Il y a ceux qui regardent la misère se développer, et puis il y a ceux qui luttent contre. Chantal et Raquel font partie de cette deuxième catégorie. Assistantes sociales à l'Entraide Française, elles s'occupent de la communauté française d'Espagne en détresse. Avec un courage et une passion uniques
(Chantal et Raquel / Photo lepetitjournal.com)
Au premier étage du 4, rue Justiniano, non loin de Chueca, le siège de l'Entraide Française de Madrid passerait presque inaperçu. Comme si ce qu'il s'y passait à l'intérieur relevait de la banalité. Il faut monter quelques marches, et franchir la grande porte sombre pour se rendre compte qu'il s'agit de tout sauf d'un lieu comme les autres. Pourtant, à première vue, rien d'extraordinaire. La secrétaire Mari-Luz nous accueille dans un français parfait. La scène serait identique s'il s'agissait d'un simple rendez-vous chez le médecin généraliste. Mais ici, on soigne les gens différemment. Au fond d'un étroit couloir sur la gauche, se trouvent les bureaux de Chantal et de Raquel. C'est là que tout se passe. Compte-rendu d'une journée comme les autres.
"Plus tard, j'aimerais remercier l'Entraide Française pour son aide"
Il est midi, quand un jeune homme d'une vingtaine d'années débarque à l'Entraide Française. Il vient chercher des vêtements et apporter une facture pour des livres scolaires. Il a l'habitude de venir ici, puisque deux fois par semaine, il y prend gratuitement des cours de français avec Jean, un professeur bénévole. Il se réjouit de cette opportunité que lui accorde l'association : "Grâce à eux, j'ai un objectif : apprendre le français pour partir étudier la cuisine en France". Puis, avec une mine plus grave, il évoque : "Sans leur aide, je ne sais pas où j'en serais? Plus tard, j'aimerais les remercier pour ça". Un instant après, Raquel téléphone à la mère du jeune homme. Elle lui annonce qu'elle vient de finaliser la liste des courses qui permettra à la famille de manger ce mois-ci. Sur le site d'un supermarché, elle a acheté divers produits qui seront livrés au domicile, par des bénévoles de l'association. Soudain, on comprend mieux les propos du jeune homme. L'Entraide Française lui permet d'apprendre le français, mais aussi de s'habiller, de s'instruire, et surtout, de manger. Surtout les bénévoles lui permettent de se projeter dans l'avenir et d'avoir des projets.
"Les Pygmalion de l'espoir, les infirmières de l'âme"
A voir l'enthousiasme que Chantal et Raquel accordent à leur travail, difficile d'imaginer le poids des situations auxquelles elles doivent faire face. Et pourtant : "Les gens pleurent quand ils viennent. Ils ont besoin d'argent, de nourriture, de soutien, et nous le font savoir entre les larmes. Les entretiens sont très difficiles, il m'arrive d'avoir des n?uds à l'estomac", confie Raquel. "Il y a un décalage entre notre situation et celle de la personne. Il faut donc la laisser parler, l'écouter, et comprendre pourquoi elle peut se mettre à pleurer, se mettre en colère ou transgresser les règles de politesse et du savoir-vivre", renchérit Chantal. Emplies de générosité et de détermination, Chantal et Raquel ont les épaules pour ce métier. Elles donnent une véritable leçon de vie : "On peut les aider, donc on est satisfaites". Et Chantal de conclure sur cette belle image : "On est les Pygmalion de l'espoir, les infirmières de l'âme". De l'espoir, c'est concrètement de ça qu'il s'agit. Un mot qui a disparu du vocabulaire des personnes qui passent les portes de l'Entraide Française pour la première fois.
149 personnes aidées en 2012, dans de nombreux domaines
Chaque jour, le téléphone sonne, quatre, cinq fois, en quatre heures. Chaque interlocuteur a sa fiche minutieusement répertoriée dans les ordinateurs des deux femmes.
149 personnes ont été aidées par l'Entraide Française en 2012. Crise oblige, plus de la moitié sont des cas nouveaux, venus solliciter du soutien seulement cette année. Au total, cela représente 58 interventions (prises en compte officiellement, car certaines conversations téléphoniques ne le sont pas, bien que constituant une forme d'aide), allant de l'aide alimentaire jusqu'au rapatriement en France, en passant par le don de vêtements ou le soutien psychologique. Il y a pléthore de domaines dans lequel intervient l'Entraide Française. Evidemment, la solidarité dont elle fait preuve nécessite un investissement financier. En 2012, 88.640 euros étaient alloués aux dépenses en matière "d'aides et assistances". Faut-il le rappeler ? Si l'investissement le plus important est avant tout humain -Chantal et Raquel en sont le parfait exemple- l'Entraide Française doit une partie conséquente de ses ressources aux dons apportés par les membres de la communauté expatriée.
Arnaud ROY (www.lepetitjournal.com - Espagne) Lundi 5 novembre 2012
http://www.entraidefrancaisemadrid.org/
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