Le 23 juillet dernier, les élections générales n'ont pas permis de donner une majorité claire, ce qui génère depuis 4 mois un panorama confus où la seule certitude est l'échéance. Si le 27 novembre, Pedro Sanchez n'est pas investi, de nouvelles élections auront lieu le 14 janvier 2024.
Il n'y a toujours pas de gouvernement en Espagne, hormis bien sûr le gouvernement en interim depuis 4 mois. Les résultats des élections du 23 juillet dernier ont en effet reflété une Espagne bloquée, qui dépend plus que jamais du vote des indépendantistes. Suite à ces élections, s'ouvraient alors trois scénarios possibles en fonction d'un calendrier pavé de négociations pour former un nouveau gouvernement.
1. Alberto Núñez Feijóo tente en vain de former un gouvernement
Le PP a été le parti le plus voté, avec une forte augmentation puisqu'il était passé de 89 à 136 députés. Une victoire personnelle pour Feijoo, mais qui n'a pas suffi. Il s'est même retrouvé comme le grand perdant de ces élections. Lors de son investiture le 27 septembre dernier, il n'a pas obtenu les appuis nécessaires – il lui manquait 4 députés- pour arriver à la majorité des 176 voix (137 voix du PP, 33 de Vox, 1 de UPN et 1 de Coalicion Canaria) pour être investi président du gouvernement.
Puigdemont ne craint pas un retour aux urnes qui pourrait encore renforcer sa position.
2. Pedro Sánchez cherche à son tour les appuis pour redevenir président du gouvernement
Le suivant sur la liste était Pedro Sanchez, puisque son parti est arrivé en 2e position aux élections, avec 122 voix. Mais Sánchez a besoin du soutien non seulement de Sumar, parti actuellement en coalition avec le PSOE au gouvernement, mais aussi et surtout des partis nationalistes et indépendantistes de Catalogne et du Pays basque, tels que PNV, EH Bildu et Esquerra Republicana, qui lui ont déjà apporté leur soutien après les élections générales de novembre 2019.
Le message des indépendantistes catalans est limpide: Leur vote a un prix, l'amnistie, suivie d'un référendum pour l'indépendance de la Catalogne
Carles Puigdemont pourrait tirer profit de nouvelles élections
Cependant, le gros problème pour Pedro Sanchez est qu'il a aussi besoin des 7 députés du parti JuntsxCatalunya, dirigé dans l'ombre par Carles Puigdemont, qui déclarait déjà pendant la campagne qu'il exigerait un référendum sur l'indépendance de la Catalogne. Et ce que l'on ne peut pas lui reprocher, c'est qu'il dit clairement les choses et ne change pas d'avis. Depuis le résultat des élections qui lui donne la clé de l'investiture de Sanchez, les indépendantistes catalans ont laissé un message limpide, crié haut et fort. Leur vote a un prix: l'amnistie, suivie d'un référendum pour l'indépendance de la Catalogne, comme l'a d'ailleurs déclaré la semaine dernière au Senat Pere Aragonés, le président de la Generalitat de Catalunya: "L'amnistie n'est pas un point final", mais "le point de départ d'un chemin qui a une fin: que les citoyens de Catalogne votent, par référendum, sur leur avenir politique, qu'ils votent sur l'indépendance".
Or, Carles Puigdemont n'a aucune confiance en Pedro Sanchez qu'il accuse d'être un "menteur pathologique". La crainte de Junts est que Sánchez finisse par trahir leur accord d'investiture, une fois de retour à la Moncloa. Il y a tout juste un an, après l'annonce de la réforme du délit de sédition, Puigdemont avait affirmé de Sanchez que "c'est un maître dans l'art de la tromperie, mais nous connaissons déjà ses tours et nous devons prendre toutes les précautions". C'est une des raisons (en plus d'internationaliser "le conflit") pour lesquelles Puigdemont exige la présence d'un rapporteur international pour rendre compte de l'état des négociations sur l'autodétermination une fois Sánchez investi.
Carles Puigdemont n'a aucune confiance en Pedro Sanchez qu'il accuse d'être un "menteur pathologique".
Et Puigdemont ne craint pas un retour aux urnes qui pourrait encore renforcer sa position. En effet, si Junts va à de nouvelles élections après ne pas avoir investi Sánchez parce qu'il n'accédait pas à ses exigences maximales, Junts peut récupérer plusieurs centaines de milliers de voix des plus radicaux (la CUP n'a pas gagné un siège au 23-J) et même continuer à gratter à l'ERC des électeurs désenchantés par le "pactisme" des Républicains avec Sánchez. Junts a toujours accusé ERC d'aider le PSOE en échange de rien.
3. Répétition des élections
Les négociations avec les indépendantistes catalans, en particulier Junts de Carles Puigdemont, ne sont donc pas aussi fructueuses que le PSOE l'espérait au départ et sont en train de s'enliser. Pedro Sánchez a jusqu'au 27 novembre pour obtenir une majorité alternative (121 députés du PSOE, 31 de Sumar, 7 d'ERC, 7 de Junts, 6 de Bildu, 5 de PNV et 1 de BNG). Or, s'il n'obtient finalement pas le soutien nécessaire lors de l'investiture, les "Cortes" (la chambre des députés espagnole) seront dissoutes et de nouvelles élections auront lieu.
Quand auraient lieu les élections?
Si l'on applique les mécanismes de la loi électorale, (le premier vote pour l'investiture de Feijoo a eu lieu le 27 septembre et suite à cela, Sanchez a un délai de deux mois -27 novembre- pour être investi), après la dissolution de l'hémicycle, un décret royal serait publié le lendemain et les élections auraient lieu 47 jours plus tard, autrement dit le 14 janvier 2024.
Demain: Que signifie pour l'Espagne l'amnistie exigée par les indépendantistes catalans ?