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Compétitivité en 2025 : l’Espagne progresse peu, freinée par sa bureaucratie

Légère avancée pour l’Espagne dans le classement mondial de compétitivité du prestigieux IMD : le pays gagne une place et atteint la 39e position sur 69 économies évaluées. Une progression qui ne suffit pas à masquer les failles structurelles qui freinent toujours son envol. Car derrière ce petit sursaut se dessine un tableau contrasté, où les bonnes notes côtoient les retards chroniques et les occasions manquées.

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Écrit par Paul Pierroux-Taranto
Publié le 15 juillet 2025

Un point de gagné, mais pas de quoi pavoiser

Le dernier rapport de l’IMD, l’institut suisse qui évalue chaque année la compétitivité des économies mondiales, vient de tomber. L’Espagne passe de la 40e à la 39e place, sur 69 pays analysés. Un frémissement qui sonne davantage comme un surplace que comme une véritable percée.

Car pendant que l’Allemagne (19e), le Royaume-Uni (29e) ou la France (32e) gardent une longueur d’avance, l’Espagne continue de jouer en deuxième division, coincée dans la moitié basse du tableau. Elle fait mieux que l’Italie (43e), certes, mais reste encore à la traîne du Portugal (37e). Une performance qui en dit long sur les limites du modèle espagnol.

 

Croissance, emploi, déficit : l’Espagne confirme son rôle de locomotive en Europe

 

Compétitivité : l’Espagne brille en infrastructures mais décroche en gouvernance

L’IMD passe au crible les économies selon quatre grands axes : performance économique, efficacité du gouvernement, dynamisme du secteur privé et qualité des infrastructures. C’est sur ce dernier point que l’Espagne brille le plus, avec une 27e place à l’échelle mondiale.

Les investissements dans les transports, la digitalisation ou l’éducation semblent porter leurs fruits. Même score (27e) pour la conjoncture économique, portée par une inflation mieux maîtrisée et un commerce extérieur en reprise.

Mais le tableau se ternit dès qu’on aborde le fonctionnement de l’État. Selon le rapport, l’efficacité gouvernementale reste l’un des maillons faibles (56e), plombée par une politique fiscale en berne (62e) et une gestion budgétaire poussive (57e). Le secteur privé, lui, fait ce qu’il peut (41e), mais reste englué dans une bureaucratie kafkaïenne et un cadre réglementaire à la lisibilité discutable.

 

Polarisation, inertie et occasions perdues… le mal espagnol vu par l’IMD

De plus, le rapport met en lumière une donnée inquiétante : 92,5 % des chefs d’entreprise espagnols voient dans la polarisation politique un frein direct à la croissance économique. Seul le Brésil ferait pire.

Instabilité chronique, tensions partisanes, incapacité à construire des compromis durables… le climat politique espagnol pèserait lourd dans la balance de la compétitivité. Et refroidirait, au passage, les ardeurs des investisseurs étrangers.

L’IMD pointe aussi un usage peu stratégique des fonds européens et un retard dans la digitalisation des PME. Autre point sensible : les faibles dépenses en recherche et développement (R&D), qui limitent son potentiel d’innovation. Quant à la formation professionnelle, elle resterait trop souvent déconnectée des besoins réels du marché du travail, avec pour conséquence, une productivité qui plafonne.

Les pistes de l’IMD pour une Espagne plus compétitive : pour remonter dans le classement, l’Espagne doit sortir du flou administratif, accélérer sa digitalisation — surtout des PME — et mieux cibler ses investissements publics et européens. L’IMD appelle aussi à stabiliser la régulation et à aligner la formation sur les besoins réels du marché du travail.

 

La Suisse en modèle, l’Espagne toujours en rodage

En haut du classement IMD 2025, la Suisse reprend la première place. Sa recette ? Institutions solides, gouvernement réactif et infrastructures de qualité. Le tout dans un climat de confiance propice aux affaires.

Singapour, championne sortante, glisse à la deuxième place mais reste redoutable : croissance musclée, exportations en plein boom, infrastructures numériques à la pointe. Hong Kong, en troisième position, gagne du terrain grâce à des améliorations dans sa gouvernance et sa compétitivité entrepreneuriale.

Si la progression de l’Espagne reste timide, elle révèle un potentiel en friche. Pour Arturo Bris, directeur de l’étude, « dans un monde fragmenté, il est essentiel que les secteurs public et privé coopèrent pour bâtir des économies compétitives. »

Un vœu pieux ? En Espagne, cette coopération resterait encore trop souvent théorique. D’après l’étude, tant que les réformes structurelles n’iront pas au-delà des intentions, le pays continuera à courir derrière le peloton de tête.

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