Paul De Fombelle, Bertrand Amaraggi, Diego Hidalgo, Rémi Escande et Vincent Rosso sont cinq entrepreneurs français qui ont en commun de s'investir dans des entreprises innovantes en Espagne. Dirigeants de PME et expatriés, ils ont décidé de mettre leurs idées en pratiques dans le développement de startups innovantes, destinées à améliorer le quotidien de la population ibérique. Comme une bouffée d'air frais dans l'univers hautement concurrentiel des entreprises du secteur des nouvelles technologies.
Jeudi dernier en fin de matinée, le Centre d'Innovation BBVA de Madrid accueillait le lancement du site primeraventa.com. Un projet pensé pour faciliter la transition digitale des entreprises en 15 étapes personnalisées avec un objectif de première vente en ligne trois semaines après leur inscription. Un concept ambitieux, totalement gratuit et mené par quatre acteurs du monde numérique en Espagne : eBay, Nimble Payments, PrestaShop et Mailify. A la tête des deux dernières ? Deux Français : Bertrand Amaraggi et Paul de Fombelle. Lepetitjournal.com est parti à leur rencontre afin de mieux connaitre leurs parcours, leurs entreprises et leurs projets.
Paul de Fombelle. Directeur international de Mailify. 34 ans.
Marseillais d'origine, c'est pourtant à Paris et plus particulièrement à La Sorbonne que Paul de Fombelle obtient un master en Management. Par la suite, il décide de se spécialiser dans le domaine de l'édition de revue géopolitique, une vocation à priori éloignée du secteur digital dans lequel il réussira à s'implanter avec Mailify quelques années plus tard. S'ensuit un séjour d'un an en Argentine en 2009 au cours duquel il apprend à maitriser la langue de Cervantès, un atout pour la suite de sa carrière. A la même époque, la société française Sarbacane, spécialisée dans l'e-mail marketing, cherche à s'implanter en Espagne sous le nom de Mailify et le profil de Paul De Fombelle correspond parfaitement aux attentes des dirigeants. Ni une ni deux, ce dernier s'envole pour Barcelone en 2011 pour mener à bien la conquête de ce nouveau marché. Cinq ans plus tard, la société a plus que triplé de volume et compte 70 salariés à travers le monde dont une dizaine dans la péninsule ibérique. Mailify est le leader incontesté dans le domaine de la publicité par courrier électronique, avec près de 7.000 entreprises clientes et un chiffre d'affaire estimé à 8 millions d'euros. Paul De Fombelle est désormais le directeur du groupe à l'international et a confié la filiale espagnole à sa compatriote, Carole Sanchez. Après New York l'année dernière, la PME ambitionne désormais de s'implanter en Amérique Latine et dans d'autres pays européens.
Bertrand Amaraggi s'est installé à Barcelone en 2007 alors qu'au même moment était fondée la société Prestashop au sud des Pyrénées. Hasard ou coïncidence ? Toujours est-il que pour ce Marseillais d'origine (encore un), diplômé de l'Ecole supérieure de Commerce de Montpellier, il était impératif de poursuivre une carrière professionnelle entamée à Paris vers des horizons plus ensoleillés. En Catalogne, il travaille d'abord pour une startup spécialisée dans l'e-mail marketing qui finira par être rachetée par Criteo, l'un des géants français dans le secteur des nouvelles technologies. En quête d'un nouveau challenge, il prend alors contact avec le société Prestashop en 2014. Bonne pioche. Il est embauché par la PME spécialisée dans les solutions d'e-commerce à destination des entreprises pour mener à bien son développement en Espagne. Aujourd'hui la croissance de la filiale ne cesse de prendre de l'ampleur et son logiciel fonctionnant avec un système open source fédère une communauté d'utilisateurs toujours plus forte. Chaque mois, ce sont près de 1000 nouveaux clients qui font appel aux services de la société pour ouvrir leur propre boutique en ligne. Avec un chiffre d'affaires global évalué à 15 millions d'euros à travers le monde, Prestashop affiche un bilan plus que positif. Au grand bonheur de Bertrand Amaraggi, qui ne quitterait Barcelone pour rien au monde.
Franco-Espagnol élevé à Paris, Diego Hidalgo est un entrepreneur au parcours atypique. Fort d'une brillante carrière universitaire, qui le mènera des bancs de Science Po à la prestigieuse université de Cambridge pour un master de recherche en sociologie, il met dans un premier temps ses compétences au service de la Fondation Clinton, une ONG basée à New York. Mais l'appel des origines ne lui résiste pas longtemps et il s'installe à Madrid en 2008. Au départ, l'objectif est de lancer une initiative conjointe avec son père sous la forme d'un manifeste visant à sensibiliser les Espagnols aux questions de fond dans le débat politique en vue des élections générales qui doivent se tenir la même année. En parallèle, il réfléchit à son propre concept : une plateforme collaborative de covoiturage réservée aux particuliers. C'est ainsi qu'Amovens voit le jour en 2009. Il s'agit alors du premier site web de covoiturage à grande échelle sur le territoire espagnol. La PME connait d'abord une croissance mitigée avant d'atteindre son rythme de croisière au courant de l'année 2014. Aujourd'hui, elle compte 45 employés et plus d'1 millions d'utilisateurs dans le monde, dont 550.000 en Espagne. Dernière nouveauté en date : un service de location longue durée intitulé FreeCar qui permet d'utiliser une voiture neuve pour une durée d'un an en payant un montant mensuel qui comprend tous les types de frais (assurance, entretiens etc?) en plus de la possibilité de sous-louer le véhicule s'il n'est pas utilisé. Un service particulièrement utile pour les expatriés souhaitant se déplacer sans se compliquer la vie. Et au final, une belle success-story pour ce fils d'immigrés fier de ses racines espagnoles.
