Le Grand Théâtre National inaugure ce soir la sixième édition du FAE Lima 2022 en mettant en scène “Presagio” de Luz Gutiérrez y Charlotte Giusti. Ce spectacle sera présenté les 2 et 3 mars à 20h.
Après une édition, celle de 2020, qui a été écourtée par le début de la pandémie de coronavirus, et une autre, celle de 2021, entièrement virtuelle, le Festival des Arts Vivants de Lima revient en présentiel pour 2022. Tout un défi : celui de réouvrir les portes des salles, d’inviter le public à revenir s'asseoir dans les gradins et de soutenir les artistes à montrer leur travail sur scène.
Retrouvez le programme complet à partir du lien suivant : https://www.faelima.com/
« Presagio », une œuvre centrée sur la thématique de la migration
Ce spectacle de danse contemporaine est une création des chorégraphes Luz Gutiérrez Privat et Charlotte Giusti. Ce travail commun est le fruit d’une résidence artistique qui a été rendue possible grâce au Ministère péruvien de la Culture et à l'Ambassade de France au Pérou, avec le soutien du « Patronato Pro Coro Nacional de Niños ».
A la tête d'une troupe de huit danseurs, la française Charlotte Giusti et sa collègue péruvienne Luz Gutiérrez ont créé un spectacle dont l'axe central est l'œuvre principale de l'écrivaine franco-péruvienne Flora Tristán : « Pèlerinages d'une paria » dans laquelle est interrogée la problématique de la migration. Une migration qui n'est pas seulement vue et analysée comme le transfert matériel ou physique d'un corps ; sinon comme le résultat d'un pèlerinage de l'être, interne et douloureux, de la personne qui perd ses racines et se prive de son identité dans une société de l'hypermodernité et du consumérisme.
« La migration relève de plusieurs couches, comme celle qui identifie les oiseaux, qui migrent de manière ordonnée pour des raisons environnementales. Et celle des êtres humains qui migrent pour trouver une stabilité économique ou émotionnelle », souligne Luz Gutiérrez. Dans ces thématiques sont inclus les concepts de l'anthropologue et ethnologue français Marc Augé qui parle du Lieu et du Non-Lieu. Le Lieu étant tout espace qui renferme votre identité, votre culture, vos aspects vitaux (maison, famille, lieu de travail) et le Non-Lieu, quelque chose de transitoire, où nous rencontrons des personnes avec qui nous n’avons aucun lien.
Toutes les personnes qui migrent ne sont pas motivées par les mêmes raisons. Certains fuient à cause des guerres, d'autres à cause d'événements climatiques ou de crises sociales et beaucoup pour trouver la stabilité économique. « Il y a des années, seuls les hommes pouvaient migrer pour retrouver plus tard leurs femmes et leurs enfants, un schéma qui se poursuit encore aujourd'hui. La migration des femmes, en tant qu'être individuel, ne s'est manifestée que dans les années 1980 et à partir d'une position privilégiée, les filles aisées ont généralement pris le risque du changement. Nous voulons définir quelles sont les principales migrations personnelles et collectives. Dans le montage, nous passons de temps en temps d'une migration individuelle à une migration de groupe », explique Charlotte Giusti.
La représentation commence dans une décharge entourée d'oiseaux, avec des enfants, des adultes et des êtres contaminés de diverses manières. « L'hyper-consommation est déjà en soi une maladie qui gangrène la société. Ce Non-Lieu que nous traversons quotidiennement intoxique notre corps », indiquent Luz et Charlotte, qui s'appuient sur le symbolisme et les projections audiovisuelles pour exposer les conséquences de tant de vices.
L'équipe répète six heures par jour et, tout en exprimant de la poésie dans chaque pas, chacun s’interroge et réfléchit sur la migration. « La résidence artistique est devenue une rencontre où se tissent différents langages, pensées et modes physiques d'expression des émotions. Nous nous posons des questions et cherchons des réponses poétiques en glissant sur la scène. Le monde bouge au rythme de la danse, il n'y a pas de danse prédominante, aucune n'est au-dessus de l'autre. Que ce soit dans le ballet classique, dans le folklore, la salsa, les rythmes urbains, africains et même la K-pop, chaque spécialité se développe avec la même essence », concluent-elles.
Luz Gutiérrez (Pérou) : Directrice et artiste scénique du collectif « La Trenza Danza ».
Charlotte Giusti (France) : Danseuse, chorégraphe et directrice de « Casa Darte ».