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J'AI TESTE POUR VOUS - L'absinthe bar : Un goût de Bohême à Phnom Penh

Le premier bar à absinthe a ouvert à Phnom Penh il y a quelques mois. On y propose 18 différents breuvages dans une ambiance du Paris des artistes d'antan

 

(crédit: Eléonore Sok-Halkovich)

Attirée par cette curiosité locale, je pénètre dans l'Absinthe bar rue Pasteur pour goûter à cette boisson sulfureuse à des milliers de kilomètres de sa terre d'origine. L'antre de Bacchus est plutôt accueillante : comptoir en bois, carrelage en damier noir et blanc, lumière tamisée, mais sur le mur vert une affiche donne le ton : "L'absinthe c'est la mort". Le gérant est derrière son comptoir. Sur sa carte, il me laisse le choix parmi 18 différentes absinthes toutes importées de pays Européens : France, Suisse, République Tchèque. Les prix s'échelonnent de 3 à 7 dollars.

Thibault Sargentini, grand lillois aux yeux aussi clairs que l'alcool qu'il propose, a eu l'idée d'ouvrir son bar lors d'une nuit de beuverie avec ses amis à Kampot. Arrivé au Cambodge en 2008, il cherchait une idée originale, un concept.  "Les gens viennent ici pour une expérience, pour goûter pour la première fois un alcool qu'ils connaissent. L'absinthe a une histoire ", déclare-t-il.

J'opte pour une Hapburg Deluxe, la plus forte et la moins chère. Thibault Sargentini sort alors le matériel. Verre à pied, reproduction de la cuillère Toulouse Lautrec, fontaine à eau. Il saisit la bouteille anglaise et verse un peu de substance d'un vert sombre. Puis il place un sucre sur la cuillère, " à la mode tchèque ", m'explique-t-il. Il fait tremper le sucre dans le verre puis le brûle. J'observe le cube blanc frémir sous le filet d'eau de la fontaine tout en frémissant moi-même à la pensée de ma future migraine provoquée par ces 89 degrés d'alcool. Je trempe mes lèvres. C'est étonnement bon. Un goût frais, un mélange de saveurs très douces, bien plus subtiles que le Pastis à papa.

 

La fée verte

L'absinthe a mauvaise réputation depuis les Degas, Van Gogh et Toulouse-Lautrec, ces artistes maudits du Montmartre du 19ème siècle. Pourtant, elle a été relégalisée en France l'année dernière après vingt et unes années d'interdiction où on en trouvait une version édulcorée sous l'appellation « spiritueux aux plantes d'absinthes ». Si on disait qu'elle rendait fou, c'est à cause de certains alcools frelatés que l'on pouvait trouver à l'époque. Une mauvaise distillation produisait de l'éthanol au lieu du méthanol. Ce tord-boyau rendait aveugle dans l'heure.

Je cligne des yeux, ça va, je vois toujours aussi net. En France, l'absinthe était le premier apéritif consommé avant le vin. Face à cette montée en puissance, le lobby du vin et les premières ligues anti alcoolémie l'ont fait interdire en 1914 pour démonter la concurrence. Mais l'absinthe revient à la mode et pimente une longue soirée d'été. Deux hommes au bar savourent leur verre. "C'est un lieu vraiment intéressant. L'absinthe est délicieuse, j'aime le goût final qu'elle laisse sur la langue", confie Rob Lamb, un Hawaïen de passage.

Thibault espère faire davantage fructuer ses affaires. À son billard au premier et son toit-terrasse, il compte désormais ajouter une corde culinaire en proposant une petite restauration brésilienne. Ca y est, j'ai bien fini mon verre comme les autres, je suis bien désaltérée et je n'ai même pas la tête qui tourne. J'ai juste envie de danser un french cancan et d'écouter Aznavour chanter la Bohême.

Absinthe bar, 216 rue 51, ouvert de 17h à 3h, tous les jours sauf le lundi.


Eléonore SOK-HALKOVICH (www.lepetitjournal.com/cambodge) Vendredi 23 septembre 2011

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