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Delphine Lambert : associer solidarité et écologie à Istanbul

Delphine Lambert 0 déchetDelphine Lambert 0 déchet
Écrit par Albane Akyüz
Publié le 27 mai 2020, mis à jour le 11 janvier 2024

Delphine est expatriée à Istanbul depuis 2017, où elle a décidé de s’engager en tant que bénévole au sein de l’association Istanbul Accueil ; elle y a vite trouvé sa voie en aidant Yusra, un community center situé à Edirnekapi (Fatih), qui accueille des enfants déplacés pendant la journée, mais pas que… 

Le Centre repose sur le volontariat et les dons

Pourriez-vous nous présenter le Centre Yusra ? 

Son histoire 

Le centre a ouvert en 2016. Shahla Raza en est la responsable depuis sa création.

Shahla est d'origine indienne, et vit à Bombay quand cette histoire commence. Tous les jours en allant au travail en voiture, elle voit beaucoup d'enfants pauvres au bord de la route. Elle se demande ce que fait son pays pour ces enfants, et un matin elle se demande ce qu’elle, elle fait pour ces enfants là.

L’idée part d’ici, et elle ouvre un premier Centre, Dhai Akshar Educational Trust, avec d’autres collaborateurs à Bombay, et cherche rapidement comment et où elle peut aider ailleurs dans le monde. A cette période, la guerre en Syrie fait la une de tous les médias. Elle décide alors de partir 5 mois avec une ONG pour aider du côté de Gaziantep. Là-bas, Shahla trouve sa voie. Elle arrive quelques mois plus tard à Istanbul, dans le quartier de Fatih, où elle commence tout simplement par collecter des vêtements et les distribuer aux familles réfugiées du quartier. Quelques mois plus tard, elle ouvre le Yusra Community Center, avec l’aide de plusieurs bénévoles, dont Othman, jeune réfugié du quartier qui lui a tout de suite proposé son aide.

Son fonctionnement

Le Centre repose seulement sur le volontariat et les dons. Toutes les personnes qui aident et qui donnent des cours, des leçons, ou mettent leurs compétences au service des plus démunis, sont bénévoles. 

Des opérations de soutien financier (crowdfunding, cagnottes, actions solidaires, printemps des Artistes etc.) sont organisées régulièrement pour maintenir la survie du centre et surtout l’accès aux enfants et aux parents à ces différents soutiens.

La vie au Centre

Le centre propose principalement des activités pédagogiques avec les enfants des familles réfugiées, mais pas seulement. Il propose également un soutien et une aide pour les besoins médicaux, les questions administratives et légales en Turquie. Les femmes peuvent aussi participer à des cours de turc et à des cours de yoga.

Les enfants du centre sont accueillis de 11h à 16h.

Ils reçoivent une collation (un verre de lait et un biscuit) en arrivant, ensuite la classe en turc commence, et dure jusqu’à 13h. L’heure du repas arrive (des bénévoles se relaient pour cuisiner pour les enfants un repas complet avec fruits, légumes frais et protéines animales ou végétales, il parait même que parfois il y a des gâteaux, mais chut...). L’après-midi est en général consacrée à d’autres activités dispensées par différents bénévoles : art thérapie, yoga, musique, musées...

L’atelier des mamans ("Inshirah Collective")

C’est ainsi que l’idée d’un atelier couture proposé aux mamans est née. Nous les voyions tous les jours déposer et récupérer leurs enfants au centre sans vraiment avoir d’échanges hormis quelques-unes de leurs demandes ponctuelles. Le besoin de contact entre elles et nous est arrivé naturellement. Au départ, nous l’avions simplement pensé comme un lieu d’échanges et de partages. 

Puis, nous leur avons proposé la confection d’un calendrier de Noël durable pour le marché de Noël de l’association Istanbul Accueil (dans les jardins du Consulat général de France). C’est comme cela que tout a commencé…

Yusra community center projet 0 déchet
Calendrier de Noël durable

L’atelier peut accueillir de 3 à 10 personnes. Suivant les activités de chacune, de 2 à 8 personnes y ont travaillé et y travaillent encore. 

Nous parlons la même langue, celle des mains (les miennes) et des doigts de fées (les leurs)

Pouvez-vous nous parler plus en détails de l'atelier couture "0 déchet" ?

