Une vague d'indignation a déferlé sur les réseaux sociaux du pays, face à l’aveu du Ministre turc de la Santé, Fahrettin Koca, mercredi 30 septembre, déclarant que le gouvernement n’avait pas publié jusqu’à présent le nombre total de cas quotidiens positifs de Covid-19, mais seulement ceux qui étaient "symptomatiques".
Suite aux déclarations du Ministre de la Santé, des milliers d'utilisateurs de Twitter ont demandé au gouvernement de révéler le nombre réel et exact des cas, alors que plusieurs partis et groupes d’opposition avaient déjà exigé du gouvernement qu’il soit transparent sur le sujet depuis le début de la pandémie.
Parmi les commentaires twitter, l’Union des Médecins de Turquie (TTB) a témoigné sa colère : "Vous n'avez pas effectué le processus de manière transparente. Nous disons cela depuis six mois. Vous avez caché la vérité. Vous n'avez pas empêché l'épidémie de se propager".
Ambiguïté sur les termes utilisés
Pour mieux comprendre la colère, il faut savoir que le ministère turc de la Santé a défini le nombre de nouveaux cas de Covid-19 d'une manière bien différente de la définition utilisée par les organisations internationales telles que l'OMS et l’ECDC.
En effet, le Ministre Koca a avoué que les cas positifs de Covid ne présentant aucun symptôme n’étaient pas inclus dans le tableau quotidien résumant les cas.
Pour le Ministre, le nombre quotidien de nouveaux "patients", qu'il a définis comme ceux qui sont "symptomatiques", est plus important que le nombre de nouveaux "cas", incluant les asymptomatiques.
Une différenciation largement critiquée par l’Union des Médecins de Turquie qui a demandé au Ministre le 1er octobre dernier de ne pas "jouer avec notre santé", en soulignant le fait que "les patients et les cas sont la même chose en médecine".
Cette critique fait suite à l’ambiguïté des termes utilisés et à l’incohérence des chiffres divulgués par le ministère de la Santé qui avait signalé 963 "cas" le 28 juillet, et 942 "patients" le lendemain. Le 29 juillet, les données indiquaient le nombre quotidien de nouveaux "patients", alors qu'avant cela, elles indiquaient le nombre quotidien de nouveaux "cas".
Tıp biliminde Vaka ile Hasta aynı şeyi ifade eder. Sağlığımız ve aklımızla oynamayın! Madem “Vaka” ve “Hasta” farklı şeyler, bir gecede ne değişti de “Vaka”ların tamamı HASTALANDI? pic.twitter.com/GooNOMLBSf
— TürkTabipleriBirliği (@ttborgtr) October 1, 2020
L’Union des Médecins de Turquie a ainsi commenté "Puisque les patients et les cas sont des choses différentes, qu'est-ce qui a changé du jour au lendemain pour que tous les cas deviennent des patients ?"
Un nombre de cas "20 fois plus élevé"
Selon le député CHP (opposition) Murat Emir, le nombre de cas de coronavirus en Turquie est "20 fois plus élevé que les données officiellement publiées".
En effet, d’après ce député, le 10 septembre, le nombre de patients testés positifs serait 20 fois plus élevé que le rapport officiel du ministère de la Santé le même jour ; il fonde ces chiffres sur un document qui aurait été extrait du système de gestion des informations des laboratoires du ministère de la Santé.
Le député a déclaré : "Selon ce document, les responsables de la santé ont effectué un total de 157 975 tests, dont 29 377 sont revenus positifs. Cependant, ce jour-là, le 10 septembre, le Ministre de la Santé Fahrettin Koca avait annoncé que le nombre de patients était de 1512".
Emir insiste : "La première condition dans la lutte contre la pandémie est d'informer correctement notre peuple" et il rappelle qu’il est "du devoir et de la responsabilité d’un scientifique d’informer le public de manière appropriée". Il s’insurge : "Dites la vérité, soyez transparents et arrêtez de faire de la politique politicienne !".
Özgür Özel, un autre député du CHP, a tweeté que la reconnaissance de Koca est une "confession que l’État ment à ses citoyens" et que "cacher la gravité de la situation est la principale raison pour laquelle la lutte contre le virus ne réussit pas".
Le nombre quotidien officiel d’infections et de décès en Turquie au cours des dernières semaines a atteint des chiffres similaires à ceux enregistrés en mai. Après une baisse significative en juillet (seuls 902 cas déclarés le 22 juillet), le nombre d’infections déclarées a recommencé à augmenter. Le bilan des décès dus au coronavirus en Turquie s'élève à 8498 le 5 octobre.
Annulation de vacances en cascades
Ces derniers chiffres affectent directement le secteur du tourisme, déjà fortement touché depuis le début de la crise sanitaire.
En effet, devant cette situation alarmante, le gouvernement britannique a tout de suite réagi, et ajouté la Turquie à sa "liste de quarantaine" le jeudi 1er octobre ; certaines compagnies ont décidé de restreindre, voire d’annuler, des vols vers la Turquie, anéantissant tout espoir de voir venir des touristes britanniques.
Un tweet du secrétaire aux transports, Grant Shapps, annonce qu’à partir du 3 octobre, toute personne en provenance de Turquie, et arrivant au Royaume-Uni, devra s'isoler pendant 14 jours.
"10 000 vacanciers britanniques se trouvent actuellement en Turquie et 40 à 50 000 autres devraient s'y rendre le mois prochain" a déclaré Paul Charles, un voyagiste anglais, qui avait salué la venue en Turquie de nombreux Britanniques cet été, mais qui enregistre de nombreuses annulations pour les mois à venir.