Édition internationale

Olivier Cadic : “Il y a une vraie inquiétude chez les Français aux États-Unis”

Fin août, le sénateur des Français de l’étranger Olivier Cadic a passé une semaine auprès de Français et d’entreprises tricolores à Las Vegas, Los Angeles, Orange County et San Diego. Sept mois après le choc du retour au pouvoir de Donald Trump, il constate un fort sentiment d’incertitude chez les expatriés.

Olivier Cadic ChaupainOlivier Cadic Chaupain
Le sénateur des Français de l'étranger a rencontré la communauté francophone du Comté d'Orange, chez Chaupain Bakery, le 27 août. © Agnès Chareton
Écrit par Agnès Chareton
Publié le 15 septembre 2025, mis à jour le 16 septembre 2025

Ce mercredi 27 août, la boulangerie Chaupain de Laguna Niguel, dans le comté d’Orange, accueille un invité un peu particulier. Attablés devant une quiche ou un pain au chocolat, une vingtaine de Français sont venus écouter attentivement Olivier Cadic, sénateur centriste des Français de l’étranger, et lui faire part de leurs interrogations, alors que depuis sept mois, le retour au pouvoir de Donald Trump fait peser son lot d’incertitudes sur leur quotidien. Les questions fusent. Quid de l’augmentation des tarifs des colis de la Poste vers les États-Unis ? Combien de temps faudra-t-il pour lever l’incertitude face à la nouvelle politique douanière de l’administration Trump ? Que faire en cas d’arrestation par l’ICE, la police de l’immigration, qui sème la terreur dans la région ?

En matière de crises internationales, Olivier Cadic, spécialiste des questions de cybersécurité et de défense, s’y connaît. Il s’agit de son 15ᵉ déplacement aux États-Unis, sur 603 déplacements dans 115 pays depuis qu’il a été élu sénateur des Français de l’étranger, en 2014. Lui qui a posé ses valises au Royaume-Uni en 1996 - pour y établir son entreprise d’électronique avant de fonder Cinebook, sa société d’édition de bandes dessinées - a ainsi vécu de plein fouet le Brexit et ses conséquences délétères outre-Manche. Mais aujourd’hui, impossible, selon lui, de prévoir l’issue du scénario à rebondissements qui s’écrit aux États-Unis. D’où l’importance de venir prendre le pouls du pays. 

 

Prendre le pouls du pays dans cette période de bouleversements

 

C’est Sylvie Almeri, directrice de la FACC Southern California, qui a organisé son marathon d’une semaine entre Las Vegas, Los Angeles, Orange County et San Diego, du 24 au 29 août, aux côtés de Dimitri Demianenko, Consul adjoint de Los Angeles. Au programme : visite de start-ups (Noovolife), d’un restaurant (Mon ami Gabi), de grandes entreprises tricolores qui excellent dans des domaines de pointe (Vicat, Motul, Safran Cabin, Thales, Balt, Safran Power Unit, Colas Rail…), d’écoles franco-américaines (l’occasion de faire le point sur la rentrée sept mois après les incendies de Los Angeles qui ont impacté l'International School of Los Angeles et l’Alliance française de Pasadena)... Son objectif : “écouter et comprendre” les expatriés français.

Ses discussions avec les acteurs économiques locaux ont mis en évidence l’incertitude qui pèse sur la compétitivité en raison des nouvelles barrières tarifaires instaurées par Donald Trump. "Motul ambitionne de croître sur le continent américain et notamment aux USA, avec des investissements prévus et davantage de production locale pour mieux servir nos clients. Nous, comme nos clients, sommes attentifs à l'évolution du contexte, mais cela ne change pas notre stratégie à long-terme" confie Stéphane Bringues, CEO de MotulTech, à Cypress, dans le comté d'Orange. Spécialiste des lubrifiants innovants pour l'automobile, les deux-roues, la compétition et l'industrie, le groupe français est présent dans 160 pays.


 

Des indicateurs de croissance record

 

Certaines entreprises affichent des indicateurs de croissance record. C’est le cas du site de Safran Cabin de Garden Grove, qui emploie environ 450 personnes tout près de là. Concentrés à leurs postes de travail dans l’immense atelier, des ouvriers y réparent “tout ce que vous voyez à l’intérieur de la cabine d’un avion à l’exception des sièges” détaille Sammy Yassine, directeur des réparations. Coffres à bagages, toilettes, machines à café, fours… Le site expédie des centaines de commandes par jour à des dizaines de clients à travers le pays et dans le monde entier, affichant une forte croissance sur les dernières années, dans un contexte dynamique pour l’aéronautique.

“Ce qui est très intéressant, c’est de voir que toutes les entreprises réagissent de façon différente parce qu’elles sont dans un contexte différent, que ce soit dans l’aéronautique, le BTP, le service aux clients comme l'hôtellerie-restauration ou les produits médicaux, observe Olivier Cadic. Certaines sont très embêtées par les tarifs douaniers, et d’autres au contraire, peuvent éventuellement être avantagées. Ce qui est intéressant, c’est de voir leur résilience. Elles sont sur des marchés tellement compliqués et compétitifs qu'elles ont l’habitude de s’adapter.”

 

“Avant, les États-Unis, c’était une terre de confiance”

 

Pour les familles françaises expatriées, en revanche, difficile d’échapper à ce climat anxiogène. “Pour la première fois, certains hésitent à repartir en France pour passer les vacances parce qu’ils ne savent pas comment ça va se passer quand ils vont revenir, note le sénateur. On est dans une zone grise, où les gens ne savent pas tout à fait comment ça va fonctionner. C’est un sentiment nouveau. Avant, les États-Unis, c’était une terre de confiance. Aujourd’hui, certaines personnes commencent à ne pas vouloir parler. Et cela démontre qu’il y a une vraie inquiétude “ constate Olivier Cadic, frappé de voir le même malaise chez des Américains. 

Lui qui alerte sur le risque “d’effondrement” des démocraties, “minées de l’intérieur”, des deux côtés de l’Atlantique, dresse un parallèle avec le Brexit, entré en vigueur en 2020. “Au Royaume-Uni on était chez nous, il n’y avait aucune différence entre les Britanniques et nous. Et un jour, tout a changé. Des gens qui s’étaient établis ne savaient pas s’ils pourraient rester dans le pays, ni comment ça allait se passer. Certains sont repartis, ont préféré ne pas rester dans un endroit où c’était incertain, où c’était anxiogène ” se souvient-il.

Il en faudrait plus, cependant, pour entamer son optimisme et sa détermination. “Tenez, c’est pour vous” nous dit-il au moment de se quitter, en sortant de sa sacoche noire la BD The Dalton escape, de Morris et René Goscinny, traduit en anglais par sa compagnie d’édition. D’une rive à l’autre de l’Atlantique, la culture et l’humour sont ses antidotes au repli.



 

Agnès Chareton à Orange County, avec Emmanuelle Franks à Pasadena

 

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