À flanc de colline près d’Izmir, Şirince attire pour ses maisons anciennes et ses vins colorés. Mais ce village au charme certain porte aussi les traces d’une mémoire discrète, souvent oubliée.


Un décor de carte postale au cœur des montagnes d’Izmir
Ruelles pavées, maisons blanches aux volets sombres, vignes suspendues aux flancs des collines... À première vue, Şirince semble tout droit sorti d’un roman. Le village attire d’abord par son esthétique : un amphithéâtre de toits orangés posé entre les pins.

Sa réputation de “village préservé” n’est pas usurpée. Ici, les constructions modernes sont rares, et les façades rénovées respectent encore l’allure ottomane de l’ancien village grec. Mais si l’authenticité saute aux yeux, elle est aussi savamment entretenue : boutiques d’artisanat, restaurants familiaux, enseignes bilingues... Le tourisme a modelé Şirince sans l’avoir entièrement dénaturé.
C’est dans cette ambiance suspendue que commence la visite, au rythme tranquille d’un village où l’on flâne plus qu’on ne visite, où chaque ruelle semble offrir son propre panorama.
Un village, deux mémoires
Avant les vins fruités et les boutiques de souvenirs, il y avait un autre Şirince. Un village orthodoxe grec, accroché à la montagne, qui portait alors un tout autre nom : Kırkınca, rebaptisé Şirince en 1926. Ce changement ne fut pas que toponymique.
À la suite du traité de Lausanne en 1923, les habitants grecs orthodoxes de Şirince ont quitté le village, tandis que des familles venues des Balkans s’y sont installées. Le village a changé de population, comme de nombreux autres en Anatolie, bouleversant ses repères, ses rites, ses voix.
Deux anciennes églises subsistent encore aujourd’hui, silencieuses et en partie effacées par le temps.

Quelques noms de lieux rappellent l’origine grecque des fondations. Mais le passé n’est que discrètement évoqué, souvent réduit à quelques lignes sur des panneaux touristiques. Le village semble avoir choisi d’écrire une autre histoire, plus douce, plus lisible : celle d’un lieu au charme ottoman, reconverti avec soin.
Le vin, entre folklore et marketing
Dans les rues de Şirince, les étals se ressemblent : des bouteilles colorées, des étiquettes aux motifs rustiques, des parfums de cerise, de mûre ou de pêche qui flottent dans l’air. Le vin est partout. Ou plutôt, ce qui en tient lieu.

Présenté comme une tradition locale, le vin de Şirince est devenu l’un des piliers de son identité touristique. Mais derrière l’abondance des flacons fruités, le savoir-faire vinicole reste modeste. La plupart des vins proposés sont sucrés, aromatisés, pensés pour séduire les visiteurs de passage, plus que pour honorer une culture viticole ancestrale.
Les habitants eux-mêmes sourient parfois face à cette réputation construite. Si certains producteurs locaux tentent d’élever la qualité, le vin reste ici un prétexte plus qu’un patrimoine, une vitrine qui fait partie du décor.
Et pourtant, ce folklore viticole n’enlève rien au charme du lieu. Il participe même à son atmosphère : celle d’un village où l’on prend le temps, où l’on goûte, où l’on flâne, même si l’on sait que le vin n’aura pas la finesse d’un grand cru.
Une halte toujours précieuse, à deux pas d’Éphèse
Şirince n’a pas besoin d’en faire trop. Son charme opère par contraste, à l’ombre des grands sites touristiques voisins. Situé à moins de dix kilomètres d’Éphèse, il offre une respiration bienvenue après la grandeur des ruines antiques. Un contrepoint paisible, niché dans les montagnes.
La route traverse les collines verdoyantes, et mène doucement au village, niché entre pins et vergers. Le village est facilement accessible depuis Selçuk, en voiture ou en minibus, ce qui en fait une excursion idéale d’une journée. Matin à Éphèse, déjeuner en terrasse à Şirince, balade digestive entre les étals… Certains choisissent d’y passer la nuit, pour profiter du calme une fois les visiteurs repartis. D’autres s’y arrêtent le temps d’un café turc face aux collines. Qu’on y reste une heure ou une nuit, Şirince marque par sa douceur.
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