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GASTRONOMIE - Hélène Darroze : "Un destin auquel il est difficile d'échapper"

Écrit par Lepetitjournal Londres
Publié le 29 mars 2012, mis à jour le 5 janvier 2018

Lepetitjournal.com part à la rencontre des grands chefs cuisinier français de Londres. Après avoir obtenu deux étoiles au Guide Michelin pour son restaurant gastronomique traditionnel landais de Saint-Germain-des-Prés, Hélène Darroze a également pris les commandes des cuisines du restaurant de The Connaught, l'hôtel 5 étoiles du quartier de Mayfair. Deux nouvelles étoiles au Guide Michelin plus tard, elle se confie à Lepetitjournal.com

 

(Crédit: Simon Gleize)

Lepetitjournal.com - Comment s'est déroulée votre arrivée au Connaught à Londres ?

Hélène Darroze - Tout s'est très bien passé. L'établissement à réouvert le 6 avril il y a quatre ans et je suis arrivée six mois après. Cela s'est fait très naturellement. Il y avait une équipe en place qui a essayé de nous suivre quelques temps mais on arrivait avec une nouvelle culture, une autre philosophie et ils ont préféré partir. On a donc dû recruter pour construire une nouvelle équipe qui aujourd'hui est bien stable.

Quelle est la différence entre votre cuisine ici, à Londres, et celle dans votre restaurant à Paris ?


L'esprit est vraiment le même. Je fais une cuisine que j'aime. Que je sois à Londres ou à Paris, j'aime la même chose. Je fais donc une cuisine qui est très semblable dans tout ce qui est création, inspiration, valeurs, etc. Maintenant, il y a des interprètes qui sont différents à Paris et à Londres. Il est donc certain que l'on peut voir quelques différences, notamment dans l'utilisation des produits du terroir, mais l'esprit reste le même.

Vous n'avez donc pas changé votre cuisine pour vous adapter à l'Angleterre ?

Non pas du tout. C'est justement ce que l'on m'a demandé de ne pas faire. On m'a surtout dit : "Reste toi même et fais quelque chose de très personnel". C'était d'ailleurs aussi ma condition pour venir ici. Je voulais pouvoir rester moi-même.

Ressentez-vous le fait que les Britanniques aiment de plus en plus la gastronomie ?

Tout à fait. On a une clientèle de connaisseurs qui apprécient la cuisine. C'est vrai aussi que l'on a un public très international de part le fait qu'on est dans un hôtel et puis aussi un peu grâce à ma réputation. Mais les Britanniques que nous avons adorent la gastronomie. Quand on me dit en France que les Anglais ne savent pas manger et bien c'est quelque chose qui n'est plus du tout d'actualité.


Vous êtes en permanence entre Paris et Londres. Comment vous organisez-vous ?

En général, je passe une semaine dans un endroit puis la semaine d'après dans l'autre. Tous les vendredi, on voyage dans un sens ou dans l'autre. On a deux maisons, on parle deux langues?On a tout en double, même deux brosses à dents. On voyage avec le minimum. Je transporte simplement mon 'laptop' et le doudou de mes filles. On voyage très léger pour que ce soit facile et réalisable. Avec deux petites filles en bas âge et dans la mesure où j'étais d'accord pour partager mon temps entre Paris et Londres, il fallait nous faciliter la vie.

Comment ça se passe en cuisine pendant votre absence ?


Exactement de la même manière que quand je suis là. Que ce soit à Paris ou à Londres, tout est organisé pour qu'il n'y ait pas de différence. Quand je suis là, c'est surtout de l'observation, de la formation, de l'inspiration. À Paris comme à Londres, le rouage quotidien fonctionne que je sois là ou pas.

Un restaurant à Paris, un autre à Londres?Envisagez vous une ouverture dans un autre pays ? Un nouveau défi ?

