La pollera, cette jupe traditionnelle colorée des Andes, est bien plus qu’un vêtement : elle incarne des siècles d’histoire, d’identité et de résistance culturelle.
Bien que beaucoup l’associent aux communautés autochtones, la pollera a vu le jour comme une imposition sous l’époque coloniale au XVIe siècle.
Le vice-roi Francisco de Toledo, influencé par la mode espagnole, établit des styles vestimentaires pour les populations indigènes, incluant cette jupe qui allait devenir un symbole. Depuis, la pollera a évolué pour refléter la diversité de la région andine, se distinguant dans chaque village et transmettant des informations sur la provenance et le statut social de celle qui la porte.
“Porter la pollera, c’est porter l’histoire de mes ancêtres. Quand je la mets, je ressens la fierté et la force des femmes qui m’ont précédée,” partage Maritza Ayala, une habitante de Cusco.
Pour beaucoup, la pollera n’est pas seulement un habit, mais aussi un lien avec les racines et un symbole de résistance culturelle.
L’origine de la pollera péruvienne
Bien que la pollera soit aujourd’hui un symbole d’identité andine, ses racines remontent à la Mésopotamie, vers 3000 av. J.-C. Cependant, elle arriva au Pérou dans le cadre des coutumes imposées par les colons espagnols, remplaçant les anacos, des tuniques traditionnelles portées par les femmes indigènes.
Ces tuniques, riches en signification, transmettaient des messages à travers leurs broderies, ce qui inquiétait les colons qui craignaient que ces symboles n’encouragent la résistance indigène. Pour affaiblir cette identité culturelle, ils imposèrent l’usage des polleras et incitèrent chaque région à adopter son propre style pour identifier rapidement l’origine de chaque personne.
Aujourd’hui, il existe au Pérou d’innombrables variétés de polleras, chacune avec ses propres caractéristiques en termes de matériaux, de formes et de détails décoratifs. Dans des localités comme Junín, Cuzco et Ayacucho, l’usage de broderies complexes est particulièrement répandu, Junín étant l’une des régions où cet art est le plus employé comme élément décoratif et distinctif.
“Dans notre village, la pollera est un art, une manière de montrer qui nous sommes et d’où nous venons,” explique Silvia Torres, artisan de Junín. “Chaque broderie raconte une histoire ; elle est le reflet de notre âme collective.”
L’andinophobie : discrimination et stigmatisation
Malgré son importance culturelle, la pollera a été victime de discrimination et de moqueries dans la société péruvienne. Dans certains contextes, ce vêtement a été utilisé pour caricaturer et rabaisser les femmes andines, perpétuant des stéréotypes négatifs.
Ce phénomène de rejet et de stigmatisation envers les populations quechua et aymara a été appelé « andinophobie ». Il s’agit d’un ensemble de représentations, de discours et de pratiques qui marginalisent et dévalorisent les communautés andines.
“Ce n’est pas seulement une jupe, c’est notre dignité, notre histoire. Nous la portons avec fierté, même si certains en font un sujet de moquerie,” affirme Rosa Quispe, activiste des droits des femmes andines. Cette déclaration met en évidence la façon dont la pollera devient aussi un symbole de lutte contre les préjugés raciaux.
La pollera est bien plus qu’un vêtement ; elle est une manifestation de l’identité et de la fierté culturelle. Bien que la société péruvienne ait progressé dans la valorisation de la diversité et la lutte contre le racisme, certaines attitudes persistent, portant atteinte à la dignité de celles qui portent ce vêtement.
“Je rêve d’un jour où chaque femme qui porte une pollera soit respectée et célébrée,” conclut Juanita Mamani, une enseignante d’Ayacucho.
La valorisation et le respect de la pollera en tant que symbole culturel sont des étapes essentielles pour bâtir une société qui célèbre la richesse et la diversité des cultures andines dans le Pérou d’aujourd’hui.