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PORTRAIT Sébastien de Royer – Peut-on sauver la forêt indonésienne ?

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©Sebastien_de_Royer
Écrit par Valérie Pivon
Publié le 13 décembre 2017, mis à jour le 9 décembre 2018

Rencontre avec Sébastien de Royer, ancien du Lycée Français de Jakarta, engagé passionné pour la préservation de la forêt et la gestion raisonnée des espaces forestiers Indonésiens.

Après avoir passé son baccalauréat en 2002 au Lycée Français de Jakarta, Sébastien de Royer rentre en Europe pour poursuivre des études à l’Ecole Supérieur Européenne d’Ingénierie de l’Espace Rural de Poisy, l’ESE-IER puis à l’Université de Wageningen aux Pays-Bas. À peine diplômé en 2010 il revient s’installer en Asie.

Il trouve tout d’abord un emploi au Laos au ministère des forêts, dans le cadre de la coopération allemande (GIZ). Il a pour mission de soutenir la mise en place de mesures d’incitation positives pour réduire les émissions provenant de la déforestation, pour aider à la conservation des stocks existants de carbone forestier et pour promouvoir la gestion forestière durable. Suite à cette première expérience une opportunité de travail se présente à lui en Indonésie, un retour qu’il envisage avec plaisir.

La spécificité indonésienne

Il travaille pendant 4 ans à Bogor pour l’ICRAF qui est le centre international de recherche en agroforesterie (World Agroforestry Centre). Il y est détaché par les services allemands de coopération. “L’agroforesterie c’est tout simplement planter des arbres dans des champs, un principe ancestral remis au goût du jour en introduisant les innovations agricoles. Le but est d’améliorer la productivité, de protéger l’environnement local, de garantir la sécurité alimentaire ainsi que la biodiversité et d’apporter un revenu complémentaire aux populations locales.” explique Sébastien. 

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©Sebastien de Royer

 

« En Indonésie, il n’y a pas de cadastre, les terres forestières (Kawasan Hutan) appartiennent toutes à l’état. Il n’y a donc pas non plus de certificat de propriété. Les paysans exploitent les terres selon la coutume ancestrale dite l’adat et les transmettent naturellement à leurs enfants ».

Depuis l’arrivée au pouvoir du président Jokowidodo, le gouvernement a promis de restituer la terre aux peuples indigènes sous forme de titre de propriété ou de licence d’exploitation.

À l’heure d’aujourd’hui 3 millions d’hectares sur les 12,7 prévus initialement ont été restitués sous forme de licence pour 35 ans aux communautés locales. La mise en place de licences étant un processus long et compliqué, le gouvernement a dû faire appel à des ONG locales pour assurer le bon déroulement des opérations. C’est dans ce contexte que Sébastien conduit au sein de l’ICRAF pendant quatre années des études de gestion communautaire de la forêt qui sont une aide à la mise en place de politiques de redistributions foncières.

Riche de cette expérience Sébastien est ensuite engagé par la société Transitions, une agence de conseil en développement, stratégie, ingénierie et communication en développement durable.

Une mission délicate

Son travail consiste à l’accompagnement et au conseil de la Société Asia Pulp & Paper (APP), filiale du méga groupe indonésien Sinarmas, acteur majeur en Indonésie de la transformation du bois pour l’industrie papetière. Depuis les années 2000 APP est montrée du doigt comme étant une entreprise nocive pour l’environnement, elle fait l’objet de nombreuses accusations d’ONG pour son manque de respect de la biodiversité et de la forêt primaire en Indonésie. Ce groupe qui pèse 11 milliards de dollars est un incontournable du secteur. Il produit des papiers d’hygiène, d’emballage et des cahiers vendus à travers le monde entier. Face aux déclarations des ONG certains de leurs clients comme des grands groupes français ont décidé de boycotter les produits APP. L’impact sur le chiffre d’affaires du groupe ne sait pas fait attendre et APP n’a pas eu d’autre choix que de partir sur le chemin de la rédemption. Des plans de gestion de tourbières et de la forêt ont ainsi été mis en place et un engagement social envers les communautés a été pris. APP ne ménage pas ses efforts pour apparaitre comme un modèle et Transitions l’accompagne dans ses démarches de mise en place de politique de développement durable et d’approvisionnement zéro déforestation (respect des forêts à haute valeur de conservation, exploitation raisonnée des tourbières, gestion des feux de forêts, programmes d’appui aux communautés locales, suivi des processus de résolution de conflits…) et bien sûr de contrôle. Ces efforts sont en phase avec les engagements du gouvernement indonésien de diminuer ses émissions de carbone, principalement liées au secteur agricole et forestier, de 29% d’ici 2030. 

Transitions travaille également avec L’Oréal, Beiersdorf et des acteurs de l’oléochimie pour la mise en place d’une chaine de valeur zéro déforestation ainsi qu’avec la société française Michelin sur la mise en place d’une plateforme multi-acteur pour la production durable de caoutchouc naturel.

Sébastien reste lucide et se pose chaque jour des questions, mais il est convaincu qu’une meilleure gestion des ressources naturelles de façon durable et soucieuse de l’environnement est possible grâce à un engagement honnête du secteur privé.