Naissance du projet 

Je faisais déjà partie de la grande famille des “zéro déchet ou presque”. Et quand nous avons eu l’idée des calendriers durables, j’ai accepté d'ouvrir l'atelier couture à d'autres créations, mais sans pour autant renoncer à cette partie de moi-même. Et connaissant la masse de tissus inutilisés, j’ai décidé de mettre à profit cette matière première réutilisable afin de faire fabriquer des articles durables.

La récupération de tissus

Grâce à plusieurs réseaux, je me déplace environ tous les 3 mois dans différents lieux à Istanbul ; principalement des lieux de collectes de vêtements, qui récupèrent aussi des tissus dont les personnes n’ont plus besoin. Nous faisons également appel aux membres d’Istanbul Accueil, qui ont parfois des tissus qui dorment dans leur placard depuis plusieurs mois voire plusieurs années. Certains magasins d'ameublement que nous avons sollicités aussi nous donnent de temps en temps.

Les créations 

Une majorité des créations est consacrée aux articles qui permettent de remplacer les objets à usage unique de notre quotidien (carrés démaquillants, sacs à vrac, tissus absorbants, mouchoirs…).

 

 

yusra istanbul
Crédit photos : Noémie Deveaux 

 

Les défis rencontrés

L’imagination et la création sont au rendez-vous à chaque fois que je récupère de nouveaux tissus. Les matières, les couleurs, les quantités… sont autant d’indices et de révélateurs de nouvelles idées.

L'adaptation à différentes situations et à différents métiers : je suis tantôt transporteur, créatrice, comptable, vendeuse, et toujours aux côtés des mamans avec qui je travaille de manière hebdomadaire. Le véritable challenge : la langue ;-) mais avec le turc, l’anglais, le français et l’arabe nous arrivons toujours à nous comprendre. Et des bénévoles au grand cœur sont là dans les moments importants de nos échanges. Pour la couture nous parlons la même langue, celle des mains (les miennes) et des doigts de fées (les leurs).

Je ne voudrais pas que "les habitués" pensent que le projet s’arrête

Vous allez quitter la Turquie cet été, comment voyez-vous l’avenir de cet atelier couture "0 déchet" ?

A vrai dire, je suis parfois un peu soucieuse quant à l’avenir de l’atelier. N’étant plus à Istanbul à partir de cet été, je ne voudrais pas que "les habitués" pensent que le projet s’arrête, d’autres bénévoles vont prendre le relais (pour continuer les créations et les ventes), et d'ailleurs, si cela vous intéresse, vous pouvez les rejoindre !

Je resterai disponible par Whatsapp pour toutes demandes à Istanbul ou ailleurs.

Ce projet, je l’ai porté de manière bénévole et volontaire ici à Istanbul. Plusieurs personnes ont été à mes côtés durant les deux dernières années, des bénévoles aussi. Je ne suis jamais allée chercher les tissus seule, la découpe est aussi un moment important. Les associations d’idées, de couleurs… tout ça fonctionne mieux à plusieurs. Les ventes sont des moments clés, et plusieurs volontaires m’ont aussi toujours accompagnée ; quand on a compris la démarche, il est facile de prendre le relais. Et quand on sait pourquoi on le fait, on a toujours l’énergie pour aider ! J’ai fait beaucoup de belles rencontres autour de ce projet, tout en aidant des personnes qui en ont le plus besoin. C’est le moteur de cette envie, continuer d’aider et de soutenir depuis la France. 

Je ne m’interdis pas de poursuivre l’aventure ailleurs

Pensez-vous pouvoir, un jour, « importer » les créations des "Inshirah collective" en France, ou ailleurs ?

C’est une idée que je n’avais pas encore développée jusqu’à présent, car la situation à Istanbul était suffisante. 

Mais je ne m’interdis pas de poursuivre l’aventure ailleurs, bien au contraire. Nous avons déjà eu quelques commandes à Paris, à Madrid ou à Copenhague (bouche à oreille). 

A la rentrée, je vais reprendre mon activité (enseignante) en France, mais à temps partiel, afin d’avoir un peu de temps pour continuer à soutenir les "Inshirah Collective", en trouvant peut-être de nouveaux partenaires à Paris, toujours dans un esprit solidaire et durable.

 

"L'avenir n'est pas ce qui va arriver, mais ce que nous allons en faire"  (Henri Bergson)

 

Découvrez les créations d'Inshirah Collective

Si vous êtes intéressés par le projet, vous pouvez contacter Delphine : delphinezucconi@gmail.com 

Propos recueillis par Albane Akyüz

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