Si vous avez pour projet de vous expatrier avec votre conjoint(e), la question du régime matrimonial fait partie des points sur lesquels il sera indispensable de s’interroger. Une expatriation peut en effet avoir un impact important sur la situation juridique de votre couple. Le notaire Me Sébastien Collet nous éclaire sur le sujet.
Lepetitjournal.com : Quel sera le régime matrimonial par défaut d’un mariage établi en France sans contrat nidésignation de loi de la part des époux ?
Me Sébastien Collet : Pour déterminer la loi applicable par défaut au régime matrimonial d’époux français ou binationaux, il faut d’abord distinguer plusieurs cas :
- Les époux mariés avant le 1er septembre 1992,
- Les époux mariés entre septembre 1992 et le 29 janvier 2019,
- Les époux mariés après janvier 2019.
En ce qui concerne les époux qui se sont mariés avant le 1er septembre 1992, la loi applicable sera celle déterminée par le lieu de fixation de leur premier domicile commun.
Pour les mariages célébrés entre le 1er septembre 1992 et le 28 janvier 2019, c'est la Convention de La Haye du 14 mars 1978 (entrée en application en France en 1992), qui s'applique.
La Convention prévoit que les couples mariés après le 1er septembre 1992 (n’ayant pas fait de contrat de mariage, ni désigné de loi applicable), sont soumis aux dispositions du régime légal du pays dans lequel ils s'installent juste après leur mariage.
Enfin, pour les mariages établis à partir du 29 janvier 2019, c'est le règlement européen du 24 juin 2016 qui s'applique. À défaut d’un choix de loi de la part des époux, ce règlement fixe de manière hiérarchisée différents critères qui permettent de déterminer la loi applicable au régime matrimonial :
- La loi applicable sera celle du pays où se trouve la première résidence habituelle commune des époux après la célébration du mariage.
- Si les conjoints n'habitent pas immédiatement dans un domicile commun après leur mariage, la loi applicable sera déterminée par la nationalité commune des époux.
- Et à défaut, s’ils n’ont pas la même nationalité ni de résidence commune, la loi applicable sera la loi de l'État dans lequel les époux ont ensemble les liens les plus étroits au moment de la célébration du mariage.
Comment sera déterminé le régime matrimonial d’un mariage entre Français ou binationaux, célébré à l’étranger sans contrat ni désignation de loi ?
À l’étranger, ce sont les règles de droit international privé qui s'appliquent.
Dans les pays européens, le règlement de 2016 va s'appliquer. Et dans les pays hors UE, ou les pays qui ne sont pas de droit latin, cela dépendra des règles propres aux États, et des systèmes de renvoi qui vont permettre de définir si l’on applique la loi de l’État de résidence des expatriés, ou la loi française. C’est donc du cas par cas.
Quel sera le régime matrimonial d’un PACS signé en France et sa portée à l’étranger ?
Il y a deux régimes matrimoniaux qui entourent le PACS :
- le régime de l'indivision de biens ;
- le régime de la séparation de biens.
Dans le premier cas, tout ce que vous achetez une fois pacsé tombe dans l'indivision de biens.
Dans le cas contraire, ce sont seulement les biens que le partenaire pacsé souhaitera mettre en indivision qui le seront.
Pour le PACS entre un couple d’expatriés ou de binationaux, la difficulté réside dans le fait que les notions de partenariat sont très différentes en fonction des pays, et beaucoup de pays ne reconnaissent pas les partenariats.
Par exemple, si vous êtes pacsé en France et que vous vous expatriez dans un pays musulman, le PACS ne sera pas reconnu. Il faudra donc prendre des précautions avant de partir.
En revanche, si un couple de nationalités étrangères a conclu un partenariat civil dans son pays, et vient ensuite s'installer en France, le partenariat sera reconnu en France, sous réserve que les effets ne soient pas contraires à l'ordre public.
De plus, pour être reconnu, le partenariat conclu à l'étranger ne peut pas avoir plus d'effets que n'en aurait un PACS conclu en France.
