Édition internationale

“Bitcoin Jesus” attaque l’Espagne à la CEDH pour éviter son extradition vers les USA

Roger Ver, l’un des premiers apôtres du Bitcoin, engage une bataille juridique contre l’Espagne devant la Cour européenne des droits de l’homme. Objectif : empêcher son transfert aux États-Unis, où il est poursuivi pour une évasion fiscale présumée de 48 millions de dollars.

roger verroger ver
Photo : Roger Ver (X)
Écrit par Paul Pierroux-Taranto
Publié le 21 juillet 2025

Il fut un temps où Roger Ver distribuait des bitcoins comme on offre des tracts dans la rue. Aujourd’hui, celui que l’on surnomme « Bitcoin Jesus » se retrouve au cœur d’un affrontement judiciaire international, avec en toile de fond l’avenir de la fiscalité des cryptomonnaies et les libertés individuelles à l’ère numérique.

Fin juin, Ver a saisi la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), à Strasbourg, pour contester la décision de l’Espagne d’autoriser son extradition vers les États-Unis. Il y est accusé d’avoir éludé plus de 48 millions de dollars d’impôts liés à la vente de crypto-monnaies estimées à 240 millions de dollars.

 

De Majorque à Los Angeles, une extradition sous tension

Arrêté à Majorque au printemps 2024, Ver avait ensuite été libéré sous caution. Mais la justice espagnole a approuvé son extradition vers la Californie, où il doit comparaître à Los Angeles. Selon ses avocats, cette décision constitue une violation de ses droits fondamentaux, notamment du droit à un procès équitable et à la liberté.

Dans la requête déposée devant la CEDH, Ver accuse les autorités espagnoles de ne pas avoir pris en compte l’insécurité juridique entourant la fiscalité des cryptomonnaies aux États-Unis à l’époque des faits. Son défenseur espagnol, Me Jaime Campaner Muñoz, dénonce une décision « contraire aux normes internationales encadrant les procédures d’extradition ».

 

Fiscalité des cryptomonnaies et actifs à l'étranger

 

Ver, un pionnier du Bitcoin qui divise la planète crypto

Roger Ver est une figure bien connue de l’univers des crypto-monnaies. Il a misé sur le Bitcoin dès ses débuts, alors qu’il ne valait que quelques centimes. Selon certaines estimations, il aurait acquis jusqu’à 400.000 BTC, ce qui représenterait aujourd’hui une fortune de plusieurs dizaines de milliards d’euros.

Soutien actif du hard fork Bitcoin Cash (BCH), Ver a défendu une version du Bitcoin plus rapide et plus adaptée aux paiements quotidiens. Mais en présentant le BCH comme le "véritable Bitcoin", il a provoqué une scission durable dans la communauté, certains le voyant comme un visionnaire ; d’autres, comme un opportuniste ayant trahi l’esprit d’origine du Bitcoin.

 

Une affaire fiscale qui vire au combat politique

Aux États-Unis, les autorités l’accusent non seulement d’évasion fiscale, mais aussi d’avoir dissimulé des informations lors de sa déclaration d’« exit tax », cet impôt imposé aux Américains fortunés qui renoncent à leur citoyenneté — ce qu’il a fait en 2014.

Ver, lui, affirme n’avoir commis « aucun crime » et dénonce une affaire à motivation politique. Son avocat américain, David Schoen, rappelle que « le monde crypto était alors en plein bouleversement » et que Ver avait agi sur la base de conseils fiscaux spécialisés.

La controverse a même gagné les réseaux sociaux et la sphère politique. Depuis le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche, Ver a publié une vidéo sur X pour réclamer un pardon présidentiel : « Donald Trump, j’ai besoin de ton aide pour mettre fin à cette persécution judiciaire et rentrer chez moi. » La réponse d’Elon Musk a été cinglante : « Roger Ver a renoncé à sa citoyenneté américaine. Pas de pardon pour lui. »

 

À l’inverse, des figures du monde crypto comme Vitalik Buterin (Ethereum) et Ross Ulbricht (Silk Road) ont publiquement pris sa défense, dénonçant une procédure “excessive” et réclamant une solution hors du champ pénal : « Qu’il paie les impôts s’il y en a, et que l’affaire soit close. »

 

Prophète ou fraudeur ? Strasbourg tranchera

Au-delà du cas Ver, cette affaire met en lumière les zones grises du droit fiscal international, notamment lorsqu’il s’agit de nouveaux actifs comme les cryptomonnaies.

La CEDH n’a pas encore indiqué quand elle rendra sa décision. Mais l’enjeu est de taille : si la Cour donne raison à Ver, cela pourrait faire jurisprudence pour de nombreux cas similaires à travers l’Europe, dans un secteur encore peu régulé et en pleine expansion.

Roger Ver, de prophète du Bitcoin à fugitif fiscal ? Le verdict de Strasbourg dira bientôt si sa croisade contre l’extradition est celle d’un homme injustement poursuivi… ou d’un milliardaire rattrapé par la justice.

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