

Elle a le nez bouché et ses enfants qui ne veulent pas aller faire la sieste, mais elle sourit. La positive attitude incarnée. Dans sa maison à la limite entre Harborne et Bearwood, Marie profite en général du début d'après-midi pour s'adonner à sa passion : la cuisine. C'est donc tout en façonnant des quenelles pour le dîner de son mari et de ses deux petits garçons que la jeune femme me parle avec bonheur de sa vie dans les Middlands
I love Birmingham
Comme dans beaucoup de couples, c'est l'homme qui fait bouillir la marmite. En 2010, son mari reçoit une proposition pour quitter la France. La jeune maman donne son accord. "Nous avions le choix entre l'Inde et l'Angleterre, et j'avais peur de l'Asie à cause de mon aîné âgé d'un an à l'époque. On a donc opté pour la Grande-Bretagne. Je ne connaissais pas du tout le pays, je n'y étais allée qu'une fois, pour le traditionnel voyage de classe à Londres au collège?"
Le couple prépare l'expatriation en y faisant un week-end de repérage au printemps. "Mon chéri avait sans doute commandé le soleil, il faisait un temps magnifique. J'ai tout de suite aimé la ville : il y avait de grands espaces verts et tout était super bien desservi. Nous sommes arrivés en avion, l'aéroport est tout près du centre ville, avec six vols par jour depuis Paris... impeccable."
Cerise sur le gâteau, le couple déniche une maison bien anglaise avec un petit jardin. "Quand on sort d'un appart' de 70 m2 dans la région parisienne, c'est canon. Surtout avec un enfant. La preuve : on n'a pas bougé depuis !" Coup d'?il par la fenêtre, on aperçoit dans un coin de la pelouse un bac en plastique avec des épluchures de carottes. "Tu vois je fais même mon compost, le week-end on va le mettre dans notre ?allotment', une petite parcelle louée dans un jardin potager communautaire. Je cuisine avec mes propres légumes. Du bio en fait."
Bye Bye la diététique
En quittant la France, Marie abandonne son métier. "C'était le troisième cabinet de diététique que j'avais monté. Je ne pensais pas forcément arrêter mais je me suis rendue compte que mon diplôme de diététicienne n'était pas reconnu en Angleterre." Et puis elle est tombée enceinte. "Alors je me suis dit ?profite un peu de ton aîné, tu ne l'as pas vu grandir'. C'est vrai, je l'avais laissé à 3 mois à temps complet en garderie. Là, on a fait tous les ?play and stay' (NDLR : Activités parents-enfants organisées dans les centres sociaux et religieux en Angleterre) de la ville ensemble. C'était super."
"Evidemment j'ai eu des coups de blues? Le boulot ce n'est pas grave, mais mes proches me manquaient un peu. La première année, je suis rentrée souvent en France, surtout que mon petit garçon ne payait pas encore l'avion, et qu'il y avait des vols directs pour Lyon? L'année suivante, j'ai réalisé avec mon mari que notre vie était ici, maintenant je ne reviens que deux fois par an, c'est suffisant !"
On a tout essayé
Le couple est d'une nature très sociale et ouvert. Rapidement, il se fait des amis, des Français et des Anglais. "Avec le quartier et les ?play and stay', nous rencontrons des Britanniques. Pour les compatriotes, je contacte tout ce que je trouve. Je vais à la Ronde des Bout de chou (NDLR le ?play and stay' français du samedi matin à la petite école francophone Farandole). Je vais aussi à la rentrée de l'Association des Français de Birmingham. Ils font énormément de trucs. Les randos, je ne peux pas les suivre avec ma poussette mais sinon je vais aux rencontres entre Français. En fait, je me suis baladée un peu partout, on a eu des affinités avec différentes personnes, et aujourd'hui on a un bon cercle de potes."
Marie, toujours avec sa volonté de fer, prend aussi des cours d'anglais. Elle dépose alors son fils deux après-midi par semaine à la crèche. "Un jour dans la salle d'attente de la ?nursery', j'entends un monsieur parler anglais, je repère tout de suite qu'il est français. Je l'aborde, et lui et sa femme anglaise sont devenus nos meilleurs amis. Ils ont déménagé à Manchester mais on ?keep in touch' !"
La deuxième année, ils profitent de leurs retours plus rares en France pour découvrir leur pays d'accueil. "On adore, on tombe amoureux de l'Angleterre en fait." Pour elle, il n'y a que deux points noirs. Le temps évidemment. "Je croyais ne jamais avoir autant de neige que celle que nous avons eu pour notre premier hiver... quand je vois celui que nous vivons actuellement !" Et puis le système médical. "Tu vas chez ton généraliste, il te dit ?c'est rien, juste un virus' . Tu rentres toujours chez toi sans médicament? T'as envie de crier ?je suis infectée dans tous les sens, on ne peut pas mettre un petit coup d'antibio là ?"
Master chef
"Au bout de 8 ans de diététique, on ne peut pas dire que j'avais fait le tour de la question parce que c'est un métier qui évolue très vite mais j'avais besoin d'une pause pour savoir ce que je voulais vraiment faire de ma vie. Si j'étais restée en France je n'aurais pas eu le temps de me remettre en question. Là, je sais ce que je veux. Me consacrer à ma passion : la cuisine."
