Dominé par les vestiges d’un château millénaire et animé chaque printemps par une cavalcade héritée du Moyen Âge, Atienza, village reculé de Guadalajara, cultive avec fierté son identité : celle d’un lieu où l’histoire ne s’expose pas, elle se vit.


Perché sur les hauteurs de la Serranía de Guadalajara, Atienza incarne cette Espagne de l’intérieur que le tourisme de masse a longtemps oubliée. Avec ses 400 habitants, ses ruelles pavées et son imposant château médiéval, le village vient d’être désigné par National Geographic comme le plus beau à visiter en ce mois de juin 2025. Une reconnaissance bienvenue pour cette commune hors du temps, où se mêlent patrimoine, rites ancestraux et paysages naturels d’une beauté sobre et intacte.
Au sommet d’Atienza, un château et mille ans d’histoire
Sur son promontoire de roche nue, le château d’Atienza semble tenir tête au temps. De loin, sa silhouette solitaire impose le respect. Le Cid lui-même, dit-on, aurait renoncé à l’attaquer, jugeant la place trop bien défendue. Et pour cause : la forteresse a tout vu passer – Romains, Arabes, rois chrétiens – sans jamais vraiment plier.
C’est sous Alfonso VIII de Castille que le bourg connaîtra son heure de gloire. Entre le XIIe et le XIIIe siècle, Atienza est un petit monde en soi, ceinturé de murailles, animé par ses foires et ses marchés, porté par une vie religieuse intense – quatorze églises romanes, rien que ça.
Aujourd’hui, ce riche passé se lit dans les pierres des maisons seigneuriales, les arches des murailles, les places triangulaires et les églises romanes encore debout, comme celle de Santa María del Rey. Le Musée de San Bartolomé conserve d’ailleurs une remarquable collection d’art sacré.
Les 10 plus beaux villages médiévaux d'Espagne
La Caballada, mémoire d’un roi-enfant en Castille
À Atienza, l’histoire ne dort jamais tout à fait. Chaque dimanche de Pentecôte, le village tout entier remonte le fil d’une vieille épopée. On l’appelle la Caballada. Une fête populaire, oui, mais surtout un rite transmis depuis près de neuf siècles.
Printemps 1162. Alfonso VIII n’est encore qu’un enfant quand il hérite du trône de Castille. Son oncle, le roi de León, le veut à sa merci. Mais une poignée de muletiers de la région, plus loyaux que les courtisans, le cache, le déguise, l’escorte à cheval jusqu’à Ávila puis Segovia. Sept jours d’évasion, sept jours de survie…
Aujourd’hui, l’histoire se rejoue dans une mise en scène austère et symbolique. Capes noires, cavalcade solennelle, tambours et dulzainas : le folklore flirte avec le sacré. On mise du blé pour porter la Vierge, on danse devant l’ermitage. C’est tout un village qui, l’espace d’un week-end, devient théâtre.
Nature préservée et gastronomie de terroir
À quelques pas des ruelles pavées, la nature reprend ses droits. Collines, silence, chants d’oiseaux, forêts à perte de vue… Atienza est le seuil du parc naturel du Hayedo de Tejera Negra, l’un des derniers grands refuges de hêtres du sud de l’Europe.
Et après l’effort, la table. Dans les auberges du village, la Castille se raconte à coups de plats rustiques et généreux. Le cabrito asado y dore lentement dans les fours à bois, les migas crépitent dans la graisse du chorizo, la soupe à l’ail réchauffe les soirées fraîches. Les ragoûts de gibier — chevreuil, sanglier — rappellent que l’hiver n’est jamais bien loin. Chez Casa Encarna, au Palacio ou au Mirador, on sert sans fioritures, mais avec ce goût sûr de l’authentique.
À Atienza, on ne vient pas chercher l’effervescence, mais le calme d’un passé qui refuse de s’effacer. Le plus beau village de juin ? Peut-être. Un rappel, surtout, que certains lieux n’ont pas besoin de changer pour continuer à exister.
Comment s’y rendre ?
Atienza est accessible en voiture depuis Madrid (2h), Guadalajara (1h15) ou Soria (1h). Des lignes de bus (ALSA) relient également Madrid au village, avec un arrêt à trois kilomètres du centre, au croisement de Cantaperdiz. Des navettes locales permettent ensuite de rejoindre le centre historique.
Sur le même sujet
