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Football U-17 : la France, le pays aux deux visages

Avec ses deux équipes qualifiées à la Coupe du Monde de Football des moins de 17 ans (U-17) qui se déroule en Indonésie du 10 novembre au 2 décembre 2023, la France a déjà gagné le trophée de l'originalité.

Coupe du monde U-17Coupe du monde U-17
Coupe du monde U-17, crédit @Fifa
Écrit par Matthieu Firmin
Publié le 20 novembre 2023, mis à jour le 22 novembre 2023

Vendredi 10 novembre 2023 a débuté en Indonésie la coupe du monde de football U-17 organisée par la FIFA. Au total, vingt-quatre équipes rêvent de soulever le trophée de champion du monde à l'issue de la finale qui doit se jouer le 2 décembre prochain au Manahan stadium de Surakarta. Mais la France se distingue déjà avec la participation de deux équipes à cette compétition prestigieuse !

L'équipe des Bleuets qui porte le maillot tricolore et l'équipe de Nouvelle-Calédonie surnommée « les petits cagous » du nom de cet oiseau endémique de l'archipel calédonien et aujourd'hui emblème de ce territoire français du bout du monde. Une singularité due au statut de la Nouvelle-Calédonie qui relève de la souveraineté française mais dispose grâce à sa large autonomie d'un certain nombre de compétences dont celle de la réglementation des activités sportives. 

Depuis 2004, la Calédonie est ainsi reconnue comme le 205ème membre de la FIFA et peut, au même titre que la France, présenter une équipe lors de compétitions internationales comme les Jeux olympiques ou les championnats du monde. L'archipel a également son propre hymne « Soyons unis et devenons frères » et sa devise « Terre de parole, Terre de partage ». 

 

Une confrontation sportive et symboliquement politique 

Une situation originale qui fait que les Bleuets et les « petits cagous » se sont déjà affrontés en 2017 lors du mondial U-17 organisé en Inde. A l'époque, les tricolores s'étaient largement imposés 7 à 1. L'enjeu était tout autant sportif sur le terrain que symbolique sur le plan politique alors qu'un référendum pour l'autodétermination de la Nouvelle-Calédonie était organisé en décembre 2018. 

Depuis, l'archipel calédonien a voté par trois fois en faveur de son maintien dans la France mais le symbole extra-sportif n'en demeure pas moins d'actualité lors de l'édition 2023 alors que l'Etat français et la Nouvelle-Calédonie négocient en ce moment les termes d'un nouvel accord institutionnel définissant la place de la Calédonie au sein de la République française. 

Pour les français nés ou installés en Nouvelle-Calédonie depuis longtemps, difficile de choisir entre les deux équipes. 

« C'est une situation très spéciale et assez paradoxale d'avoir deux équipes au mondial. Nous avons vécu cette situation en Inde avec pour ma part l'impression de jouer un peu contre nous-même », nous fait part Didier Komon président de l'Olympique Nouméa Football qui vit depuis trente ans en Nouvelle-Calédonie. 

Pour Mano Naturel, 12 ans, issu d'une famille établie dans l'archipel français depuis cinq générations, pas d'ambiguïté : « Mon équipe de coeur est la Nouvelle-Calédonie. Je suis fier d'eux, ce sont des modèles qui me poussent à continuer le football pour arriver comme eux un jour à la coupe du monde ! ». 

La France, qui a terminé troisième en 2019 au Brésil et vainqueur de l'Euro en 2022, veut selon les mots de son entraîneur Jean-Luc Vanucchi « performer pour aller le plus loin possible ». L'équipe a parfaitement débuté sa compétition en gagnant ses trois matchs de poule contre le Burkina-Faso, La République de Corée et les Etats-Unis. En se classant premier de leur groupe, ils se sont ouverts les portes des huitièmes de finale qu'ils joueront ce mercredi 22 novembre contre le Sénégal et peuvent désormais rêver en grand pour la suite. 

 

La Nouvelle-Calédonie et l'Indonésie : une histoire intimement liée

Pour la Nouvelle-Calédonie, la compétition a été beaucoup plus rude en raison d'un tirage au sort cruel. Ils héritent du groupe avec l'Angleterre vainqueur en 2017, du Brésil tenante du titre. Faire contre mauvaise fortune bon coeur pourrait être le mantra de ce mondial pour les calédoniens. 

« C'est une fierté pour nous parents et pour le pays de participer à cette coupe du monde », nous explique Glenn Hnaissilin sur le parvis du stade de Jakarta quelques minutes avant le premier match des Calédoniens face aux Anglais samedi 11 novembre. Il a fait le déplacement depuis la Calédonie pour soutenir son fils Joseph milieu de terrain de l'équipe. « Sur notre petit caillou, on pratique du bon football. C'est une chance pour eux de participer à une telle compétition » affirme-t-il.

