Édition internationale

SLUTWALK - Faire le trottoir sans être un objet sexuel

Écrit par Lepetitjournal Londres
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 14 novembre 2012

Plus de 5 000 sluts (traînées) ont défilé dans les rues de Londres samedi 11 juin dernier. Venant de tous horizons, elles ont volontairement choisi de se qualifier de femmes de petite vertu. A coups de slogans efficaces et de tenues provocatrices, elles sont venues faire passer leur message : la femme n'est pas un objet sexuel

(photos Elisabeth Blanchet)

? Un ?oui?, c'est un ?oui?, un ?non? c'est un ?non?. Où que j'aille, quoi que je mette, un ?oui? c'est un ?oui?, un ?non? c'est un ?non??, voici l'un des slogans phares des sluts tout au long de leur marche de Hyde Park Corner à Trafalgar Square samedi dernier. Devant l'?il étonné et parfois ébahi de touristes, des milliers de filles, de femmes, de mères et de grand-mères, ainsi que quelques spécimens de sexe masculin s'en sont donnés à c?ur joie pour revendiquer leur liberté de s'habiller comme il leur plaît. De corsets en sous-vêtements laissant dépasser des parties intimes de leurs corps à des tenues cuir et bondage, les manifestantes n'ont pas laissé les policiers qui encadraient la manif, ni la badauds indifférents.

Des propos déplacés d'un policier à un mouvement international

Et tel était le but. Les slutwalks sont volontairement provocatrices. Tout commence l'hiver dernier à Toronto quand un officier de police déclare à une classe lors d'une formation pour adultes : ?les femmes devraient éviter de s'habiller comme des sluts pour ne pas devenir des victimes d'agressions sexuelles?. De bouches à oreilles, le propos déplacé du policier fait vite le tour de la ville canadienne et dès que les bourgeons du printemps sont apparus, la première slutwalk a déboulé dans les rues de Toronto. Plus de 3 000 femmes de toutes origines sociales et de tous âges lancent alors un mouvement qui se répand à la vitesse d'un virus dans les grandes villes canadiennes. Très vite, il traverse l'Atlantique pour débarquer sur les côtes de la Grande-Bretagne. Il suffit alors de l'énergie de quelques sluts en colère pour propager le message et organiser des slutwalks dans les rues de Newcastle, Edimbourg, Cardiff et Glasgow, avant de s'emparer des rues de Londres.

Les sluts relance le débat du féminisme

?C'est l'emploi du mot slut dans un gros titre de journal qui m'a intriguée, explique Lizi Gray, 16 ans et organisatrice de la slutwalk de Newcastle, j'ai réalisé que nous étions toujours dans une culture perverse où on rend la victime du viol responsable et non le violeur?. Et au milieu des slogans ?It's a dress, not a yes? (C'est une robe, pas un oui), des bannières telles que ?survivante d'un viol? remettent les idées en place. Les associations de défense et de protection des femmes sont présentes à la slutwalk, et quand vient le moment de la prise de parole sur un podium installé sous la colonne de Nelson à Trafalgar Square, les tambours cessent et ce sont des victimes d'agressions sexuelles qui s'expriment. ?Nous sommes dans la continuité du féminisme des années 70. Notre message est que personne ne mérite d'être violé ou agressé sexuellement?, affirme Anastasia Richardson, 17 ans et organisatrice de la slutwalk londonienne. Mais chez les féministes de la génération des parents d'Anastasia et de Lizi, les avis sont partagés. Certaines, comme l'écrivain féministe Naomi Wolf, estiment qu'utiliser le mot slut et le tourner à la dérision permet de relancer le message de manière efficace. D'autres, telles que Marcelle d'Argy Smith, ancienne rédactrice en chef de Cosmopolitan UK, se demandent qui franchement aimerait se qualifie de slut ? ?Ce sont des filles en pleine crise hormonale. Je ne pense pas qu'elles sachent ce qu'elles font. Elles renvoient l'image de la femme plusieurs pas en arrière?, déclare-t-elle.

Une chose est sûre, les slutwalks ont le mérite de donner la parole aux victimes, de leur donner la possibilité de se sentir soutenues et de sortir de leur isolement et d'attirer l'attention sur le fait qu'en 2011, des représentants de l'ordre publique se permettent des propos si déplacés et des passages à l'acte ignobles comme un certain politicien français. Le slogan ?Nous sommes toutes des femmes de chambre maintenant? en référence à DSK était d'ailleurs l'une des bannières-phares de la slutwalk de samedi dernier.

Elisabeth Blanchet (www.lepetitjournal.com/londres) mercredi 15 juin 2011

Pour en savoir plus sur les slutwalks :  http://slutmeansspeakup.org.uk/

Slutwalk

Lire aussi notre article: DSK ? L'affaire vue par les médias britanniques

lepetitjournal.com londres
Publié le 15 juin 2011, mis à jour le 14 novembre 2012
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