D’autre part, dans le cadre du règlement de 2007 entré en application le 29 janvier 2019, le couple pacsé pourra choisir entre différentes lois applicables :
- la loi de la résidence habituelle d'au moins l’un des partenaires,
- la loi nationale de l'un des partenaires,
- Ou la loi de l'État dans lequel le partenariat a été créé.
Les conséquences seront différentes en fonction de la loi choisie puisque les lois européennes ne sont pas toutes les mêmes, ni en termes de régime matrimonial, ni en matière de partenariat.
Dans quels cas y a-t-il un risque pour que le régime matrimonial d’un mariage sans contrat change automatiquement durant une expatriation, sans demande de la part du couple expatrié ?
La mutabilité automatique du régime matrimonial est prévue par la Convention de La Haye de 1978. Elle ne concerne que les époux mariés entre le 1er septembre 1992 et le 29 janvier 2019, qui n'ont pas fait de contrat de mariage ni déclaré une loi applicable à leur régime matrimonial avant leur expatriation.
L'article 7 de la Convention prévoit en effet trois cas où le régime va changer automatiquement :
- Après 10 ans de résidence commune dans un autre pays que le pays d'origine, le régime matrimonial tombe sous la loi de l'État où les époux fixent leur résidence principale.
Exemple : un couple de français ou de binationaux se marie en France, puis part habiter dans un autre pays qui ne reconnaît pas la communauté légale française. Dans ce cas, au bout de 10 ans dans cet autre pays, les époux vont être, sans en avoir fait la demande, automatiquement mariés sous le régime légal du pays en question.
- Si des époux de même nationalité (par exemple un couple de Français) s’expatrient et se marient dans un autre pays, ils adoptent alors le régime légal de leur pays d’expatriation. Par contre, au retour dans leur pays d’origine, la France, ils seront automatiquement mariés sous le régime français.
- La loi de la résidence habituelle se substitue à la loi nationale quand auparavant les époux étaient soumis à la loi à défaut de résidence commune dans le même État au moment du mariage.
Exemple : un couple de nationalité algérienne se marie en Algérie, sans contrat de mariage. L’époux travaillant en France, il retourne y vivre après le mariage, alors que sa femme reste en Algérie. Dans ce cas, les époux sont de même nationalité, mais n'ont pas de résidence commune. La Convention prévoyait que c’était donc la loi algérienne qui s'appliquait. Par contre, quand l'épouse viendra rejoindre son mari en France, alors ce sera automatiquement le régime français qui s'appliquera. On passe donc de l'équivalent d'une séparation de biens à une communauté légale française, ce qui comporte des différences à prendre en considération.
La mutabilité est aussi très compliquée à gérer, en cas de liquidation du régime matrimonial (divorce ou décès). Le notaire chargé de ce genre de cas risque en effet d’avoir plusieurs liquidations différentes à faire, car le couple peut avoir été marié sous une communauté de biens au début du mariage, puis être passé sous un régime de séparation de biens, pour finalement revenir à une communauté de biens. Ce sont donc des situations assez complexes, qu’il est nécessaire d’anticiper.
Comment garder la main sur la situation juridique de son couple pendant une expatriation ?
Il est en effet possible de se prémunir contre la mutabilité du régime matrimonial. Si un couple marié entre le 1er septembre 1992 et le 29 janvier 2019 s’expatrie au cours du mariage, il leur sera alors possible de choisir la loi applicable au régime matrimonial.
Les époux français pourront ainsi, avant de s’expatrier, ou bien pendant leur expatriation, choisir de faire une déclaration chez un notaire en spécifiant faire le choix de maintenir la loi française applicable, et éventuellement en spécifiant le régime matrimonial (régime de séparation de biens ou de participation aux acquêts).
Il est donc essentiel de consulter un notaire avant de partir, qui pourra conseiller le couple sur la marche à suivre, et s’interroger sur la loi applicable. Si aucune mesure n’est prise, cela peut avoir des conséquences patrimoniales importantes sur la propriété des biens et poser beaucoup de difficultés, en cas de séparation notamment.