 

Glenn et Naomie Hnaissilin venus de Nouvelle-Calédonie pour supporter leur fils milieu de terrain de l'équipe calédonienne.

Glenn et Naomie Hnaissilin venus de Nouvelle-Calédonie pour supporter leur fils milieu de terrain de l'équipe calédonienne.

 

Quatre-vingt dix minutes plus tard, le score est sans appel et douloureux : 10 à 0 pour l'Angleterre. Les « petits cagous » perdront les deux matchs suivants contre le Brésil et l'Iran. Trois défaites qui ne leur permettent pas de se qualifier pour les phrases finales qui ont débuté lundi. Mais pour les « petits cagous », ce mondial reste néanmoins une aventure extraordinaire, eux qui rêvent de marcher sur les traces de leurs illustres aînés : Antoine Kombouaré, ancien joueur et entraîneur du PSG et Christian Karembeu, champion du monde 1998. 

"C'était une merveilleuse expérience pour ces jeunes et pour le football néo-calédonien. Nous avons pu apprendre et jouer au plus haut niveau mondial. Nous allons travailler encore et encore afin de progresser au fil des ans et de nous qualifier pour chaque grand rendez-vous » a déclaré Léonardo Lopez l'entraîneur de la sélection calédonienne.

Ce déplacement a aussi été l'occasion de découvrir un pays particulièrement cher à la Nouvelle-Calédonie. Près de 4000 Calédoniens, surnommés les Niaoulis, ont des origines indonésiennes après que leurs aïeuls généralement originaires de Java aient immigré sur l'archipel calédonien au début du 20ème siècle pour travailler en tant qu'ouvriers agricoles ou dans les mines de nickel. Un certain nombre sont depuis revenus vivre en Indonésie notamment sur l'île de Sumatra dans le petit village de Totokaton qu'ils ont rebaptisé Blok Calédonie. Ceux restés en Nouvelle-Calédonie n'ont découvert pour certains que récemment l'histoire souvent tragique de leurs familles séparées entre les deux archipels. Aujourd'hui, très bien intégrée à la société calédonienne, la communauté indonésienne entretient ses traditions culturelles et certaines familles continuent à parler généralement le bahasa ou le javanais à la maison.    

 

Une compétition source de fierté et d'ambitions pour l'Indonésie

Pour l'Indonésie, cette compétition est une façon de s'affirmer comme un acteur important du football international tant sur le plan sportif que sur le plan de l'organisation. « Ce mondial est extraordinaire pour eux, c'est une énorme opportunité. Les Indonésiens ont de grosses capacités d'organisation, de services, de marketing et d'information, cela devrait donc très bien se passer », estime Simon Toseli, expert technique de la FIFA pour le football féminin, installé depuis près de 8 ans sur l'archipel indonésien. Si cet événement est réussi, le pays pourrait prétendre à l'organisation de la coupe du monde des moins de 20 ans et qui sait, un jour, à la coupe du monde sénior.

En Indonésie, le ballon rond est en tout cas très populaire. « Je crois que c'est le sport favori et le plus regardé dans notre pays notamment dans les catégories populaires. Cette coupe du monde est un moment historique pour le pays, je crois que l'on peut être très fier », affirme Edmond, 39 ans, venu de Bogor avec sa femme et ses deux enfants pour assister au match Nouvelle-Calédonie / Angleterre. 

 

Edmond et sa famille sont venus de Bogor pour assister au match Nouvelle-Calédonie / Angleterre.
Edmond et sa famille sont venus de Bogor pour assister au match Nouvelle-Calédonie / Angleterre.  

 

Même si, en football, le pays manque d'expérience de très haut niveau, il entend défendre haut et fort ses couleurs avec les atouts qui sont les siens.

« L'Indonésie a un énorme potentiel. Techniquement, ils sont doués, ils sont agiles, très à l'écoute, durs au mal, très résilients. C'est un football très dynamique avec une haute intensité de jeu. Ils ont des qualités qui se développent très tôt car ils pratiquent un football de rue » souligne Simon Toseli. 

Lors du match d'ouverture vendredi 10 novembre à Surabaya, dans un stade survolté, les Indonésiens ont arraché le match nul contre l'Equateur après un âpre combat comme un écho à ce « jour des héros » célébré chaque 10 novembre en mémoire de la bataille de Surabaya de 1945 pour l'indépendance du pays. 

L'Indonésie a ensuite fait match nul contre le Panama mais a perdu contre le Maroc. Pas suffisant pour se qualifier pour le tableau final mais pour le pays ce mondial est une réussite : ils se sont mesurés aux plus forts et l'organisation est irréprochable.