Pour exploiter le filon tout en faisant ce qu'elle aime, la jeune femme travaille sur un nouveau défi : organiser des cours de cuisine française à Birmingham. "Ils seront bilingues pour que tout le monde puisse y participer. D'abord, les Anglais parce qu'ils aiment la cuisine française, mais aussi les Français, pour qu'ils retrouvent un peu de chez eux."
Marie a commencé son étude de marché par ses proches. "Le but c'est que les cours aient lieu le samedi pour que les mamans puissent venir tout en laissant les enfants à leur mari. Je fais partie d'un groupe sur Facebook qui s'appelle ?les nanas francophones'. On se réunit une fois par trimestre dans un resto. Dans le lot, il y a des filles qui vivent depuis une vingtaine d'années en Angleterre. Elles aimeraient bien retrouver les bases."
"Je ne me prétends pas être un grand chef cuisinier, mais je connais la popote familiale." Elle me promet ensuite "à partir de ça, on peut se débrouiller. En plus, ça ouvre plein de possibilités. La blanquette, le poulet basquaise, les quenelles? Je ferai aussi en fonction de la demande, je peux élever le niveau si besoin. Je compte faire des listes de recettes et chacun pourra monter son groupe pour un ou plusieurs cours. Une bande de copines peut se dire ?allez on apprend à faire des macarons' et c'est parti !"
Cuisiner en Angleterre
A la question du manque d'ingrédients, Marie soupire en souriant : "C'est une fausse idée que l'on ne trouve pas ce qu'il faut en Angleterre. Il n'y a aucun problème. J'avais peur en venant ici, on m'avait dit ?on ne trouve rien, ils mangent mal? ? Et en fait PAS DU TOUT, on trouve ce qu'on veut. Si on chipote, il y a toujours des petites choses qui manquent mais il y a aussi toujours quelque chose de bien pour remplacer."
La jeune femme s'est mise aussi à la cuisine anglaise. "Je découvre, c'est super ! Je ne connaissais pas du tout les ?pies' par exemple. Maintenant mon ?chiken meat pie' est grandiose. Je bosse beaucoup avec Internet et j'ai aussi deux bouquins en anglais. Un sur les cookies, et évidemment un sur les cupcake, j'adore ! Avec les enfants, c'est super, comme de la pâte à modeler."
Bouche à oreille
Marie et son amoureux se sentent bien plus Français qu'Anglais. "On suit une seule actualité, le 20h tous les soirs en ligne. Des enseignes comme Tesco vendent Le Figaro et les news magazines sont sur Internet. Je regarde parfois les journaux de la BBC, pour la météo ! Aux dernières élections françaises, nous avons voté bien sûr, on avait même des procurations. Les bureaux de vote étaient ici, c'était facile."
"En fait, il y a tout ce qui faut à Birmingham pour les Français. C'est juste un peu brouillon? Il faut chercher, fouiner sur internet, aller un peu au petit bonheur la chance. Ça prend des mois pour trouver des choses? Et les gens te disent après ?Quoi tu ne connaissais pas ?' Le bouche à oreille, c'est la règle ici."
Elle rend son tablier
A la fin de la sieste, les deux petits pointent le bout de leur nez pour le goûter. "Mon deuxième enfant ne parle pas encore mais l'aîné est bilingue à 3 ans. A la maison, on ne s'en rend pas bien compte mais quand nous sommes allés au Noël de la crèche et qu'on l'a vu discuter avec ses amis, son vocabulaire nous a vraiment impressionné."
Quand il voit la plaque du four avec les quenelles, le petit garçon se retourne vers sa mère en train de plier avec soin son tablier. "J'en ai toute une collection. A notre mariage, on a eu un discours où tout le monde en portait un, alors j'y tiens beaucoup." Debout sur une chaise pour atteindre le plan de travail, il demande alors : "la pâte à choux des quenelles Maman, c'est la même que celle qu'on a faite la semaine dernière pour les chouquettes ?" Il est né avec une petite louche en argent dans la bouche ce petit.
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Présentation de l'auteure : Oh rien de très original, j'ai suivi mon mari pour son travail. Après Sciences Po à Lille et un Mastère Médias à l'ESCP, j'ai travaillé à Public Sénat, LCI et France Bleu. En France, j'ai laissé mes piges, ma famille, mes amis? mais pas mon besoin d'interviews, de rencontres, de contacts avec les gens. Touchée et émue par mes compatriotes en manque de reconnaissance dans cette ville, j'ai décidé de les présenter pour les faire "un peu" exister. C'est ainsi qu'est né le projet "French in Brum" Retrouvez en intégralité mes entretiens sur le blog http://frenchinbrum.wordpress.com Pour quelques quelques photos insolites de la ville RDV aussi sur http://birmstreet.wordpress.com/ N'hésitez pas à me contacter, et bonne lecture à tous ! |

























