Le samedi 27 janvier, 20 villes du Portugal ont manifesté pour faire entendre la détresse économique des citoyens face à la crise du logement portugais. Lepetitjournal est parti à la rencontre de différents manifestants afin de recueillir des témoignages.
Une manifestation qui a eu lieu dans 20 villes du Portugal
Ce 27 février 2024, les rues des villes de tout le Portugal ont été investies par des manifestants venus exprimer leur mécontentement face à la gestion de la crise du logement. Cette manifestation était organisée suite à la convocation lancée par la plateforme Casa Para Viver, et a mobilisé des citoyens dans 20 villes du Portugal. Cette manifestation visait à lutter pour le droit au logement dans le pays, qui depuis peu, avec l'arrivée massive du tourisme et les visas dorés, fait face à une réelle crise du logement. Le marché de immobilier est complètement dérégulé. A quelques mois des élections législatives, les citoyens demandent des mesures concrètes. Plus de 100 associations ont rejoint la manifestation. Entre associations étudiantes écologistes, associations anti-fascistes ou encore anti-racistes, de multiples étendards étaient brandis dans la foule et tous visaient à dénoncer de concert la négligence du gouvernement face à la crise dont les citoyens subissent les conséquences au quotidien. Certains partis politiques ont également participé à la manifestation, comme le parti communiste portugais ( PCP), le bloc de gauche (BE), le PAN (Pessoas - Animais – Natureza) mais aussi l’initiative libérale (IL).
Le projet de loi Mais Habitação, la source principale du débat
Entrée en vigueur le 7 octobre dernier, le projet de loi Mais Habitação est entré en vigueur au Portugal. Cela s'est produit peu avant la démission du Premier Ministre António Costa suite à une affaire de corruption de proches qui l’avait éclaboussé. L’ex Premier Ministre entendait créer un ministère du logement, conscient des problématiques liées à la crise de l’habitation au Portugal avant que le projet ne soit remis en cause en raison de la dissolution du gouvernement. Ce projet de loi Mais Habitação vise à simplifier l’accès au logement pour les citoyens portugais par le biais de différentes mesures directes, et très concrètes telles que la limitation de l’augmentation du loyer pour les nouveaux contrats, l’augmentation de la déduction de l’IMI familial, la location forcée de logements vacants, la fin des avantages fiscaux au bénéfice de fonds d’investissement suite à la mise en place de projets de réhabilitation urbaine, l’actualisation des anciens revenus en fonction de l’inflation, ou encore une contribution extraordinaire sur le logement local (Alojamento Local) destiné à la location touristique. Selon les citoyens, les mesures ne sont pas suffisantes et profitent encore aux banques et aux acteurs immobiliers. Les citoyens pensent que le prochain gouvernement doit impérativement baisser et réguler les loyers et prolonger la durée des contrats, mettre fin aux expulsions et démolitions, revoir la révision immédiate de toutes les formes de licences pour la spéculation touristique, mettre fin au statut des résidents non habituels, accorder des incitations pour les nomades numériques, des exonérations fiscales pour l'immobilier de luxe et les fonds immobiliers, mettre immédiatement sur le marché les propriétés vacantes des grands propriétaires et accroître le parc de logements sociaux de l’État. L'augmentation du prix des loyers à hauteur de 7% a également suscité un ras-le-bol général qui a poussé les Portugais au rassemblement.
A Lisbonne, des milliers de manifestants dans les rues
La manifestation prévue à 15h le samedi 27 janvier a rassemblé des milliers de personnes qui se sont retrouvées à Alameda Dom Afonso Henriques pour manifester en direction de l'Arco da Rua Augusta. Les revendications étaient affichées par les manifestants. Parmi la foule nous pouvions entendre scander différents slogans tels que « Nous voulons des logements et du pain, droit au logement » ou encore « les loyers plus bas prolongent les contrats ».
Les manifestants témoignent
« J’ai vécu à Paris, et je dois dire que la situation était meilleure qu’ici. Certes les logements étaient chers, mais les salaires suivaient. Ici, nous faisons face à l’absurdité de la réalité du logement. J’ai pu récupérer l’appartement que j’occupais avant mon départ pour la France en 2012. Je paye 700 euros par mois, et je connais ma chance. Il m’arrive d’héberger des amis en situation précaire du fait de la crise du logement. Je manifeste par empathie, par soutien. En tant qu’architecte j’observe cette gentrification de masse transformer Lisbonne en ville resort, en ce sens que le parc immobilier est saturé mais il priorise encore les infrastructures touristiques et cela est inacceptable. » Joana, 34 ans, architecte franco-portugaise.
« Nous demandons l’application de l’article 65 de la Constitution Portugaise. Ce dernier stipule que tout citoyen doit être en mesure de se loger dignement. La spéculation autour du marché immobilier est devenue insoutenable. Cela profite à deux échelles: celle du pays mais aussi celle de l’Europe. Nous, citoyens, sommes oubliés dans cette histoire. Je suis directement impactée par cette situation. Il y a Plusieurs années de cela j’ai décidé de vivre dans un van avec ma compagne. Dans les configurations économiques et immobilières actuelles, si nous souhaitons retrouver une forme de sédentarité, nous n’en serons pas capables, même avec deux salaires. » Vasco, 46 ans, charpentier portugais.
« Nous manifestons par solidarité, mais aussi car nous sommes susceptibles d’être nous aussi touchés très prochainement. Il y a une insécurité grandissante au sujet du logement et le gouvernement ne peut pas fermer les yeux. Aujourd’hui, nous sommes locataires d’une maison que nous occupons depuis 20 ans. Avec la fin du contrat, et la spéculation grandissante, nous nous attendons à des hausses du loyer à hauteur de 40, 50 peut être même 60%! Cela n’est tout bonnement pas envisageable. Il est nécessaire de changer de politique, pas seulement en matière d’habitation, mais de revoir tout le plan social. » Susana, 58 ans, enseignante allemande et son mari Lonha, 66 ans, enseignant – chercheur allemand naturalisé portugais.
« Nous sommes absolument tous impactés. Les prix sont excessivement élevés en comparaison de nos salaires qui eux, sont gelés. Nous nous battons tous les jours pour pouvoir avoir un toit, mais une fois que le loyer est payé, nous ne vivons plus. » Joana, 26 ans, portugaise, travaille dans les Ressources Humaines.
« Je ne pense pas pouvoir m'offrir une maison lorsque j’aurais 30 ans si rien ne change. Aujourd’hui j’habite chez mes parents. Avec mes études, je n’ai absolument pas le temps de travailler. Il serait impensable de prendre mon indépendance aux vues du prix des loyers. Il est très difficile de se projeter, de penser au futur dans ces conditions. Notre organisation étudiante luttait initialement pour le climat. Mais nous croyons en la synergie des luttes. Nous soutenons donc évidemment cette lutte pour l’accès au logement puisqu’elle nous touche directement. » Clara, 18 ans, étudiante portugaise en art et multimédias.