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AMY WINEHOUSE - La surdouée de Camden

Écrit par Lepetitjournal Londres
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 14 novembre 2012

Amy Winehouse est décédée à l'âge "maudit" de 27 ans le 23 juillet dernier. Dotée d'un talent fou et d'une aversion pour la célébrité, la chanteuse quitte la scène trop tôt mais restera une des égéries du quartier londonien de Camden, dans la tradition trash, drugs and rock and roll. Hommage et diaporama d'une de nos journalistes

(Crédits : Elisabeth Blanchet)

C'est l'histoire d'une addict au talent fou qui ne voulait pas aller en rehab, d'une chanteuse de jazz - c'est ainsi qu'elle s'était présentée lors de sa première rencontre avec le patron du Hawley Arms, son pub local dans le quartier de Camden- qui en deux albums avait conquis le monde entier, mais c'est aussi l'histoire d'une fille frêle constamment traquée par des fans et des paparazzis qui ne lui laissaient jamais de répit.

La solitude et la tristesse des derniers jours

C'est tout simplement l'histoire d'une fille de Camden qui aimait la vie mais ne supportait pas la célébrité. Morte trop tôt, dans des circonstances qui restent encore mystérieuses, les dernières semaines de la diva soul sont solitaires. Les nuits trash d'antan laissent place à des fins d'après-midi en solo, à danser seule devant le juke-box d'un pub à moitié vide. Amy Winehouse sort encore, au grand jour, mais sans amis. Flanquée de deux gardes du corps elle hante les rues de Camden de sa démarche hésitante. "C'est comme si elle s'était coupée de son propre monde, elle n'allait plus vers les autres comme autrefois et personne n'osait plus l'approcher", souligne le journaliste Piers Hernu, un autre habitué du Hawley Arms. Ses derniers pas sur scène, titubants et éthyliques, à Belgrade en juin dernier, lui valent d'être huée par le public. Une dernière apparition surprise en juillet à la Roundhouse à Camden pour soutenir sa filleule et protégée Dionne Bromfield laisse tous ceux qui la voient mal à l'aise. Amy danse, toute seule comme perdue dans son propre monde, incapable de chanter quand sa filleule lui tend son micro. L'artiste n'est plus qu'un fantôme d'elle-même.

Retour en 2008

Pourtant, Camden, c'est sa scène, son terrain de jeux. C'est au sommet de sa gloire, en 2008, que je la croise en bas de chez moi. Trois paparazzis équipés jusqu'aux dents font le piquet à l'extérieur du bureau de tabac où elle est entrée. Quand j'interroge les photographes sur l'identité de la célébrité, ils me répondent "Amy" tous en ch?ur. "C'est juste un crackhead"*, ne peut s'empêcher de commenter le coiffeur d'à côté debout sur le pas de sa porte. Je le mitraille des yeux tandis que les paparazzis, eux, mitraillent Amy à coups de flashs. "Fuck off", leur hurle-t-elle à la figure d'une voix grave et rauque. Perchée sur ses hauts talons compensés, elle échappe tant bien que mal à l'assaut.

(Crédits : Elisabeth Blanchet)

Ses jambes nues font figure d'allumettes et contrastent avec sa volumineuse choucroute brune que des milliers d'adolescentes ont un jour essayé de copier, Amy Winehouse fait déjà partie, à 24 ans, des grands noms de Camden, de la dynastie des musiciens et des artistes qui ont fait de ce quartier de Londres un îlot en perpétuelle effervescence. Des frasques d'Arthur Rimbaud et de Paul Verlaine au 19ème siècle aux punks des années 70 en passant par les débuts de Madness en 1980, Camden rime avec excès et bouillonnement musical. Une tradition qui s'essouffle un peu dans les années 90 quand les quartiers branchés de Hoxton et Shoreditch commencent à prendre le dessus.

Puis un noyau dur de rockers de la tradition drogue, sexe et rock and roll, mené par le scandaleux Pete Doherty, reprend le chemin de la Northern Line et redonne à Camden le côté trash qui lui appartient. Devenue en deux albums une des chanteuses les plus talentueuses et connues dans le monde entier, Amy est au c?ur du mouvement. Oiseau de nuit, elle devient l'égérie du Hawley Arms. "Elle était incroyable, elle pouvait jouer devant 60 000 personnes et le lendemain venir boire des pintes, parler avec les gens, prendre une guitare, se mettre à chanter et laisser tout le monde sans voix", se souvient Dougie Charles-Ridler, le patron du Hawley Arms.

Camden, tragiquement

"Mais je n'ai jamais connu quelqu'un qui détestait autant la célébrité", poursuit Dougie. Et c'est surtout de ses addictions que la presse people se régale. Les images d'Amy perdue dans Camden le visage barbouillé de mascara et seulement vêtue d'un short et d'un soutien-gorge font le tour du monde. Et puis, il y a ce qu'on ne voit pas : les fins de nuit au crack quand les volets des pubs sont fermés, les excès que l'on devine et le gâchis que l'on imagine, la triste image de crackhead que le coiffeur de Kentish Town Road rappelle à chaque passant et client qui ose évoquer le nom de la chanteuse. "Je n'ai jamais vu quelqu'un attirer autant l'attention, raconte Liam Bailey, un musicien qui a fait quelques gigs avec Amy, les gens lui offraient à boire, lui disaient à quel point ils l'aimaient. Mais il y en avait d'autres aussi qui lui balançaient des trucs à la figure, qui l'insultaient. Et bien sûr cette pression des paparazzis. Elle était constamment traquée".

Mais ce n'est pas cette image de la chanteuse que l'on veut garder ni celle que l'on gardera. Amy Winehouse aura marqué les rues de sa démarche incertaine et les pubs de sa voix inoubliable. C'est sa présence et son talent extraordinaires qui resteront dans les c?urs. Alors que la plupart des hommages qui lui sont adressés devant chez elle, au 30 Camden Square, sont signés de l'épitaphe RIP (Rest in Peace), une partie de nous voudrait que le refrain de Rehab ne quitte jamais notre mémoire.

Elisabeth Blanchet (www.lepetitjournal.com/londres) mardi 9 août 2011

*accro au crack

La dernière apparition sur scène d'Amy, à la Roundhouse : http://www.youtube.com/watch?v=VwNItRBd5lw

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Publié le 10 août 2011, mis à jour le 14 novembre 2012
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