L'immense palmeraie millénaire de Marrakech est en danger de disparition depuis de nombreuses années : manque d'eau, constructions à tout va, projets touristiques démesurés et golfs menacent cette oasis
Photos P.Verger
Bien qu'un programme ambitieux de conservation tente de sauvegarder la palmeraie de Marrakech, l'un des sites les plus beaux du Maroc, vieux de 10 siecles, risque de disparaitre. Les causes qui ravagent cette merveille sont nombreuses, dûes aux hommes et au climat, même si l'on continue de faire croire aux touristes qu'une maladie fait mourir les palmiers. Quelques centaines de milliers d'abres ne trouvent plus leur place, après que la palmeraie, qui s'étendait sur environ 16.000 hectares, a perdu plus de 30% de surface au cours des 20 dernières années. La multiplication de projets touristiques, au mépris de l'environnement, et qui utilisent beaucoup d'eau, favorise la détérioration des plantations et déséquilibre l'écosystème.
Les golfs sur le banc des accusés
Les projets touristiques, même s'ils ont des bons côtés pour la population, utilisent énormément d'eau, fragilisant l'environnement. "Personnellement, je considère la multiplication irrationnelle des parcours de golf, comme un crime écologique" souligne un éminent hydrogéologue de la faculté des sciences de Marrakech. La ville peut s'enorgueillir de posséder 10 golfs, dont 2 dans la seule palmeraie, et une dizaine d'autres en demande d'autorisation. Certaines voix s'élèvent contre le fait que beaucoup d'autorisations de constructions principales, de vacances ou hôtelières n'ont été données qu'à la condition d'y construire un golf. Aujourd'hui certains golfs ne seront sûrement jamais terminés pour des raisons économiques. Le succès de cette oasis, haut lieu touristique, a donné beaucoup d'idées aux structures hôtelières puisque même le Club Med se vante de ses 3 piscines et de son golf au centre de la palmeraie, sans oublier le doublement du Golf Palmeraie Palace.
Beaucoup de tristesse et d'amertume au sein des derniers vrais habitants de la palmeraie, certes de moins en moins nombreux, mais que cet état des lieux rend nostalgique. "Ici il y avait une source qui partait vers là-bas en petit ruisseau. Plus loin une autre source et au fond il y avait des réservoirs pour garder l'eau. Partout jaillissaient des sources, mais quand ils ont commencé à construire des hôtels et des villas, l'eau a disparu" s'indigne un habitant d'un douar.
Horizon 2012 : 430.000 palmiers replantés
C'est un vaste programme qui a été entrepris en 2007 par les autorités locales : celui de replanter en 5 ans 430.000 nouveaux palmiers. Pour protéger la palmeraie, toute une organisation est mise en place, avec la centrale de retraitement des eaux ouverte en 2010 et des puits opérationnels pour apporter des quantités d'eau importantes indispensables à la survie de l'oasis. "Déjà quelques 415.000 jeunes palmiers ont été plantés avec de jeunes pousses et des feuilles vertes avec une belle couronne" admet M. Mdidech, directeur du programme de sauvegarde de la palmeraie en collaboration avec la Fondation Mohammed VI pour l'environnement. Il se veut réaliste mais tout de même optimiste, même s'il admet que le manque d'eau n'en fera pas une palmeraie verdoyante. Elle sera sauvée mais il faudra rester vigilant afin de préserver ce joyau de Marrakech.
Pierre Verger (www.lepetitjournal.com/marrakech.html) mercredi 16 novembre 2011