Architecte, organisateur de soirée, autoentrepreneur? Remi Escande multiplie les casquettes depuis son installation en Espagne. Après des études d'architecture à Montpellier et un séjour en Inde, il s'envole pour Madrid en 2011. Missionné par l'Ambassade de France sur place pour intégrer le service immobilier de l'AEFE, il développe en parallèle une carrière dans l'évènementiel avec l'organisation des soirées Cocorico une fois par mois. La mayonnaise prend très vite et le succès s'exporte hors des frontières madrilènes. Barcelone et ensuite Mexico, l'ascension est irrésistible. Néanmoins, pas question pour Escande de faire une croix sur l'architecture. Après l'Ambassade, il développe maintenant un projet de terrasse éphémère dans le quartier de Principe Pio, toujours à Madrid. Mais son grand projet de l'année 2016 reste à n'en pas douter le lancement du site web collaboratif Bonomodo avec son associé Marc Exposito, Barcelonais d'origine et spécialisé dans le design graphique. Véritable plateforme de tendance en ligne, Bonomodo permet de connecter les utilisateurs entre eux et de poster des contenus (articles, vidéos, photos) sur des sujets variés, répartis en quatre catégories : Mode, Art, Lifestyle et Technologie. Les publications sont ensuite soumises à un vote et les plus populaires figureront dans le fil d'actualité du site et sur les réseaux sociaux. Une sorte de Wikipédia des tendances dans lequel chaque utilisateur peut être modérateur ou contributeur. La version béta sera lancée début avril avant une mise en orbite définitive en juin prochain. Remi Escande table sur 500 utilisateurs actifs dans les six mois.
Passionné d'informatique dès son plus jeune âge, Vincent Rosso est le seul à avoir vécu de l'intérieur l'émergence du phénomène Internet dans les années 90. Une expérience précieuse, à la source des succès entrepreneuriaux qu'il connaitra par la suite. Pourtant dans un premier temps, ce sont des études d'ingénieurs dans l'électricité et la mécanique à Paris qui lui permettent d'obtenir ses diplômes. A cette époque déjà, l'informatique occupe une place à part... Plus qu'un hobby ? Pour le savoir, Rosso s'envole pour la Californie en 1994, en plein c?ur de la Silicon Valley. L'effervescence qu'il rencontre sur place lui donne envie de se lancer à son tour. Projet qu'il ne concrétisera pas à son retour en France, faute d'opportunités. Un service militaire et un passage chez Dassault Aviation plus tard, il fait alors le pari de l'international et part s'installer en Espagne avec un poste au sein de l'entreprise de télécommunication Telefónica. De fil en aiguille, le réseau s'étoffe et il fait la connaissance de Frédéric Mazella, futur fondateur et directeur de BlablaCar. Les deux hommes partagent les mêmes ambitions et lancent ensemble une première société, Kabira Techno, en 2006. Parti en France en 2008 pour lancer sa fameuse entreprise spécialisée dans le covoiturage entre particuliers sur Internet, Mazella fait appel à Rosso pour décliner le projet en Espagne. Une opportunité rêvée pour ce dernier qui entre au capital de la société en juin 2009 avec la mission d'adapter le projet pour la première fois à l'international. La première année est difficile, les contraintes budgétaires bloquent le développement de la société, qui ne parvient pas à franchir le seuil des 25.000 inscrits, et la promotion se fait via les réseaux sociaux tant bien que mal. Tout va s'accélérer en 2011, le covoiturage connait alors un essor phénoménal aussi bien en France qu'en Espagne et la croissance de BlablaCar grimpe en flèche. Jusqu'à atteindre les 2,5 millions d'inscrits aujourd'hui sur le sol ibérique. Le succès est immense mais Vincent Rosso est attiré par un nouveau challenge. A l'été dernier, il décide de quitter la filiale espagnole après six ans de bons et loyaux services pour se consacrer à une nouvelle carrière : celle de Business Angel. Un travail en freelance qui consiste à investir dans des startups ou des entreprises porteuses de projets innovants et à fort potentiel, tout en les conseillant pour mener à bien leur développement.
Simon MARACHIAN (www.lepetitjournal.com - Espagne) Mardi 15 mars 2016
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