À la suite d’une riche expérience de petits jobs et de volontariats en Afrique du Sud, Camille Hinas, de la chaîne Youtube Les Artisans de demain, a écrit Quelque chose d’Afrique du Sud. Ce guide culturel, publié chez Nanika, offre une perspective différente du pays, nourri de sa diversité et loin des safaris.
Qu’est-ce qui vous a donné envie d’écrire Quelque chose d’Afrique du Sud ?
Je ne savais pas combien de temps j’allais partir, ni qu’est-ce que j’allais y faire lorsque je suis partie en Afrique du Sud. C’était un pays dont j’avais l’impression d’avoir eu beaucoup d’échos mais duquel je ne connaissais que très peu en réalité. J’y suis restée six moi et j’ai d’abord eu la sensation de ne rien y comprendre. Je sentais qu’il se passait beaucoup de choses autour de moi que je ne saisissais pas.
L’Afrique du Sud est un pays culturellement très riche, car beaucoup de culture s’y côtoient. Je n’avais pas toutes les clés en main pour comprendre et même au bout de six mois, je n’avais pas tout compris. En faisant du volontariat, j’ai parcouru les villages et rencontré beaucoup de gens, ce qui fait que j’ai tout de même acquis une connaissance plus globale. Être au contact des Sud Africains m’a aidé à comprendre le pays.
Lorsqu’on pense à l’histoire de l’Afrique du Sud, on pense immédiatement à l’apartheid. Le pays recèle bien sûr d’une culture plus ancienne, complexe et riche que cela. J’avais cela en tête quand j’ai rencontré Élise des éditions Nanika, et le projet de Quelque chose d’Afrique du Sud est né. Il existe peu de guides culturels sur les pays du continent africain, à part quelques pays très précis. La plupart des touristes viennent en Afrique australe pour les safaris, alors que culturellement aussi, ce sont des pays très riches.
Quelle est votre relation à l’Afrique du sud, pourquoi avoir choisi ce pays ?
Je suis d’abord arrivée au Cap et j’y suis restée trois mois, à faire des petits jobs, accompagnée de mon copain Illiès. Le Cap nous plaisait beaucoup, on s’y sentait bien. Nous sommes ensuite partis trois mois au Mozambique et sommes revenus en Afrique du Sud pour un volontariat de deux mois dans une ferme à côté du Parc Kruger, dans le Nord Est du pays. Enfin, nous avons changé pour un autre volontariat dans un écovillage à la frontière du Botswana pendant deux mois puis nous sommes retournés au Cap, où nous avons acheté un véhicule et sommes partis en Namibie.
Nous avons à la fois beaucoup voyagé et toutefois moins que la plupart des touristes qui suivent des circuits établis selon les attractions touristiques. Culturellement cela dit, cela permet d’aller en profondeur.
Vous vous considériez comme expatriés alors ?
Pour moi, un expatrié sait qu’il ou elle part de France pendant longtemps, et dans un pays en particulier. Quand nous sommes partis, nous ne savions pas pour combien de temps. Nous sommes resté assez longtemps en Afrique du Sud grâce aux circonstances mais nous n’avions pas la perspective de nous y expatrier. J’avais toujours l’impression d’y être de passage. Nous savions que nous allions voyager sur du long terme, sans être ni touristes ni expatriés.
Quelles sources avez-vous utilisées pour écrire votre livre ?
Il y a une multitude de sources employées pour ce livre. Le plus gros du travail a été fait après le séjour en Afrique du Sud, une fois rentrée en France, notamment pour la partie historique du guide. J’ai été chercher des livres d’histoire dans les bibliothèques et j’ai utilisé des ressources en ligne. Il était très important pour moi d’exploiter des sources sud-africaines, pour éviter le biais (inévitable) des Européens. Je suis une Européenne blanche qui écrit sur l’Afrique du Sud : c’est un positionnement qui n’est pas évident car je ne suis pas la mieux placée pour le faire. Ce guide ne se veut pas exhaustif ni porteur de la vérité, c’est une vision de l’Afrique du Sud. Beaucoup de choses dans le livre partent de ressentis personnels. Nombre d’autres aspects ne sont pas évoqués dans le livre car je ne les ai pas expérimentés. Je me suis plongée dans l’histoire du pays et j’ai aussi ajouté dans le corps du texte les ressources complémentaires. On retrouve des QR codes dans le guide pour aller découvrir des vidéos, des podcasts et des musiques.
La société sud-africaine est très marquée par l’apartheid, est-ce que cela se ressent en tant qu’étranger, qu’expatrié ?
On ressent encore l’héritage de l’apartheid car cela fait partie de l’histoire récente du pays. En revanche, un Français ne le ressentira jamais comme un Sud-Africain. Le poids du passé national peut paraître surprenant pour les nouveaux expatriés mais les fantômes du passé ne hantent réellement que les Sud-Africains eux-mêmes. La vie d’un expatrié en Afrique du Sud est très privilégiée : sécurité de l’emploi, du logement, du quotidien. Ceux qui pâtissent le plus du souvenir de l’apartheid sont les classes populaires sud-africaines et les plus pauvres. L’apartheid a beau ne plus exister officiellement - c’est inscrit dans la loi, les inégalités sociales et économiques persistent. Les cicatrices de ces évènements mettront du temps à se résorber. Je ne pense pas que cela soit impossible, mais cela sera long.
Malgré les difficultés, conseillez-vous l’expatriation en Afrique du Sud ?
Sans aucune hésitation bien sûr ! L’Afrique du Sud est un pays tellement riche, et j’y ai fait des rencontres formidables. Je conseillerais cependant de faire des recherches en amont pour savoir où on met les pieds. Il est important de se renseigner avant, notamment sur les différents groupes ethniques qui peuplent le pays : les Afrikaners, les British, les Zoulous, les Tswanas etc. On ne se fait de l’expérience qu’en y allant et en essayant soi-même, tout en gardant en tête les règles élémentaires de sécurité : cela reste une réelle expérience de vie.
Après cette expérience, vous avez créé votre chaine YouTube Les Artisans de demain, et avez commencé à partager vos expériences sur les réseaux : pourquoi ?
Nous avons voyagé deux ans avant de commencer à le partager. Nous faisions ce voyage pour nous apprendre à nous connaitre, apprendre des autres, se ressourcer. Au moment de notre départ, nous étions très pessimistes sur l’avenir de notre planète, on parlait beaucoup d’effondrement. Nous étions en train de perdre l’espoir et nous avions besoin d’un changement radical, de retrouver l’espoir et l’inspiration.
Deux ans après, nous avions encore cette envie d’aller rencontrer des nouvelles personnes, cela nous inspirait toujours autant - et encore aujourd’hui. Nous voulons aussi nous adresser à des gens qui n’ont pas forcément l’opportunité de voyager et encore moins dans les régions du monde dans lesquelles nous allons. Nous voyageons dans des pays très marqués par les stéréotypes (Iran, Pakistan, Arabie saoudite et beaucoup d’autres) et nous nous efforçons de déconstruire les clichés en mettant en avant les portraits de gens qui agissent. Si ces gens nous apportent de l’espoir, peut-être peuvent-ils en apporter à d’autres ?