Produire 23% de son électricité en énergie renouvelable à l’horizon 2025 est le défi que s’est lancé l’Indonésie. Avec ses 140 volcans actifs, le pays possède 40 % des ressources mondiales en énergie géothermique. Actuellement, seuls 5% de l’électricité produite sur l’archipel provient de la géothermie.
Le fort potentiel du pays attire de nombreuses compagnies étrangères spécialisées dans cette exploitation. Engie, l'un des leaders français de l'énergie, a lancé il y a un an la construction de la première phase d’un projet de centrale géothermique à Muara Labohet. L'entreprise s’apprête à engager les travaux pour un second projet à Rantau Dedap à Sumatra. Christophe Comte, responsable Engie Indonésie en charge des énergies renouvelables, nous apporte son éclairage sur cette activité.
Pouvez-vous nous expliquer comment on produit de l’énergie géothermique ?
Pour produire de l’électricité avec de la géothermie profonde à haute température, soit 150 à 250°C, il faut forer souvent jusqu’à des profondeurs de 2500 mètres en moyenne. La vapeur ainsi extraite sous pression entraine des turbines qui produisent de l’électricité.
Il y a plus de 299 sites potentiels en géothermie en Indonésie, comment se passe l’octroi des licences et les premières phases de construction d’une centrale ?
Comme pour le pétrole et le gaz, le gouvernement définit un quadrillage de zones et nous répondons à des appels d’offre. Engie a tout d’abord obtenu, en 2010, un permis pour le site de Muara Laboh situé à Sumatra à 220 km de la ville de Palembang. Localisés en montagne, souvent en pleine forêt, les sites sont difficiles d’accès. Le premier travail est de construire des routes afin d’acheminer le matériel et les personnes. Ensuite, les forages peuvent commencer : nous creusons en moyenne 6 puits afin d’étudier la faisabilité du projet. Avec notre filiale Storengy et nos partenaires, nous disposons des expertises de forage et la connaissance du sous-sol nécessaire à ce type de projet. La construction de la centrale a commencé début 2017. Sa mise en service est prévue pour septembre 2019, soit 30 mois après le début des travaux. Durant cette période, environ 1.200 emplois ont été créés.
Quels sont les avantages de ces énergies ? Et la production prévue ?
Cette énergie présente l’avantage d’être renouvelable, non intermittente et respectueuse de l’environnement. La centrale de Muara Laboh devrait générer 80 Mégawatts sans émission de CO2, correspondant aux besoins en électricité de 120.000 foyers.
Quel est le coût des ces projets et comment sont-ils financés ?
Le coût pour la première phase de forage de Muara Laboh représente 100 millions de dollars environ et le financement du projet porte lui sur 440 millions de dollars. Un accord de financement a été trouvé via le consortium PT Supreme Energy, avec la Banque japonaise pour le développement et la Banque Asiatique de Développement.
Avez-vous d’autres projets en cours ?
Nous avons deux autres projets en cours. L’un à Rantau Dedap, à 225 kilomètres de Palembang, qui accueille l’une des plus importantes explorations géothermiques à haute température menées en Indonésie. Le site est implanté entre 1.000 et 2.600 mètres d’altitude sur une surface de 35.000 hectares au milieu d’un complexe volcanique. L’achèvement de la centrale est prévu pour 2020. La production attendue pour la première phase est de 100 mégawatts, ce qui doit permettre d’alimenter 130.000 foyers sur 30 ans et permettrait de réduire l’émission de dioxyde de carbone de 500.000 tonnes par an.
Le second projet, Rajabasa, est situé au sud de Lampung et devrait démarrer cette année.
Quel est l’avenir de la géothermie en Indonésie ?
L’Indonésie a pris pour engagement lors de la Cop 21 à Paris de diminuer ses émissions de gaz à effet de serre de 29 % d’ici 2030. Aujourd’hui, 88 % de l’électricité du pays est produite par les énergies fossiles. Seuls 12% proviennent des énergies renouvelables comme la géothermie, l’hydro-électricité, l’éolien et le solaire. Les ressources importantes en géothermie du pays devraient lui permettre d’atteindre cet objectif. Mais le coût actuel de production, deux fois plus élevé que celui des énergies fossiles, peut constituer un obstacle au développement. Néanmoins depuis 2014, le gouvernement a adopté une loi qui établit que la géothermie ne dépend plus du cadre contraignant du secteur minier. Une autre loi stipule que les administrations locales peuvent percevoir 0,5 à 1% des recettes des usines géothermiques situées dans leur zone. Ces démarches devraient aider à soutenir les projets de construction de centrales géothermiques sur le territoire.