C'est même d'actualité puisque nous ouvrons à Moscou au mois d'octobre. Ça ne se fera pas du tout dans les mêmes conditions qu'à Londres. J'y serai beaucoup moins souvent mais Moscou est une ville où il y a beaucoup de choses qui se passent. Pas trop au niveau de la gastronomie française puisque peu ont réussi? pour ainsi dire personne. C'est un nouveau défi à relever. C'est certain qu'il va falloir être sérieux et s'accrocher. Une fois de plus, je vais continuer à être moi même en étant là bas. J'ai toujours pensé que la franchise, la sincérité et l'authenticité fonctionnaient donc je me dis qu'il n'y a pas de raison pour que ça ne continue pas.

D'où vous est venu ce goût pour la cuisine ?


Je suis née dedans. Je suis la quatrième génération d'une famille de cuisinier. Même si j'ai eu le choix, c'est sans doute à la fois génétique, passionnel et aussi sans doute parce que je suis née dans une région de France où l'art de vivre, l'art de recevoir, l'art de bien manger sont très important. Quand on mélange tout cela, ça donne un destin auquel il est difficile d'échapper.

Votre cuisine ressemble-t-elle encore à celle de vos parents ou de vos grand-parents ?

Dans les valeurs oui. Dans la forme, plus du tout. Combien de fois mon père me dit "Oh là là ton grand-père doit se retourner dans sa tombe quand il voit ça". C'est très différent mais les valeurs sont toujours là. La valeur du produit, la valeur de l'émotion, de l'authenticité, ça reste la même chose. C'est ce qu'ils m'ont appris et qui reste.

Vous avez débuté chez Alain Ducasse. C'est lui qui vous a incité à devenir chef ?

Quand je suis arrivée chez lui, j'ai commencé dans les cuisines mais je passais quand même la majorité de mon temps dans les bureaux. Je n'avais pas fait l'école hôtelière donc c'était très difficile pour moi de me dire que je pouvais passer derrière le piano. C'est lui qui m'a dit de ne pas hésiter parce qu'il a bien vu mon intérêt, ma passion pour ce métier.

Qu'avez-vous retenu de votre passage chez lui ?

Il avait la même philosophie que ma famille. Il venait lui aussi du sud-ouest. Il avait même mon grand-père comme référence quand il était jeune. Il avait exactement la même philosophie de la cuisine que celle que j'avais vu autour de moi depuis toujours. Il travaillait aussi les mêmes produits du sud-ouest. J'ai aussi vraiment découvert la cuisine italienne parce qu'il avait un 'bras droit' italien qui m'a beaucoup appris. Là encore, la philosophie restait la même. Même si c'est quelque chose que j'avais toujours connu dans ma famille, Alain Ducasse m'a aussi enseigné la rigueur, la rigueur et encore la rigueur. Mais aussi le fait de toujours se remettre en question, de savoir que jamais rien n'est acquis et toujours rechercher la qualité maximale. On ne l'atteint jamais.

Pensez-vous que vous faites votre métier différemment du fait que vous êtes une femme ?


Oui bien sûr. On fait un métier qui est lié à l'émotion, à la sensibilité et celle d'une femme est différente de celle d'un homme. Sur cela, il n'y a pas photo. Donc effectivement, ça change. Dans ce que l'on retrouve dans l'assiette, dans l'ambiance qu'il y a dans une cuisine mais aussi dans celle du restaurant.

Vous avez reçu l'ordre du mérite et allez bientôt recevoir la légion d'honneur. Est-ce une fierté ?

Ça ne change pas grand chose si ce n'est que je suis heureuse que soit reconnu le fait que je défende les couleurs de la France à l'étranger. Mais la fierté est un sentiment que je n'aime pas beaucoup donc je suis contente, tout simplement. Notamment pour mes parents parce que pour eux c'est vraiment important. Ils sont très heureux. Il est aussi certain que quand on est une femme dans un milieu d'hommes comme celui-là on se fait un peu plus remarquer. Après, il faut en être à la hauteur.    

Propos recueillis par Simon Gleize (www.lepetitjournal.com/londres) jeudi 29 mars 2012

The Connaught
Carlos Place
Mayfair
London. W1K 2AL
United Kingdom
T: +44 (0)20 7499 7070

http://www.the-connaught.co.uk/

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Publié le 29 mars 2012, mis à jour le 5 janvier 2018