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Témoignage : Donner la vie en période de confinement

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Écrit par Athénaïs Pinard Legry
Publié le 23 avril 2020, mis à jour le 24 avril 2020

Le confinement se vit au jour le jour à Jakarta. Comment s’adaptent notre travail, nos familles, nos enfants …. Des familles se sont prêtées au jeu des questions-réponses sur la façon dont elles vivent le moment. Nous avons choisi de présenter chaque semaine un témoignage. Aujourd’hui : Noémie et Cyril qui viennent d’accueillir leur premier enfant.

Qu'est-ce que le confinement a le plus changé dans votre organisation quotidienne ?

Notre situation est un peu particulière. J’étais enceinte et très proche du terme.  Mon mari a eu des symptômes du COVID deux semaines avant le confinement. Nous étions donc déjà auto-confinés, chacun dans sa chambre, avec masques dans les parties communes, nos achats faits en ligne.

Pour nous, il s'est agi d'anticiper la naissance :  de "décontaminer" toutes les surfaces de l'appartement, vérifier l’organisation avec la maternité, espacer les visites chez l’obstétricien et y aller seule... 

Ce qui a été lourd à vivre, plus que l'organisation quotidienne, c’est l'atmosphère. Nous n'avons pas réellement profité de nos dernières semaines à deux. Il était impossible d’ignorer le COVID – les dernières nouvelles de France, l'évolution de la situation à Jakarta, la crainte que le père ne puisse assister à l'accouchement… Même en s'efforçant de prendre de la distance, tout est devenu très pragmatique, très tourné vers la gestion de la situation sanitaire, et non vers le fait de savourer le moment. 

Le vivez-vous comme une chance ou une contrainte ?

Avant la naissance, il y a eu paradoxalement un effet de "libération". Pas le droit de bouger ? tant mieux, nous sommes obligés de nous livrer à nos occupations favorites : lire ou rester sur l'ordi toute la journée sans avoir à trouver d'excuses pour remettre le reste au lendemain !

C’est différent depuis la naissance de notre enfant. Tout vaccin ou visite chez le pédiatre devient une mission au cours de laquelle il faut veiller à limiter les risques d’exposition. Si besoin de consulter un spécialiste, on doit s’en passer ou faire en ligne, ce qui est moins efficace. Sortir se promener devient un moment encadré, au cours duquel la prudence est de mise. Là encore, la situation sanitaire prend le pas sur le fait de vivre pleinement nos premiers moments à trois.

Cependant, l’impact est plus limité pour nous que pour les familles avec des enfants plus âgés. Les premières semaines avec un nouveau-né sont souvent très confinées. Et puis… il faut avouer que cela nous offre un bon prétexte pour rester tranquilles tous les trois ! 

Qu'est-ce que vous préférez et qu'est-ce qui est le plus difficile pour vous dans cette situation ?

 Le mieux, c’est le fait d’être "contraints" d’avoir tout notre temps pour nous. Et le fait que tout le monde, famille et amis, en France ou dans d’autres pays, soit également confinés : nous n'avons jamais pris autant le temps de nous appeler. Le décalage horaire n'est plus un problème puisque chacun organise sa journée. C'est une utilisation sereine des réseaux sociaux, à rebours de nos habituels messages tapés en quelques secondes entre deux autres activités.

Le moins bien, c’est le fait que toute visite médicale, fréquente après une naissance, devienne une "situation à risque". Nous regrettons aussi l’impact sur les activités d’éveil de l’enfant : les balades dans les parcs, les pique-niques, le fait de croiser des gens, de s’habituer à un monde animé et divers. Notre bébé va croire que le monde se limite à deux personnes et un appartement. Être privé d’animation, c’est un comble quand on naît à Jakarta ! 

Comment s’est passée la naissance dans ces circonstances particulières ?

Nous avons eu la chance de pouvoir conserver les grandes lignes de notre plan de naissance à la maternité. La clinique Ghra Kedoya acceptait les pères en salle d'accouchement. Gros soulagement pour nous.

En revanche, l’obstétricien a souhaité que nous quittions la maternité au plus tôt pour limiter les risques d'exposition. Nous avons donc dormi dans la salle de travail (pas de transfert en chambre pour éviter tout contact avec des tiers) et avons quitté l’hôpital 12 heures après l’accouchement.

Ces précautions étaient justifiées, mais elles ont eu pour conséquence de nous priver des premiers conseils des sages-femmes qui auraient été précieux, notamment pour l’allaitement. Nous avions sous-estimé la complexité de la chose. Du coup, il a très mal démarré. C’est assez compliqué à rattraper et cela pèse beaucoup sur nos journées. C’est bien évidemment anecdotique au regard des conséquences tragiques de la pandémie à l'échelle mondiale, mais j’en veux beaucoup à ce vilain pangolin de nous avoir gâché cela. 

Quoi pour la suite ?

Si les premiers jours n'ont pas été trop impactés, en revanche nos plans à quelques mois ont été annulés ou restent en suspens. Le plus important pour nous reste d’échapper à la pollution de Jakarta, surtout que les poumons sont fragiles chez les nouveau-nés. Nous  avions prévu de passer quelques semaines à Bali tous les trois. Cela participerait à l’éveil de notre bébé : être constamment à l’air libre, se familiariser avec la mer… ce n’est que partie remise.