Au cœur de l’île de Lombok, en Indonésie, le Mont Rinjani domine le paysage de ses 3 726 mètres. Une ascension aussi exigeante que spectaculaire, que notre correspondante Anne-Sophie a vécue pas à pas. Entre effort physique, beauté brute et rencontres inattendues, récit d’un trek inoubliable sur l’un des plus hauts volcans d’Asie du Sud-Est.


L’Indonésie m’a accueillie en septembre dernier. Mon tout premier séjour remonte à 2016, séjour qui a su attiser mon envie de découverte du pays au millier d’îles. Presque 10 ans plus tard, me voici de nouveau et prête à en découdre !
Après avoir commencé à explorer les magnifiques fonds marins, il était temps de remettre un peu les pieds sur terre. Alors, quand on m’a proposé une expédition à Lombok pour grimper le mont Rinjani, je m’empresse d’accepter en embarquant avec moi mon conjoint et une de mes amies.
Au programme ? Un groupe singulier de 9 amoureux du pays de 15 à 60 ans, 2 jours de randonnée et un beau challenge sportif pour tous.
A notre arrivée matinale au centre de trekking au sein du village de Senaru, le décor m’a tout de suite frappé. Il flottait comme un air de marché du dimanche combiné avec celui d’un évènement sportif. Des paniers en osiers étaient répandus partout ; des sacs éparpillés ainsi que des vivres. Une arche décorative, de celle que l’on peut retrouver lors de courses à pied à l’arrivée, avait même été installée. On aurait pu croire que tout le village s’était rassemblé pour une occasion très spéciale.
En y regardant de plus près, la réalité était autre. Il s’agissait en réalité de tous les guides et porteurs qui allaient accompagner les randonneurs au sommet les prochains jours. Ces derniers paraissaient à la fois tendus et excités, comparant le poids de leurs paniers, nous abordant dans un français surprenant et terminant les préparatifs devant nos regards admiratifs.
Après ce temps de préparation, il était temps de partir. Nous nous sommes alors entassés dans la benne d’un Pick-up qui s’est arrêté au bureau de recensement des randonneurs. Nous avons été surpris d’entendre une voix féminine scander une série de noms aux origines variées. Ainsi, chacun de nous a été appelé contre la présentation d’un certificat médical insolite fourni par l’agence des guides.
Après cet épisode cocasse, le moment tant attendu est arrivé : l’ascension du majestueux Rinjani, que nous avions déjà aperçu en contrebas.
Le départ nous a mis en confiance, nous avons marché un moment sous un ciel bleu et ensoleillé, sur un chemin plutôt plat et sans obstacle, traversant même une forêt silencieuse et ombragée.
Quelques kilomètres plus tard, les questions ont commencé à fuser du côté de l’adolescente du groupe : « Quand est-ce-que l’on arrive au pallier numéro 2 ? » mais aussi du côté des adultes : « Alors, combien de km y-a-t-il entre le pallier 2 et le pallier 3 », « Et le dénivelé, c’est combien déjà ? »
Après quelques pauses et un délicieux déjeuner local plus tard, nous sommes arrivés à une partie du trajet un peu plus ardue. Nous allions enfin commencer la montée jusqu’au camp de base où nous allions bivouaquer pour la nuit. Malgré la difficulté de la marche, nous étions excités d’arriver enfin à la première destination. Plus nous approchions, plus nous pouvions percevoir le haut de la crête et, au loin, la promesse d’un moment inoubliable.
Nous avons croisé de nombreux porteurs sur la route ainsi que certains randonneurs qui redescendaient parfois à pieds nus ou en tongs, nous rassurant toutefois sur la difficulté de la mission : « Allez-y tranquillement et ça se passera bien » a été le conseil donné par la majorité d’entre eux ; conseil que nous allions par la suite prodiguer nous-mêmes à nos compagnons de route.
Au bout de plus de 5 heures de marche, nous sommes enfin arrivés au camp ; en haut duquel nous pouvions déjà percevoir le lac mystique d’un côté et le tant attendu sommet de l’autre. On nous a accueillis avec le meilleur pisang goreng (bananes) au chocolat que j’eus l’occasion de goûter.

Une image moins glamour du camp est restée gravée, celle de nos guides et porteurs rebouchant d’anciens trous, en en creusant de nouveaux en prenant soin de disposer des toiles de part et d’autre pour, nous l’apprendrons plus tard, nous faire bénéficier de lieux d’aisance des plus insolites.
Aussi, plus le temps passait plus le paysage changeait avec la mise en place d’une multitude de tentes tout le long de l’arête et l’arrivée des singes, attirés par les déchets organiques laissés par les groupes précédents.
L’heure du dîner est arrivée ensuite avec la dégustation d’un savoureux curry indonésien sous un ciel étoilé et nuageux qui a su révéler notre âme d’enfants. « Qui voit Ratatouille et sa coque de chef dans le ciel ? » ; « Mais non, ce n’est pas un lapin, c’est un chien qui sourit ! » ; « Mais ce ne serait pas Saturne ici ? ».
Nous avons essayé de nous coucher tôt afin de nous tenir prêts pour le réveil aux aurores qui nous attendait ainsi que les 3km les plus difficiles du parcours.
Aussi tôt réveillés et aussi vite le petit déjeuner servi et avalé, nous nous sommes mis en route. Plus nous avancions sur la crête, plus la multitude de tentes observées la veille nous est apparue. Nous avons été surpris du monde qui faisait l’ascension ce jour ; nous apprendrons d’ailleurs plus tard que nous étions plus de 500 contre un quota journalier de 250 personnes.
Ces trois ultimes kilomètres ont eu le mérite de respecter leur promesse initiale : intenses, courts et pourtant si longs. A l’aide de nos précieux bâtons nous avons pu en venir à bout, la difficulté principale restant ce sable volcanique qui, plus nous avancions plus s’effritait et nous faisait perdre quelques centimètres et une belle dose d’énergie.
Le fruit de nos efforts paya enfin quand nous sommes arrivés juste à temps pour le lever du jour, dévoilant un panorama à couper le souffle avec le majestueux Mont Agung ; Bali et d’autres îles voisines.

Après avoir profité de ces moments hors du temps, nous avons repris le chemin en sens inverse vers le camp, qui sera bien plus ludique qu’à aller. Nous avons pris le parti d’appliquer la technique de ski en une version bien moins maîtrisée.
En redescendant ensuite jusqu’à l’entrée du parc, nous avons pu à nouveau observer ce ballet de porteurs qui montaient et descendaient avec une telle grâce et une facilité déconcertante.
Une conversation avec un de nos guides m’a éclairée sur leurs conditions. Il m’apprit que la plupart d’entre eux ne tiennent pas plus d’un an dans ce rôle éreintant sauf ceux qui ont encore de l'énergie. Une grande majorité, principalement ceux maîtrisant l’anglais, aspirent à devenir Guide : le Graal ultime selon eux.
Notre quête terminée, notre petit groupe se quitta des étoiles dans les yeux, des souvenirs pleins la tête mais surtout avec une forte envie de découvrir les autres merveilles de l’archipel.
Sur le même sujet
