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Andalousie : les raisons de l’avènement de l’extrême droite en Espagne

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Écrit par Mathilde Dumur
Publié le 13 janvier 2019, mis à jour le 27 décembre 2019

C’est une première historique pour l’Andalousie et pour l’Espagne. La droite arrive au pouvoir de la région andalouse, et qui plus est soutenue par le parti d’extrême droite fraichement débarqué sur la scène politique, Vox. 

 

On n’avait jamais vu ça en Andalousie. Pendant 36 ans, la région la plus peuplée d’Espagne a été dirigée par le parti socialiste PSOE. Désormais, c’est une coalition entre deux partis de droite, soutenus par un parti d’extrême droite qui va prendre le pouvoir de ce bastion historique de la gauche.

A la suite des élections régionales en décembre dernier, le parti socialiste, au pouvoir de cette région depuis 36 ans a connu le pire résultat de son histoire. Sur les 109 places de la Chambre andalouse, il n’en obtient que 33. Il ne peut donc pas gouverner seul, mais ne peut pas former de coalition non plus avec les autres partis de gauche. Le parti socialiste perd donc pour la première fois ces élections régionales. Le parti libéral Ciudadanos (centre droit, allié de LREM pour les Européennes) obtient quant à lui 21 sièges, et le PP (Parti populaire, droite conservatrice) 26. Si chacun de leur côté, C’s et PP ne pouvaient pas gagner la majorité, une coalition entre les deux partis permet de comptabiliser 47 députés. Et c’est là que Vox, parti à la droite de la droite traditionnelle, assumant un certain héritage idéologique droit venu de la Phalange et encore peu connu sur la scène politique, entre en jeu.


Les raisons de l’avènement de Vox

 

Jusqu’alors, l’Espagne ne connaissait pas de parti d’extrême droite fort. Considéré comme un "petit parti", issu d’une scission du PP, Vox crée la surprise générale en remportant 12 sièges aux élections régionales andalouses. Connu pour ses prises de positions extrêmement critiques sur le féminisme, la famille, sa volonté de construction d’un "mur infranchissable" autour de Ceuta et Melilla, ou encore l’exclusion de l’IVG de la santé publique, Vox semble surfer sur la vague de populisme qui traverse l’Occident et augmenter en popularité. Mais comment ce parti a-t-il réussi à obtenir 400.000 votes dans une région historiquement à gauche ? Le contexte actuel, fait de l’augmentation de l’immigration clandestine et le réveil d’un sentiment nationaliste, un an après la tentative d’indépendance de la Catalogne, favorise le parti mené par Santiago Abascal. Vox est formellement opposé à la sécession, prônant la défense de l’unité de l’Espagne et souhaite l’expulsion des immigrés illégaux. En outre l’Espagne connaît depuis plusieurs années une véritable érosion du bipartisme, avec notamment l’arrivée sur la scène politique de Podemos et de C’s. L’Andalousie, avec 36 ans de monologue socialiste, constitue le paradigme de la "vieille politique", que les électeurs semblent de plus en plus disposés à rejeter. A cet égard le résultat des urnes montre un véritable éparpillement des votes entre 4 ou 5 partis et explique aussi comment la région peut basculer à droite et renforce le rôle des formations.


Un accord avec le PP à la présidence du gouvernement, et C’s à la vice-présidence

 

Toujours est-il que les voix de Vox permettent de faire pencher la balance du côté du PP et de C’s pour remporter la présidence du gouvernement. Les accepter, c’est faire basculer la région à Droite, mais aussi ouvrir la porte à une idéologie qui réveille certains fantômes du passé. Mercredi 9 janvier, le parti populaire a tout d’abord signé un accord avec Ciudadanos. Cet accord porte sur la structure et l’investiture du futur gouvernement. Il complète un autre accord signé à Noël, qui comprend 90 mesures gouvernementales. L’accord du 9 janvier promeut Juanma Moreno Bonilla (PP) en tant que président du gouvernement, et Juan Marín (C’s) en vice-président. Après négociations, un second accord a été signé, cette fois entre le parti populaire, Ciudadanos et Vox. La discussion n’a pas été simple entre le PP et Vox, dont les idées étaient qualifiées par le parti populaire "d’absurdités inacceptables", comme l’abolition de la loi contre les violences machistes qui "favorise les fausses plaintes de femmes sans scrupule" d’après le parti d’extrême droite. Mais qui dit soutien, dit concessions. Vox a présenté 37 mesures, toutes approuvées par le PP et C’s. Parmi celles-ci, 18 étaient déjà incluses dans l’accord PP-C’s, et 19 sont nouvelles, à l’instar de la création d’un Conseil de la famille, le soutien de la tauromachie et de la chasse, ou encore la promotion de la Semaine Sainte. 

 

 


Investissure mardi 15 et mercredi 16 janvier

 

Ces accords permettent au président du PP Juanma Moreno d’être assuré de la majorité des voix au parlement andalou. L’investiture se fera mardi 15 et mercredi 16 janvier. Moreno sera le premier président PP en 36 ans, avec un gouvernement composé de onze conseillers.

 

Malaise en France

 

En France, les manœuvres politiques ayant cours en Andalousie ont suscité un certain malaise au sein du parti de Macron. Ciudadanos devait être l’allié de LREM aux prochaines élections européennes. L’accord passé avec l’extrême droite va contre le positionnement de La République En Marche, qui en France conmme en Europe, entend jouer le rôle de garde-fou contre les dérives nationalistes. Malgré les mises en gardes issues du Gouvernement, Ciudadanos est désormais lié à Vox. Cette position embarrasse aussi un autre responsable politique : Manuel Valls, qui a le soutien de C’s pour sa candidature à la mairie de Barcelone. L’Ex Premier ministre français a préféré nuancer sa position, rappelant dans un communiqué qu’il est "un candidat indépendant". […] Et que pour cela il ne négocierait "jamais directement ou indirectement l'investiture ou un pacte de gouvernement avec des formations séparatistes, suprématistes ou populistes, ni d'extrême droite ni d'extrême gauche". 

Finalement Vox pose la question de l’équilibre politique en Espagne. Et 2019 est une année d’élections, avec les municipales, régionales, européennes et de possibles élections législatives anticipées. Les sondages nationaux lui prédisent des résultats conséquents, chamboulant le paysage politique traditionnel espagnol. La formule andalouse peut-elle être copiée dans d’autres régions ? L’avenir le dira.