européenne, il existe un risque certain d’euroscepticisme, comme c’est le cas en Italie. Selon les experts de l’institut Elcano, il y a une école pessimiste qui pense que cette crise du Coronavirus va accélérer la désintégration de l'Union européenne. Une autre école, en revanche, estime que l'UE sortira plus forte, "comme cela a toujours été le cas face à l'adversité. L'Union européenne a connu plusieurs crises au cours des quinze dernières années, la dernière étant le Brexit, mais elle a survécu à toutes, cherchant des compromis entre les États". 

Certes, l'UE a mis du temps à réagir, mais elle n'a pas non plus de compétence en matière de santé publique ou de circulation des personnes. Or, les États ont agi très tard et de manière isolée. Les experts de l’Institut Real Elcano ont rappelé qu’il faut faire preuve "de plus de solidarité, d'empathie réciproque, car nous naviguons tous dans le même bateau. De cette crise, il faut voir que le système n'est pas parfait mais que la situation serait bien pire sans lui". Un exemple est la Grèce, qui, après la grave crise qu’elle a traversée, est encore plus favorable à l'euro. Cependant les Grecs estiment que leur voix n’est pas écoutée au sein de l’Union européenne. C’est un sentiment qui risque d’émerger en Espagne, pays pourtant traditionnellement très pro-européen.