Adoptée en juillet 2025, la première loi-cadre climat de Turquie fixe des objectifs clairs : neutralité carbone en 2053, création d’un marché du carbone et nouvelles obligations pour les entreprises.


Une première loi climat pour la Turquie
Le 2 juillet 2025, la Grande Assemblée nationale (TBMM) a adopté la première loi-cadre sur le climat de Turquie. Publiée au Journal officiel le 9 juillet 2025 (n° 32951) sous l’intitulé Loi n° 7552 – İklim Kanunu, elle marque une étape inédite dans la gouvernance environnementale du pays.
Le texte comprend 20 articles, 2 dispositions transitoires et modifie trois lois existantes, selon la Direction du changement climatique du ministère de l’Environnement.
L’article 1 fixe l’ambition : lutter contre le changement climatique dans la perspective d’une “croissance verte” et de la neutralité carbone en 2053, tout en encadrant la réduction des émissions et les politiques d’adaptation.
Objectif 2053 et création d’un marché du carbone
La loi inscrit désormais dans le droit turc la cible de neutralité carbone en 2053, annoncée par Recep Tayyip Erdoğan lors de la ratification de l’Accord de Paris en 2021.
Pour y parvenir, elle prévoit la mise en place, dès 2026, d’un système national d’échange de quotas d’émission (Emissions Trading System – ETS). Concrètement, ce mécanisme fixe un plafond d’émissions : les entreprises se voient attribuer des quotas, qu’elles peuvent revendre si elles polluent moins que prévu, ou acheter si elles dépassent leurs limites.
Un Conseil du marché du carbone supervisera le dispositif, en définissant les plafonds et les règles d’allocation. Les revenus générés seront versés dans un Fonds climat destiné à financer la transition énergétique. La loi impose qu’au moins 10 % de ces recettes soient consacrées à la transition juste, c’est-à-dire au soutien des populations et secteurs les plus touchés par la décarbonation.
Gouvernance et plans d’action
La coordination nationale est confiée à la Présidence du changement climatique, sous l’autorité du ministère de l’Environnement. Des plans d’action climat devront être élaborés périodiquement au niveau national, en coopération avec les institutions concernées.
À l’échelle locale, chaque province mettra en place un Conseil provincial du climat présidé par le vali (préfet). Les collectivités auront l’obligation d’élaborer des plans d’action climat locaux d’ici au 31 décembre 2027 (délai prolongeable d’un an). Ces plans devront intégrer à la fois des mesures de réduction des émissions et d’adaptation, en tenant compte du principe de transition juste.
La loi prévoit aussi le recours à des analyses de risques climatiques sectoriels, mises à jour régulièrement, ainsi que des instruments financiers (obligations vertes, assurances), le développement de l’économie circulaire (zéro déchet), et la création d’une taxonomie verte nationale.
Sanctions et obligations pour les entreprises
Les entreprises concernées par le marché carbone devront transmettre chaque année un reporting climat vérifié sur leurs émissions. En cas de manquement, elles s’exposent à des amendes administratives allant de 120.000 à 50.000.000 ₺, révisées chaque année selon le coefficient légal.
La loi ouvre aussi la voie à un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (SKDM), inspiré du Carbon Border Adjustment Mechanism (CBAM) européen. Objectif : protéger l’industrie nationale en intégrant l’empreinte carbone des importations et éviter les risques de “fuite carbone”.
Réactions et limites du texte
Un progrès salué. L’ICAP (International Carbon Action Partnership) salue une avancée majeure, qui dote la Turquie des bases d’un système carbone crédible et d’un cadre de gouvernance structuré. Les institutions financières internationales, telles que la Banque mondiale, ont annoncé en parallèle de nouveaux financements verts pour soutenir la transition turque.
Des critiques persistantes. Pour Client Earth, la loi représente un pas important mais reste “loin d’être idéale”, faute d’objectifs intermédiaires précis et de garanties claires sur la sortie des énergies fossiles.
Plus de 100 ONG turques ont dénoncé un texte trop centré sur les mécanismes de marché, sans feuille de route claire pour sortir du charbon ni participation suffisante du public.
Un défi structurel. En 2024, selon l’ONG Ember, le charbon représentait encore 36 % de l’électricité turque, faisant de la Turquie le premier producteur d’électricité au charbon en Europe, devant l’Allemagne. Ce contraste alimente le scepticisme sur la capacité du pays à atteindre réellement la neutralité carbone en 2053.
Entre ambition et défis
Avec cette première loi climat, la Turquie s’aligne sur la dynamique internationale et envoie un signal fort aux investisseurs et à l’UE. Mais la route vers 2053 reste semée d’embûches : sortir du charbon, appliquer réellement les sanctions et mobiliser les financements seront les véritables tests de cette nouvelle ère climatique.
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